Malgré le nombre croissant de politiques d’atténuation des changements climatiques,
les émissions anthropiques de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter entre 1970
et 2010, avec des augmentations plus importantes entre 2000 et 2010. La période de
1983 à 2012 a d’ailleurs été identifiée comme la plus chaude des 1400 dernières années
dans l’hémisphère nord. Par conséquent, les changements climatiques ont été
identifiés comme étant l’une des principales menaces pour la biodiversité, les scénarios
les plus pessimistes conduisant à des taux d’extinction pouvant être qualifiés de
sixième extinction massive de l’histoire de la Terre. Les modèles de répartition
d’espèces (ou SDMs) ont été les outils les plus utilisés pour évaluer l’impact des
changements climatiques futurs sur la biodiversité en utilisant des informations
spatiales afin d’inférer les niches écologiques d’espèces à partir des conditions
climatiques actuelles. L’une des principales hypothèses de ces modèles est cependant
que les espèces vivent en équilibre avec leur environnement, comme si elles n’avaient
aucune limite de dispersion. Une telle hypothèse est essentielle si nous voulons
projeter ces niches écologiques modélisées sous des conditions climatiques futures.
L’objectif principal de la présente thèse était ainsi de développer un modèle intégratif
et spatialement explicite afin de pouvoir faire des prédictions sur les variations d’aire
de répartition des organismes dispersés par le vent, dans un contexte de changements
climatiques. Plus précisément, nous avons calibré un modèle analytique de dispersion
à longue distance de Wald avec des caractéristiques biomécaniques intrinsèques aux
espèces (i.e. la vitesse de sédimentation des diaspores et leur hauteur d’émission) et
des variables environnementales (i.e. hauteur de canopée, intensité de vent et10
turbulences). Nous avons ensuite intégré ce modèle de dispersion, combiné à des
cartes d’habitat potentiel, dans une version modifiée de l’automate cellulaire MigClim
permettant de simuler la migration des espèces tout en testant des scénarios de
changements environnementaux. Initialement, MigClim ne considérait qu’une
probabilité de colonisation isotrope autour d’une population source avec un noyau
(kernel) de dispersion constant dans l’espace. Ceci rendait problématique son
utilisation dans le cas d’organismes dispersés par le vent car (i) les courants aériens
sont directionnels et (ii) la vitesse du vent varie grandement à travers le paysage. Nous
avons donc développé cette méthode afin (i) de permettre l’intégration d’événements
de dispersion asymétrique en fonction de la vitesse du vent et (ii) de rendre le modèle
de dispersion spatialement explicite en échantillonnant les conditions de vent et la
structure de la couverture végétale dans chaque pixel tout au long des simulations de
migration. Nous avons appliqué cette méthode afin de prédire l’impact des
changements climatiques sur les futures aires de distribution des bryophytes,
particulièrement sensibles aux variations climatiques en raison de leur poïkilohydrie.
Nous avons commencé par mesurer expérimentalement les vitesses de sédimentation
des spores de bryophytes à l’aide d’une caméra à haute vitesse afin d’en déduire un
modèle prédictif de la vitesse de sédimentation en fonction de la taille des spores. La
non-sphéricité et les ornementations particulières de la paroi extérieure des spores ont
engendré un certain décalage entre les vitesses de sédimentation observées et prédites
par le modèle. Ceci a soulevé des questions relatives au rôle de ces variations
importantes de forme et de texture dans la capacité de dispersion des spores. Un lien
significatif entre la taille des spores et leur vitesse de sédimentation a néanmoins
été identifié. A partir de ces estimations de vitesse de chute de spores et d’un ensemble
de cartes d’habitats potentiels dérivés de SDMs pour le climat actuel et prédis d’ici
2050 en Europe, nous avons réalisé une analyse de sensibilité sur une version modifiée
de MigClim de manière à tester l’impact de différentes hauteurs d’émission de spores
et vitesses de vent moyennes. La variation de succès de colonisation prédite était
significativement influencée par la hauteur d’émission mais pas par les différences de
vents horizontaux moyens, suggérant que chez les petits organismes dispersés par le
vent tels que les bryophytes, l’élévation du sporophyte par rapport au sol constitue une
forte pression évolutive. Les résultats du modèle combiné sur trois espèces à
distributions géographiques contrastées en Europe révèlent des taux d’extinction
beaucoup plus élevés que les taux de colonisation, y compris avec les scénarios
climatiques les plus optimistes et les kernels de dispersion aérienne les plus
performants. Bien que des modèles supplémentaires soient nécessaires pour évaluer les
