L’aménagement des conditions de vie au travail des éleveurs. Proposition d’un cadre d’analyse des relations entre rapport subjectif et organisation du travail en élevage et étude de cas chez les éleveurs pluriactifs

Abstract

L’amélioration des conditions de travail des éleveurs est un enjeu de transformation des systèmes d’élevage afin d’assurer la pérennité des exploitations d’élevage et de restaurer l’image du métier d’éleveur. Les revenus insuffisants et les mauvaises conditions de travail, liées à une durée excessive de travail, à l’insuffisance du temps libre et à la pénibilité sont mis en cause par les filières et par les responsables professionnels agricoles pour qui ils seraient à l’origine des cessations précoces d’activité et du déficit d’installations. Cette façon de poser le problème des conditions de travail fait abstraction de la question du contenu et du sens du travail. Or d’après les approches psychosociales du travail, cette question est essentielle en terme de motivation et de plaisir au travail et donc d’attractivité du métier d’éleveur. En effet, travailler ce n’est pas que produire c’est aussi se produire et vivre ensemble. Aussi les questions de durée, de rythme, de pénibilité du travail, de revenu ne garantissent pas de bonnes conditions de travail. La possibilité d’exprimer sa liberté, sa créativité, son intelligence, sa sensibilité, c’est-à-dire d’être s oi, est aussi importante et dépend notamment des modalités d’organisation du travail. Les éleveurs organisent eux-mêmes leur travail à tr avers leurs choix de conduite des troupeaux, des surfaces, de répartition des tâches dans le temps e t entre les travailleurs, et d’équipements. Je propose donc de penser l’organisation du travail dans les exploitations d’élevage comme l’aménagement de conditions de vie au travail par et pour l’éleveur, permettant d’articuler activités productives, subjectivité et intersubjectivité des relations aux autres et à la vie. La zootechnie des systèmes d’élevage analyse ces choix, mais seulement au regard d’objectifs de production, de temps libre et d’agencement des activités dans le temps. L’objectif de cette thèse est de construire un cadre qui permette d’analyser les choix d’organisation des éleveurs non seulement au regard de leurs objectifs e t contraintes temporelles mais aussi de leur rapport subjectif au travail. Pour cela, j’ai construit un cadre théorique à partir des approches de l’organisation du travail développées par la zootechnie des systèmes d’élevage et de l’approche du travail comme expérience mettant en jeu la subjectivité, développée par la psychodynamique du travail . J’ai mené des entretiens chez des éleveurs ovins pluriactifs du Puy de Dôme car les éleveurs pluriactifs sont apparus très révélateurs des relations entre organisation du travail et rapport subjectif au travail. Cette thèse montre que les éléments structurants, l es compromis ou les tensions dans l’aménagement des conditions de vie au travail peuvent être explicités à partir de l’analyse des relations entre le rapport subjectif au travail, les facteurs clés de l’organisation du travail, les contraintes temporel les. Pour cela, le rapport subjectif au travail est caractérisé à partir d’une combinaison de 5 rationalités du travail : économique, technique, identitaire, relationnelle, liée à l’engagement du corps au travail. Les 5 facteurs de l’organisation que sont le dimensionnement des activités, la gestion du temps dédié à l’élevage, le collectif de travail, la conduite et les équipements sont analysés au regard du rapport subjectif et des contraintes horaires et calendaire s du travail. Les éléments structurants, compromis et tensions sont explicités à partir de l’identification des entités qualifiées de pivot quand elles sont structurantes, non ajustables, et des entités leviers organisées autour des entités pivots. Cette thèse donne des clés de réflexions aux chercheurs et aux conseillers pour améliorer les conditions de vie au travail des éleveurs, pluriactifs ou non