La canne à sucre est une espèce majeure des zones tropicales, où elle est cultivée essentiellement pour sa production de sucre. Les variétés modernes de canne ont une origine interspécifique n'impliquant que quelques clones de la canne noble Saccharum officinarum et de l'espèce sauvage S. spontaneum. Face au ralentissement du progrès génétique constaté dans les années 60, les sélectionneurs ont mis en place de nouveaux programmes d'introgression impliquant d'autres espèces et genres sauvages apparentés a la canne à sucre (complexe Saccharum), afin d'augmenter la variabilité génétique. Jusqu'à présent, ces programmes n'ont connu qu'un succès limité, notamment du fait du manque de connaissances sur la différenciation des génomes nécessaire pour une meilleure maîtrise des mécanismes d'introgression. La difficulté à repérer, à l'aide des seuls caractères morphologiques, les hybrides intergénériques représente la première contrainte que rencontrent ces programmes. Nous avons exploité les caractéristiques propres des séquences d'ADN répétées présentes au sein du complexe Saccharum pour étudier la différenciation des génomes en présence et développer des outils diagnostics d'aide à la sélection. En effet, soumises à une dynamique évolutive originale, certaines de ces séquences sont spécifiques d'espèce et constituent des marqueurs moléculaires utiles en analyse phylogénétique et suivi d'introgression. Plusieurs types de séquences répétées ont été isolés, caractérises et/ou exploités : ADN satellites subtélomériques, ADN satellites centromériques, ADN ribosomaux, séquences de type inter-Alu, rétrotransposons. La différenciation des génomes des espèces comparées a été la plus forte pour les séquences en tandem des régions subtélomériques et les séquences de type inter-Alu. Dans le premier cas, des séquences spécifiques d'Erianthus et de S. officinarum / S. robustum ont été isolées. Dans le second cas, il s'agit de séquences spécifiques des genres Miscanthus, Erianthus et Saccharum. L'analyse de ces différentes séquences a montré que S. officinarum et S robustum étaient des espèces très proches, et que S. spontaneum apparaissait plus éloignée. Au sein de cette dernière, a été mise en évidence une variabilité génétique importante conduisant à distinguer les clones à 2n=80 chromosomes d'Indonésie/Nouvelle Guinée et à les rapprocher de S. officinarum. Par ailleurs, il a été montré que le genre Miscanthus est plus proche génétiquement: de Saccharum que ne l'est Erianthus. La localisation physique des ADN ribosomaux 18S-5,8S-25S et 5S, par hybridation in situ, a permis de déterminer les nombres chromosomiques de base des trois espèces principales du genre Saccharum: x=8 pour S. spontaneum et x=10 pour S. officinarum et S. robustum, apportant des informations essentielles aux travaux de cartographie génétique de la canne. A partir des séquences spécifiques de genre isolées, trois tests diagnostics PCR d'analyse d'hybrides intergénériques ont été développés. Leur efficacité et leur facilité d'emploi devraient permettre la généralisation de leur utilisation dans les programmes d'introgression. (Résumé d'auteur