effets des changements climatiques sur un large éventail d’espèces, nos résultats
préliminaires indiquent un impact du réchauffement climatique beaucoup plus
important sur les bryophytes que sur les plantes vasculaires. Ceci souligne le rôle
primordial des bryophytes en tant qu’indicateur des changements climatiques.Despite a growing number of climate change mitigation policies, anthropogenic
greenhouse gas emissions have continued to increase over 1970 to 2010, with larger
absolute increases between 2000 and 2010. Indeed, the period from 1983 to 2012 has
been identified as the warmest 30-year period of the last 1400 years in the Northern
Hemisphere. As a result, climate changes have been identified as one of the major
biodiversity threats, with the worst-case scenarios leading to extinction rates that
would qualify as the sixth mass extinction in the history of the earth. Species
distribution models (SDMs) have been the most widely used tool to assess the impact
of future climate changes on biodiversity patterns, using spatial information to infer
species ecological niches from climatic conditions that prevail today across the
distribution range occupied by the species. One of the main assumptions of these
models is, however, that species live at equilibrium with their environment, as if they
had no dispersal limitations. Such an assumption is critical if we aim at projecting
these modeled ecological niches under future climatic conditions. The main goal of the
present thesis was to develop an integrative, spatially explicit model to make
predictions of range shifts in wind-dispersed organisms in a context of climate changes.
More precisely, we calibrated a Wald analytical long distance dispersal model with
species intrinsic biomechanical features (i.e., the settling velocity of diaspores and
their release height) and environmental variables (i.e., canopy height, wind intensity
and turbulence), through direct observations of diaspore deposition patterns. We then
integrated this dispersal model combined with habitat suitability maps into a modified
version of MigClim’s cellular automaton that allows migration simulation of species
across the landscape, while implementing environmental change scenarios. Initially,
MigClim assumed an isotropic colonization probability around a source population
with a single constant dispersal kernel across the landscape. This was challenging its
use for wind-dispersed organisms because (i) wind movements are directional and (ii)
wind velocity varies widely from an area to another across the landscape. We therefore
developed this method to (i) allow the integration of asymmetrical dispersal depending
on wind parameters and (ii) render the dispersal kernel spatially-explicit by sampling
pixel-specific wind speed and canopy structure along the migration simulations. We
applied this method to predict how climate changes will impact future distribution
ranges in bryophytes, which are particularly sensitive to climatic variations due to their
poïkilohydry. We started by measuring bryophytes spores settling velocities using a
high-speed camera experiment and produced a predictive model as a function of spore
size. The non-sphericity and particular ornamentation patterns of the outer spore wall
caused some mismatch between observed and predicted settling velocities, raising
questions on how these striking variations in shape and texture affect their dispersal
capacity. However, we globally identified a significant relationship between spore9
settling velocity and size. Based on these spore fall speed estimates and a set of SDM
derived maps of habitats suitability at present time and in predicted 2050 climatic
conditions in Europe, we ran a sensitivity analysis on a modified version of MigClim to
test the impact of differences in spores release height and horizontal mean wind speed.
Variation in predicted colonization success was significantly driven by release height
but not by differences in horizontal mean wind speed, suggesting that, in small-sized
wind-dispersed organisms like bryophytes, there is a strong evolutionary pressure for
elevating the sporophyte above ground. The implementation of the combined model
on three species of contrasted distribution across Europe reveals much higher
extinction than colonization rates, even for the most optimistic climatic scenarios and
the most successful wind dispersal kernels. Although additional models need to be
produced to forecast climate changes impacts on a wide range of bryophyte species,
our preliminary results point to a much more severe impact of climate warming for
bryophytes as compared to vascular plants. This highlights the primary role of
bryophytes as indicators of climate changes.Combined ecological niche models and dispersal simulations to predict bryophytes dynamic response to climate change