Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Abstract
Mécanisation: son contexte et sa place dans le développement agricole
La production agricole et le transport dans les régions rurales requièrent de l’énergie
dont les sources qui nous intéressent sont triples: l’énergie humaine, l’énergie animale,
et l’énergie fournie par les engins à moteur, le choix entre ces sources d’énerétant
essentiellement circonstanciel. Ces trois sources d’énergie peuvent être
complémentaires et coexister au sein d’un même foyer, d’une même exploitation ou
d’une même communauté rurale. La mécanisation agricole fait appel à tout un
outillage et à des engins à moteur qui renforcent l’efficacité du travail humain. Le
choix entre les outils et les sources d’énergie pouvant convenir à une opération donnée
dépend du travail à effectuer et de facteurs d’importance relative tels que les
préférences des utilisateurs, le coût, la et les performances techniques
des diverses options. Une houe manuelle pourra par exemple convenir parfaitement
la production légumière intensive mais dans le cas de gros travaux, l’énergie humaine
sera, à elle seule, insuffisante car le travail qu’elle permet sera généralement lent et
fatigant. En revanche, les animaux de trait ou les engins moteurs pourront considérablement
augmenter la productivité du travail humain et améliorer la qualité de vie
des femmes, des hommes et des enfants.
La mécanisation agricole n’est toutefois pas une fin en soi; son but est de donner à la
production agricole les moyens d’un développement durable et socialement salutaire,
le matériel utilisé n’étant qu’un Clément faisant partie de systèmes d’exploitation
souvent très complexes. L‘utilité d’un outil particulier dans une région donnée, tant
pour les bienfaits sociaux et les possibilités de développement durable qu’il peut procurer,
sera déterminée par un ensemble de facteurs sociaux, économiques et
giques.
On peut confondre mécanisation, motorisation et tractorisation Le tracteur ne
constitue qu’une option parmi d’autres. En Afrique subsaharienne, les expériences de
mécanisation les plus convaincantes ont été tentées avec des animaux de trait. Dans le
contexte du séminaire du CTA et du présent rapport, on entend par mécanisation le
recours à un ensemble de technologies qui font appel l’énergie humaine, animale et
aux engins à moteur.
Actuellement, on ne peut qu’estimer l’importance relative des diverses options de
mécanisation agricole en Afrique. On sait par exemple que le gros du travail agricole
(peut-être 80%) se fait à la seule force du travail humain. On s’accorde pour dire que
les animaux de trait font jusqu’à 20% des tâches agricoles et qu’en Afrique tropicale,
seule une petite fraction de l’ensemble des travaux est réalisée à l’aide de tracteurs.
Au cours des dix dernières années, les programmes d’ajustement structurel ont, du
point de vue économique, changé la face de l’agriculture africaine. En effet, la rentabilité
des exploitations, petites et grandes, a été lourdement affaiblie par les divers
remaniements effectués au niveau des prix, des valeurs monétaires, des services publics
et des politiques gouvernementales. Par ailleurs, les conditions avantageuses
6 Intégrer la mécanisation dans les stratégies de développement durable de l’agriculture
dont bénéficiaient les fabricants, importateurs, distributeurs et réparateurs d’engins
agricoles ne sont plus les mêmes aujourd’hui.
Dans de nombreux pays, les exploitants ont fait appel aux programmes de développement
et aux gouvernements pour qu’ils leur accordent une aide à la mécanisation.
Dans certaines régions, les exploitants ont pu démontré qu’il existait une réelle demande
économique pour une mécanisation reposant sur la traction animale etlou les
tracteurs. En d’autres endroits par contre, ce type de mécanisation est encore de
l’ordre du rêve, n’étant à l’heure actuelle pas du tout viable du point de vue éco-
En outre, les services publics chargés de la valorisation de la mécanisation
agricole ont souffert d’importantes réductions budgétaires, et certaines activités que
ces services menaient ont été sévèrement critiquées car elles ne s’inscrivaient pas
suffisamment dans la durée et ne produisaient donc pas d’effets durables. La mécanisation
agricole peut avoir une influence importante sur la production et l’évolution
des systèmes d’exploitation; toutefois, le rôle qu’elle est appelée à jouer dans le
cadre des stratégies de valorisation agricole à nationale n’a pas toujours été
clairement défini.
Dans le cadre d’une étude commandée par le CTA en 1996 sur les expériences de
mécanisation en Afrique, Dominique Bordet et René Rabezandrina, chargés de réaliser
cette étude en collaboration avec la FAO, ont fait d’emblée les observations suivantes:
Les services de location de tracteurs assurés par le secteur public ont
échoué partout en Afrique.
L‘utilisation des tracteurs du secteur privé s’est révélée rentable pour les
larges exploitations contrairement aux petites exploitations, qu’il s’agisse de
propriétaires individuels ou de coopératives, ou des services de location assurés
par le secteur privé. Par ailleurs, la dévaluation des monnaies a considérablement
augmenté le prix des tracteurs par rapport la valeur des récoltes.
Les tracteurs et les engins à moteur fournis dans le cadre des programmes
aide n’ont pas été de grand service car souvent inadéquats etlou ne donnant pas
de résultats durables. En outre, l’intérêt porté ces engins a eu pour effet de
détourner les ingénieurs agronomes de travaux sur des technologies plus adaptées
aux effets plus durables.
Les artisans forgerons ont été largement oubliés dans la mesure où les
engins agricoles (tels que à traction animale et microtracteurs) ont été
importés ou sont fabriqués dans de grands ateliers centralisés.
La fourniture d’outillage agricole se fait largement à l’appréciation des services
publics et non par rapport à la demande réelle des agriculteurs. La recherche
suit une logique très hiérarchisée d’amont en aval et ne tient pas suffisamment
compte des réalités sociales, économiques et environnementales des systèmes
d’exploitation pratiqués en Afrique.
La traction animale est une grande réussite sur les terres de savanes (son
utilisation en Afrique de l’Ouest francophone a quintuplé entre 1960 et 1995).
Intégrer la mécanisation dans les stratégies de développement durable de l’agriculture 7
Certaines formations au profit des forgerons, et la mise en place de certains
mécanismes de fabrication décentralisée, ont donné des résultats encourageants.
Le rapport provisoire traite des facteurs qui ont une influence majeure sur
les choix opérés en Afrique en matière de mécanisation agricole, notamment les facteurs
sociaux, économiques, politiques et techniques. L‘étude se termine par une
série de recommandations portant sur l’intégration de la mécanisation dans les
stratégies de développement agricole. Parmi les thèmes traités figurent l’élaboration
d’une stratégie de la mécanisation, le rôle des secteurs public et privé, la réorganisation
des services publics, le rôle prépondérant des divers partenaires (agriculteurs,
artisans, ONG), et les réseaux