Claire se réveilla tôt, accompagnée par les bruits du jardin. Son copain, lui, dormait encore à poings fermés. La partie de poker, la veille à leur étage, avait dû se finir tard. Arrivée dans la salle-à-manger, elle put apercevoir, à travers la fenêtre de la cuisine, les oiseaux qui l’avaient tirée de son sommeil. Un toast brûlant à la main, elle devinait maintenant entre les maisons et les arbres la pointe azurée du lac en ce chaud samedi d’été. Tandis qu’elle partait, une apparition de lumière dans l’imposte lui indiqua que l’appartement se réveillait tranquillement. «Quel parfum !» se dit-elle ironiquement en passant le seuil de sa porte. L’odeur de tabac des joueurs d’hier n’avait pas encore quitté les lieux malgré les fenêtres toujours ouvertes. Tout en enfilant ses chaussures, elle pouvait entendre l’écho du grand escalier. Elle se pencha vers le deuxième étage et observa les deux enfants qui y jouaient. «Bonjour Claire». Anne, du premier, sortait à l’instant et la salua d’un ton enjoué. Un déjeuner sur le perron s’annonçait. Mais Claire n’avait pas le temps. Elle regrettait par moment d’avoir accepté ce travail. Elle aurait donné cher pour se poser un instant au jardin. En achevant de descendre les escaliers, elle déboula dans le hall d’entrée. «08:07 déjà!» Elle releva rapidement le courrier, et à grandes enjambés, traversa la cour, puis la route et s’engouffra en trombe dans le métro. Inspiré de Charles-Ferdinand Ramuz, Les circonstances de la vie (1906)