Philia et adolescence

Abstract

International audience« L'amitié, l'être-ami, donc, qu'est-ce que c'est que ça ? » J.Derrida, Politiques de l'amitié. Si, comme le souligne Deleuze, « dans philosophe, il y a « ami » » 1 , ce qui augure de relations spontanées entre philosophie et amitié (Philia), il n'est pas sûr que ces relations soient aussi naturelles et évidentes entre Philia 2 et psychanalyse, cette dernière ayant établi des liens préférentiels avec Eros. Aussi conviendra-t-il d'examiner si l'Eros freudien octroie une place à la Philia en définissant si leurs pré-requis conceptuels respectifs sont conciliables ou s'avèrent définitivement inconciliables. En premier lieu, cela suppose de vérifier si l'axiome psychanalytique permet d'envisager de façon pertinente la nature et le caractère des investissements objectaux à partir desquels s'augurent les relations d'amitiés. En effet, il ne va pas de soi que le corpus métapsychologique recèle les clés suffisantes pour décrypter les racines inconscientes, préconscientes ou simplement conscientes de l'amitié. Certes, quelques indications nous sont données en rapport avec des composantes homosexuelles qui trouveraient là à être sublimées, à tout le moins désexualisées. Mais d'une façon plus générale, la psychanalyse n'aurait-elle pas négligée cette dimension relationnelle qu'est l'amitié ? La relecture des textes philosophiques consacrés à cette question semble ainsi mettre à jour une forme d'impensé de la psychanalyse et cela jusqu'au rôle que l'amitié serait susceptible de jouer au sein même du dispositif thérapeutique qu'elle propose. Faut-il alors se résoudre à dire que les postulats psychanalytiques se rallient unilatéralement à un traitement critique du thème de l'amitié, s'inscrivant du même coup dans une tradition inaugurée par Platon ? Peu enclin à valoriser cette dimension de la philia, Platon prône en effet que la vérité de nos attachements affectifs doit être avant tout recherchée du côté d'Eros, bien davantage que du côté des fausses valeurs de l'amitié. 1 Deleuze G., Proust et les signes, Paris, PUF, 1964, p.116. 2 Sur un plan terminologique, le mot philia qui désigne proprement l'amitié, « ne semble être entré dans l'usage courant qu'à la fin du Ve siècle avant J.-C. Ses occurrences dans des fragments d'Empédocle sont sans doute des retraductions « modernisées » du terme original philotès, lui-même directement formé à partir de philos, qui signifie d'abord « cher », en un sens qui est complètement assimilé au départ à la valeur du possessif « mon », et pourrait être rendu par l'expression composée « mon cher » […]» Macherey P., Le « Lysis » de Platon : dilemme de l'amitié et de l'amour, in L'amitié, sous la dir. de Jankélévitch S. et Ogilvie B., Hachette, 2003, pp.83-84

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