Linguistique et enseignement du français : recherches au niveau du premier cycle (1969-70 - 1970-71)

Abstract

Ce recueil est un travail d'équipe pour une équipe, un instrument d'échanges et de communications entre des enseignants unis par le désir de changer renseignement du français ; et sans doute, parce qu'il a circulé entre des gens qui se connaissent, qui se sont unis — ou affrontés —, qui se sont peu à peu forgé une problématique commune, sans doute parle-t-il souvent à demi-mot, par allusions. Nous aurions pu refaire, réécrire, polir ; les auteurs de ce livret ont préféré garder une forme un peu brute. Et, à mon sens, ils ont bien fait. Car ce qui est ici présenté est un texte inscrit dans une pratique, la pratique de l'enseignant du premier cycle ; ce qui est mis en cause, c'est un certain modèle pédagogique ; ce à quoi nous ne nous résignons pas, c'est à échanger une machine abstraite imposée contre une autre machine abstraite imposée, un formalisme contre un autre formalisme, fût-il paré des plumes des techniques modernes les plus avancées. Pour paraphraser un récent et remarquable article de Frédéric Gaussen (Le Monde, 7-8 novembre 1971) : introduire des mathématiques nouvelles, une linguistique moderne, certes : « mais qu'y auxa-t-il de profondément modifié si l'enseignement continue d'être dogmatique ? » Nous voulons que l'enfant manipule, apprivoise, critique — sans relâche — son langage, celui de ses proches, de la société dans laquelle il vit, découvre, seul, avec le maître, avec le mouvement scientifique contemporain, des hypothèses de fonctionnement, soit renvoyé aux faits, aux manipulations et par là, constamment, à la société qui l'entoure. Entreprise scandaleuse à beaucoup : l'enseignement du français étant depuis son introduction dans l'enseignement (c'est-àdire depuis Port-Royal) extrêmement politisé, lieu privilégié de toutes les idéologies, y toucher, c'est toucher à tous les tabous. Entreprise harassante : la pédagogie ayant été toujours soigneusement mise à l'écart du Second Degré, à l'Université, dans les concours, partout, rendue objet de dérision pour plus de sûreté ; chaque enseignant, nous tous, avons eu tout à apprendre. Mais entreprise passionnante : la théorie des linguistes se fait modèle pédagogique, se fait tout autre selon les milieux, les impératifs sociaux ; elle modifie, elle est modifiée ; elle est comme un révélateur et, en même temps, elle instruit. Entreprise enfin qui ne quitte jamais la pratique d'un pas ; l'enseignant use de la théorie, construit des modèles, analyse, certes ; mais encore plus, il a en charge soixante enfants qu'il doit suivre jour après jour, qu'il doit faire réussir à des examens souvent absurdes, qu'il doit faire progresser, comme on dit. Il ne risque pas de se perdre dans la rêverie.165 page

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