Sur l'ile de la Réunion, 57% de la Surface Agricole Utile (SAU ) est couverte par des plantations de canne à sucre. Il s'agit de la culture prioritaire, mais les cultures de diversification se développent, en particulier les fruits et légumes. La fili ère fruits et légumes Réunionnaise est en cours de structuration et cherche des leviers d'actions lui permettant d'améliorer ses performances techniques, économiques et environnementales. Le centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique et Développement (CIRAD) développe en ce sens un programme de recherche pluridisciplinaire visant à développer des outils et méthodes à même de favoriser la co-conception d'innovations techniques. Inscrite dans ce programme de recherche, cette étude vise à comprendre les jeux d'acteurs et les critères d'achat qui influencent ou non les pratiques des producteurs d'ananas Victoria de l'Ile de la Réunion, et d'en déduire des leviers sur lesquels agir pour améliorer les performances de la filière. Un total de 54 acteurs a été enquêté : 32 producteurs, 14 détaillants nommés localement bazardiers, 6 Organisations de Producteurs (OP), 2 transformateurs. Ces acteurs sont répartis sur l'ensemble de l'Ile, avec une concentration au niveau des zones de production : Sud et Nord-Est. La production annuelle de la filière est estimée à 16 000 tonnes, alimentant trois débouchés : export, transformation et marché local, ce dernier représentant 86 % des volumes produits. Quatre types de stratégies commerciales des producteurs vis-à-vis de leurs acheteurs ont été identifiés en fonction du degré de fidélisation des acheteurs, auxquelles ceux-ci s'adaptent en retour. Les bazardiers adoptent trois types de stratégies d'approvisionnement, allant de fournisseurs fidélisés à des achats de type " spot ". Aucun n'intervient dans les manières de produire des producteurs, mais leur fidélisation permet d'échapper à la saisonnalité des quantités et de la qualité pour mieux répondre à la demande des marchés. Les relations entre les OP et leurs adhérents se différencient par leur niveau d'implication technique dans la production. Des leviers d'action sont disponibles pour s'impliquer dans la production en particulier au niveau de la planification et de la construction d'itinéraire technique. Les différentes façons d'actionner ou non ces leviers déterminent le niveau d'implication dans la production. Les OP fortement impliquées dans l'accompagnement des producteurs parviennent à harmoniser les pratiques de leurs adhérents vers des itinéraires techniques proches de celui préconisé par la recherche et la profession, voire plus intensifs. Mais d'autres déterminants interviennent dans les choix des pratiques des producteurs comme la place de l'ananas dans l'assolement tels que l'ordre de priorité de la culture (et donc le temps et l'argent que les producteurs sont prêts à y consacrer), la concurrence des autres cultures de diversification. Les connaissances acquises ont été mobilisées dans la construction d'un outil d'aide à la décision permettant de calculer le revenu d'une OP et de ses producteurs adhérents en jouant sur plusieurs variable s relevant notamment des stratégies commerciales des uns et des autres. L'absence ou la fiabilité parfois relative de certaines données économiques et agronomique s a contraint l'évaluation des performances des systèmes en place. Cependant, l'étude a permis de mettre en lumière les jeux d'acteurs et l'influence des acheteurs sur les pratiques. Elle constitue donc un premier pas vers la compréhension des systèmes et la définition de leviers d'action pour la co-conception de systèmes de cultures innovants. De plus, la construction d'un outil de simulation couplé à l'utilisation d'un modèle de culture ont permis de tester des scénarios d'évolution de la filière constituant ainsi une base de discussion entre acteurs. (Résumé d'auteur