research

Systèmes de croyance Niomankas et gestion des ressources naturelles de mangroves

Abstract

peer reviewedLe concept de «savoirs endogènes» constitue actuellement l’un des axes majeurs de la réflexion autour de la problématique de la conservation de la biodiversité. En effet, on se rend de plus en plus compte que l’activité de conservation de la diversité biologique, qui met à contribution les organisations locales, les structures étatiques et les ONG environnementales, ne peut pas seulement s’appuyer sur les connaissances scientifiques. La réflexion autour des savoirs écologiques locaux (Technical Ecological Knowledge [TEK]), et leur valorisation, apparaît comme une solution pour une gestion durable et viable des écosystèmes marins et côtiers, en particulier pour les forêts de mangrove du Siné-Saloum. Au Sénégal, l’ensemble du littoral subit depuis plusieurs décennies les effets de la désertification. Les initiatives se multiplient dans la Réserve de la Biosphère du Delta du Saloum [1]*** (RBDS) pour réhabiliter les écosystèmes côtiers. Il serait intéressant de voir quels peuvent être les apports des savoirs locaux, ceux des Niominka et Socé, dans la dynamique globale de conservation de la biodiversité écologique. Au moment où des plans de gestion de la mangrove [2] sont en train d’être conçus, il serait bon d’intégrer les savoirs écologiques endogènes dans le processus de leur conception et de mise en œuvre. En effet, dans le jeu des interactions entre communautés locales et ONG, donc intervenants extérieurs, il peut arriver que des réactions de rejet se manifestent. S’il en est ainsi, c’est parce que les ONG sont parfois porteuses d’initiatives qui ne tiennent pas compte des manières de penser, des rapports qui lient la nature aux populations autochtones, des systèmes de conception, de représentation et d’occupation de l’espace ou d’appropriation des ressources. Chez les Niominkas du Siné-Saloum, il existe des croyances et perceptions qui ont eu un impact positif sur la protection de l’environnement. Selon l’anthropologue sénégalais Massaer Diallo [3], «si ce que l’on appelle aujourd’hui “le respect de l’environnement” et la “gestion durable des ressources naturelles” a des cas équivalents dans des cultures et sociétés dites traditionnelles (régies par des logiques endogènes et anciennes), c’est parce que ces dernières étaient fondées sur une conception, des règles et valeurs qui impliquaient voire édictaient un rapport harmonieux ou équilibré avec la nature (physique, animale et végétale)». En voici quelques illustrations. La sacralisation de Jiffa, Péthiamak, chez les Sérères de Djilor, fait que ces sites — même si ce n’était pas l’objectif recherché — sont aujourd’hui les moins agressés dans la communauté rurale [4]. L’injonction du génie protecteur du Loog, Laga ndong, de ne parler que le sérère dans la zone de pêche Niamokine — dans un pays où l’écrasante majorité parle wolof — a favorisé le contrôle du bolong par les Niominkas et la limitation de l’exploitation de ses ressources aux autochtones. De plus, l’islamisation des sociétés traditionnelles sérères a introduit un rapport de type nouveau entre l’homme et la nature parce que le fait de couper un arbre ou tout simplement des feuilles d’arbres sans en avoir besoin est associé à un péché. Celui qui abuse de la ressource végétale est selon le Coran un pécheur. En planter, c’est attirer la miséricorde divine sur soi, dit-on dans le texte sacré des musulmans. Ces représentations religieuses ont donc des incidences sur l’équilibre de la nature. Les savoirs écologiques locaux présentent un intérêt bien particulier mais il faut se garder de faire de l’ethnologisme. Et puis, il y a chez les Niominka une forte croyance selon laquelle la mangrove est un don de Dieu. Par conséquent, la pérennité des ressources qu’elle génère est garantie par une divinité. Quelle est la place de ces croyances dans le processus de désintégration des forêts de mangrove dans le Siné et le Saloum? Le présent article tente de fournir des éléments d’appréciation sur la place des savoirs locaux dans la conservation de la diversité biologique chez les communautés Niominka de la RBDS

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