Le jeudi 29 mai 2008 a eu lieu en région liégeoise un événement pluvieux extrême qui a eu des conséquences (humaines et financières) douloureuses. Pour rappel, une pluie de courte durée, mais très intense (lame d’eau d’environ 90 litres par mètre carré en moins de 2 heures) sur le domaine du Sart Tilman a provoqué des inondations très soudaines (communément appelées « flash-floods ») aux abords des ruisseaux descendant du Sart Tilman vers la Meuse et l’Ourthe.
Des évènements du même type ont eu lieu dans les semaines suivantes en région liégeoise (Remicourt, …). La méthodologie développée lors cette étude devait donc être transférable à d’autres applications. Le choix du Sart Tilman comme cas d’étude s’imposait cependant vu la bonne connaissance préliminaire du site par les équipes de l’ULg et la concentration des phénomènes extrêmes.
Un tel évènement interpelle et amène à chercher à comprendre le phénomène, à le reproduire de façon théorique et à l’anticiper. Ainsi, à l’initiative de la Ministre de la recherche scientifique de la Communauté Française (Marie-Dominique Simonet), l’Aquapôle a fédéré un travail multidisciplinaire visant à décrire les mécanismes de ces événements extrêmes et à reproduire les impacts hydrologiques de ces pluies exceptionnelles à l’échelle locale, dans un environnement boisé et vallonné.
Un des objectifs principaux de ce travail était d’obtenir une méthodologie incluant un modèle intégré permettant d’abord de représenter l’évènement, puis par la simulation de scénarios de tester l’effet spécifique de certains facteurs. En effet, outre la complexité de la dynamique météorologique qui les a générés (ces événements exceptionnels ont présenté des caractéristiques homogènes mais à une échelle très locale), les conséquences de l’évènement ont été le fruit de la combinaison complexe d’une série de facteurs environnementaux et humains : nature des sols, topographie locale, couverture végétale, ouvrages anthropiques et urbanisation, etc. De plus, pour effectuer une modélisation hydrologique physiquement basée et spatialement distribuée, il est nécessaire de disposer de nombreuses informations issues de sources différentes.
L’approche pluridisciplinaire exigée pour la rencontre de ces phénomènes a pu être rapidement appréhendée à l’Aquapôle de l’Université de Liège. En particulier, l’existence de modèles compartimentaux intégrés a permis de tenir compte de la dynamique des bassins versants, de la nature hydrogéologique des sols et de la complexité des écoulements de surface et/ou sur l’axe hydraulique. Cette approche de modélisation opérationnelle et pragmatique a tout d’abord nécessité la collecte et la préparation d’un grand nombre de données (dans les environnements cartographiques appropriés) afin d’alimenter les modèles et de créer des bases de données. Ce volet a impliqué un noyau d’équipes composées de topo-climatologues, de topographes, d’hydrauliciens, d’hydrogéologues et d’intégrateurs numériques de façon à prendre en considération l’ensemble des processus et paramètres pertinents à l’atteinte de l’objectif visé. Sur base de la description des processus et de leurs dynamiques spatiale et temporelle ayant abouti à ces catastrophes, l’Aquapôle a pu reproduire et mettre en évidence les événements grâce à des outils de simulations numériques s’appuyant sur une description fine de la météorologie et de la topographie locale, des ouvrages d’art existants et des spécificités locales de toute nature (anthropiques et naturelles).
Le dernier volet de cette étude a été dédié à l’élaboration intégrée de scénarios de simulation pour l’utilisation du modèle WOLF HYDRO : un modèle hydrologique spatialement et temporellement distribué qui est principalement développé pour représenter les transferts quasi horizontaux prépondérants en périodes de crues. Son approche physiquement basée lui permet d’utiliser au mieux les différentes informations disponibles. Il a été utilisé dans cette étude, en s’appuyant sur les informations générées par les autres équipes. Pour les trois bassins versants étudiés, de caractéristiques sensiblement différentes, la méthodologie employée permet d’aboutir à des hydrogrammes réalistes pour l’épisode du 29 mai 2008. Des scénarios multiples ont également permis de vérifier la sensibilité du modèle, de tester l’influence d’aménagements potentiels sur le bassin versant (changements d’occupation des sols, création de bassins d’orage, …) et de fournir des résultats pour des pluies de récurrences fixées d’une durée proche de l’événement principal.
Les observations réalisées lors de l’événement et les résultats de la modélisation permettent de conclure au fait que l’événement de mai 2008 est véritablement extrême et qu’aucun équipement raisonnable n’aurait pu aboutir à un affaiblissement significatif des débits observés aux exutoires des ruisseaux. Les pics de crues sont en effet parfois proches du double de ceux observés pour une crue bi-centennale. Ainsi, lors d’un tel événement, seul un aménagement prudent de l’habitat aux abords des ruisseaux peut amener à une réduction des dommages matériels. En effet, la délivrance de permis d’urbanisme sur le cours d’eau ou à son voisinage immédiat aggrave les conséquences de ces phénomènes exceptionnels.
Enfin, conformément à la notification du Gouvernement Wallon (séance du 3 juin 2009), les résultats de la recherche FL², confiée par la Communauté Française à l’ULg, seront intégrés dans les travaux du GTI (Groupe Transversal Inondations). Ces résultats ont fait l’objet d’une présentation collégiale au GTI le 5 octobre 2009 et d’une présentation à destination des communes et d’un public large et ouvert le 19 novembre 2009.Etude et modélisation des impacts hydrologiques de pluies exceptionnelles dans un environnement valloné et boisé, D.O.45 - P.A. 20 - A.B. 31.0