Le rapport à l'altérité comme dynamique du voyage et de l'écriture dans L'usage du monde de Nicolas Bouvier

Abstract

Considéré comme l'un des grands auteurs de récit de voyage du 20e siècle, l'écrivain suisse Nicolas Bouvier publie L'Usage du monde en 1963, dans lequel il relate le voyage qu'il a accompli en compagnie de son ami, le peintre Thierry Vernet. Partis de Genève en juin 1953, au volant d'une petite Fiat Topolino, les deux voyageurs traversent l'Europe pour aller rejoindre l'Asie et atteignent Kaboul en décembre 1954. Pour Bouvier, le voyage implique une perte progressive de ce qui conforte l'identité afin d'accéder à une présence au monde plus spontanée. Dans l'écriture, cela se traduit par un « exercice de disparition » de la part du sujet d'énonciation qui tente de s'abstraire de son texte pour ne pas interférer entre celui-ci et le monde. Ce mémoire se propose de relever les prises de conscience qui conduisent Bouvier à développer cette stratégie narrative à l'aide de la notion d'altérité, envisagée ici comme principe dynamique du voyage et du récit. Dans le premier chapitre, nous exposons le cadre théorique qui sert à l'analyse en procédant à une synthèse de plusieurs théories sur l'altérité et à l'examen des principales caractéristiques du récit de voyage. Le deuxième chapitre s'intéresse à la manière dont le voyageur s'insère dans le monde. Le séjour dans des cultures dont il ne maîtrise ni les codes, ni la langue, ainsi que la proximité avec le dehors que favorise le déplacement à travers l'espace, conduisent le voyageur à développer une approche sensorielle qui lui permet de décoder les situations qui se présentent à lui. Cette lecture sensible contribue ainsi à ajuster les perceptions du voyageur à la réalité rencontrée et à prendre une distance avec son milieu d'origine. Dans le troisième chapitre, l'altérité est envisagée comme une force altérante, qui transforme peu à peu la perspective du voyageur sur le monde en le dépouillant des structures qui le déterminent. Le long séjour à Tabriz marque en effet une étape décisive dans le récit. Lorsque les voyageurs reprennent la route, les épreuves se succèdent et fragilisent le voyageur, qui, en contrepartie, semble plus réceptif au monde qui l'entoure. Enfin, le quatrième chapitre s'intéresse aux prises de conscience du voyageur à la toute fin du voyage ainsi qu'à la démarche d'écriture de Bouvier, notamment à cet exercice de disparition auquel l'auteur se prête dans son écriture et qui serait à notre avis une manière de provoquer le lecteur auquel il destine son texte. \ud ______________________________________________________________________________ \ud MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Nicolas Bouvier, L'Usage du monde, récit de voyage, altérité, exotisme, perception

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