Un monument du patrimoine national : la forme républicaine du Gouvernement

Abstract

International audienceAu terme de l’article 89 de la constitution de 1958 « la forme républicaine du gouvernement est intangible ». La formulation de cet article accrédite l’idée selon laquelle il serait possible, en insérant un article dans la constitution, d’arrêter la marche de l’histoire. Car c’est bien cela dont il s’agit. Le mot intangible signifie : « que l’on ne peut pas toucher, qui doit rester intact ». Mais si d’aventure le peuple français souhaitait changer de régime, l’article 89 opposerait-il un obstacle dirimant ? Si cette explication de l’article 89 n’est pas la bonne, pourquoi utiliser dans la constitution le mot « intangible » ? Même le territoire de la France n’est pas intangible. Il se réduira peut être en fonction des résultats du référendum sur l’autodétermination de la Nouvelle Calédonie. Il a déjà évolué à de multiples reprises, du fait de l’adjonction, en 1860, de Nice et de la Savoie ou avec l’abandon des départements français d’Algérie en 1962. Le territoire, si l’on s’en tient à une lecture littérale de l’article 89, serait tangible, tandis que le régime politique serait intangible ? Même Jules Ferry, président du Conseil au moment de la discussion de l’article et partisan de la forme républicaine du gouvernement, confirmait ce point de vue par la déclaration suivante : « Nous ne serions pas dignes de présider au gouvernement [ …] si nous nous faisions l’illusion de croire qu’un texte inséré dans une constitution peut assurer à cette constitution l’éternité […]. Nous en savons assez pour n’avoir pas songé à vous demander de décréter l’éternité de la République » (J. Ferry, révision des lois constitutionnelles du 4 au 13 août 1884, Annales de l’Assemblée nationale, JO, 1884, séance du 11 août 1884, p. 96). Quel pouvait être dans ces conditions l’intérêt d’insérer cet article dans la constitution ? C’est à cette interrogation que j’ai tenté de répondre de l’article intitulé : « Un monument du patrimoine national, la forme républicaine du gouvernement ». Quelle était l’intention réelle des parlementaires de la IIIème République, le 14 août 1884, lorsqu’ils introduisirent cette disposition dans la constitution ? Et celle du constituant de 1946, puis de 1958, lorsqu’ils la confirmèrent ? Quel était l’intérêt de graver une telle disposition dans le marbre de la loi constitutionnelle.La première réponse est d’ordre conjoncturel. Il s’agissait tout simplement d’inscrire dans le texte constitutionnel la victoire des républicains sur les monarchistes, à un moment où elle pouvait encore paraître fragile. Une seconde réponse peut être envisagée ; elle se fonde sur les potentialités toujours plus grandes induites par le contrôle de constitutionnalité. La République n’est pas seulement une forme de Gouvernement. Elle tend à se confondre avec l’Etat, voire avec la souveraineté. A partir du moment où l’on admet que République, Etat et souveraineté forment une personne identique, l’intangibilité de la forme républicaine du gouvernement pourrait laisser à penser qu’il existe des compétences intangibles de la « République ». Mais si ces compétences sont intangibles, comment est-il possible de lever l’obstacle de l’article 89 lorsqu’elles sont transférées. Tel fut le cas lors du transfert de compétences à l’Union européenne. Certains opposants à ce transfert se sont fondés sur l’article 89, sans obtenir gain de cause

    Similar works