Débattue en doctrine depuis fort longtemps, la question de l’existence d’un numerus clausus des droits réels est longtemps demeurée sans réponse certaine. D’anciens arrêts avaient certes reconnu la libre création de droits réels inconnus du Code civil, mais leur contexte, souvent rural, et la présence fréquente d’institutions constituées sous l’empire de l’ancien droit, pouvaient expliquer les réticences de certains auteurs à tenir ce principe pour fermement établi. Mais voilà qu’aujourd’hui, la Cour de cassation confirme de manière claire, à propos d’un immeuble situé au cœur même de Paris, qu’il est loisible au propriétaire d’un bien de concéder à un tiers, par convention, un droit réel original et dont la durée n’est pas strictement délimitée. Loin d’être cantonnées par la loi à la création d’un droit d’usage et d’habitation trentenaire, les parties ont pu valablement conférer en l’espèce un droit de « jouissance spéciale » à une personne morale, pendant toute la durée de son existence. Statuant au double visa des articles 544 et 1134 du Code civil, la Cour de cassation a rendu une décision de première importance, promise à une large diffusion. Sa portée et son opportunité doivent être examinées ; les perspectives qu’elle ouvre et les risques dont elle est porteuse doivent être mesurés