Parmi les provinces romaines, la Dacie, par son emplacement aux confins des civilisations grecque et latine, a abrité une population cosmopolite, caractérisée par le multilinguisme et le multiculturalisme, pour laquelle le latin et le mode de vie romain ont joué un rôle de catalyseur. En l’absence des investissements coûteux dans les projets archéologiques, l’onomastique a su suppléer avec succès les résultats des fouilles, en fournissant un matériel fertile qui complète le tableau historique de la province et qui redonne une image assez fidèle de ses habitants. L’essor des études onomastiques dans l’après guerre, la transformation de l’onomastique de science auxiliaire de l’histoire en science autonome, s’est traduit en Roumanie par une série d’enquêtes qui essayent de reconstituer, au moins partiellement, des anciennes langues aujourd’hui disparues (l’illyrien, le thrace) à partir de leurs uniques vestiges : les noms propres. Suivant la tradition de l’époque, les ouvrages désormais classiques de I. I Russu ne retiennent que les aspects linguistiques, la morphologie et l’étymologie des noms, dans l’esprit des études indo-européennes qui dominaient alors l’historiographie occidentale. Dans ce sillage, les auteurs qui ont suivi, ont adopté la même perspective philologique qu’ils ont enrichie plus récemment par des études prosopographiques, mais leurs travaux restent ponctuels, limités à une certaine communauté ethnique, à une catégorie sociale ou bien à la population des grandes villes. De là naît le besoin d’un projet plus étendu qui porte sur l’ensemble de la province et qui, tout en tenant compte du caractère interdisciplinaire de l’onomastique, traite à la fois de la position des noms dans le système de la langue et des aspects légaux, politiques et sociaux révélés par les anthroponymes. Dans cette thèse je vise à étudier, de manière critique et détaillée, l’anthroponymie de la Dacie Romaine, en complétant l’enquête prosopographique tournée vers les aspects sociaux par une approche philologique. Les deux jalons chronologiques que j’ai choisi pour encadrer mon ouvrage, seront l’an 106, la date de la défaite des Daces face à Rome, comme terminus post quem, et 271 année qui marque conventionnellement la fin du gouvernement romain en Dacie.L’onomastique de la Dacie est marquée par des influences multiples : influence politique (gentilices ajoutés), religieuse (théophores), ethnique (noms « barbares), influence du milieu militaire (noms latins), de la culture classique (noms grecs), des pratiques étrangères (noms celtes). Il n’y a pas une influence dominante, pareil à la romanisation, l’onomastique telle qu’elle nous a été conservée est un produit entièrement nouveau, née de l’intersection de tous les usages que les habitants de la province ont fait des noms.By virtue of its location on the borders of Latin and Greek civilizations, Dacia, one of the Roman provinces, housed a cosmopolitan population. This cosmopolitanism was characterized by multilingualism and multiculturalism, with the Latin language and the Roman lifestyle acting as catalysts. Despite the absence of much investment in archaeological projects, onomastic studies successfully compensated for the lack of excavation. Onomastics provided rich material, filling in the historical picture of the province (the history of the province), and giving a fairly accurate impression of its inhabitants. The sudden growth of onomastic studies in the postwar period and their transformation from an ancillary science of history to a science in its own right, was reflected in Romanian historiography in a series of studies that attempted to reconstruct ancient languages (Illyrian, Thracian), at least partially, through their unique remains: proper names. The classic work of I.I. Russu focuses only on linguistic aspects, morphology and etymology of names, following the scientific practice of the time, in the wake of the domination of Western historiography by Indo-European studies. The followers of this line of investigation continued to adopt a philological perspective, which has been recently enriched by a prosopographic approach. Yet, such investigations remain limited to a specific ethnic community, a social group or the population of large cities. Hence the need for a larger project that studies the onomastics of the whole province, and (given the interdisciplinary nature of onomastics) that investigates the position of a name in a language as well as the legal, political or social aspects revealed by anthroponyms. In this thesis I study, in a detailed and critical manner, the onomastics of Roman Dacia, and to the prosopographical investigation, usually oriented toward social aspects, I add a philological perspective. The two chronological milestones that I have chosen for my study are 106 A.D., the date of the final defeat of the Dacians as terminus post quem, and 271 A.D., the conventional date marking the abandonment of the Dacian provinces as a case of terminus ante quem.Dacian onomastics is marked by multiple influences: political (added gentile names), religious (theophoric names), ethnic ("barbarian" names), and the influences of the military milieu (Latin onomastics), of classical culture (Greek names) and of foreign onomastic practices (Celtic names). There is no single dominant influence: in the form in which it has been preserved, onomastics, like Romanization, is a completely new product, born at the intersection of all the uses that the inhabitants of the province gave to proper names