International audienceDans le champ littéraire d'un naturalisme qui s'essouffle après la publication de La Terre par Zola en 1887, Georges Darien (1862-1921) apparaît comme l'écrivain d'une fin de siècle qui associe étroitement les destinées littéraires, politiques et idéologiques. Dans Les Pharisiens (1891), roman pamphlétaire, il compare celui qui écrirait pour ne rien dire à un « misérable », voire à un « prostitué 1 » et devient un auteur incontournable de la contestation d'une époque. Mais avant de devenir l'écrivain libertaire qu'il incarne à travers toute une série de romans idéalement alternés par « paires de deux » afin de ménager le lecteur qui n'apprécierait guère d'être trop souvent mis à mal, il précise dans sa correspondance ses projets littéraires : des récits « inoffensifs » et des narrations « pétards » − comme le formule l'écrivain en 1889 2. Darien est un jeune homme issu du milieu de la bourgeoisie qui construit son parcours littéraire à travers toute une série d'épreuves personnelles : la perte de sa mère le 3 mai 1869 ; l'intransigeance morale d'une belle-mère ; la faillite du père dans le commerce en juin 1879 ; le passage en conseil de guerre pour insubordination le 23 juin 1883 ; l'épreuve du bagne dans les compagnies disciplinaires de Tunisie durant trente-trois mois ; le retour et la rupture familiale avec cette bourgeoisie désormais jugée avec sévérité pour ses idéologies et ses postures. Il débute sa carrière littéraire en 1886, au moment de sa libération. Désormais, écrire est devenu un acte de résistance puisqu'il entend se servir de son parcours personnel pour construire l'oeuvre comme une arme à part entière. De Biribi (1888) à L'Epaulette (1905) en passant par Bas les coeurs ! (1889) et son fameux Voleur (1897), l'écrivain met notamment en scène à travers ses personnages toute une série de dénonciations des idées reçues. Parmi elles, la question de la virilité est centrale. En tant que stéréotype 3 , elle sert de cadre de référence pour transmettre et construire l'identité de chacun. La virilité sert de catalyseur à un inconscient de stéréotypes généralement répandus et devenus des doxa. Etymologiquement, la virilité est associée à l'homme et trouve un lien étroit avec la virtus du guerrier puisqu'elle suppose un ensemble de qualités qui font la valeur de ce dernier : force physique, courage, héroïsme, mérite, talent, vigueur. Cet ensemble implique également des caractéristiques physiques et sexuelles au sens biologique du terme avec une capacité à procréer et à se différencier des attributs de la féminité. La virilité structur