thesis

La science doit-elle être autonome pour être utile ? La lutte contre le cancer comme étude de cas

Abstract

La question des modes de gouvernance de la recherche se pose de manière pressante à nos démocraties contemporaines. La problème se manifeste concrètement à travers le degré d'autonomie à accorder à la sphère scientifique. Une idée classique stipule que la valeur épistémique de la science, seule garante d'une dynamique d'innovation optimale, augmente avec son niveau d'auto-gouvernance. Un argument utilisé de manière récurrente invoque l'imprévisibilité inhérente au processus de découverte pour justifier la plus grande richesse épistémique d'une démarche intellectuelle mue par la seule curiosité. En particulier, le fait de donner un poids trop grand à la science appliquée, nécessairement finalisée par des objectifs pratiques, est souvent dénoncé comme un facteur d'appauvrissement du savoir général, et, par voie de conséquence, de tarissement de l'innovation. Ce mémoire a pour but d'analyser en détail les bases empiriques de ce jugement, en tentant de comprendre la part de chacun des types de recherche dans la construction de connaissances sur le monde d'une part, et dans la création d'outils –technologiques, thérapeutiques– nouveaux. Ce type de questions n'ayant que des réponses locales, nous choisissons le cas de la lutte contre le cancer, du début du XXe siècle à aujourd'hui. Cette analyse historique permet d'amener plusieurs types d'arguments contre l'idée d'une supériorité épistémique systématique de la science fondamentale autonome sur une science appliquée, plus finalisée. Nous montrons tout d'abord, à travers l'étude des modes de raisonnement propres à la pratique clinique, que la complexité du processus de découverte rend l'argument de l'imprévisibilité insuffisamment fouillé pour être réellement pertinent. En un second temps, l'analyse de la construction et des développements de la théorie génétique du cancer met en évidence la valeur épistémique certaine d'une science inspirée par l'usage. Enfin, l'analyse des controverses récentes entre les deux principales théories étiologique du cancer (la SMT et la TOFT) permet d'introduire la notion de pluralisme pragmatique: la science inspirée par l'usage est plus tolérante à la pluralité des théories explicatives. Cette idée affaiblit l'idée d'une plus grande diversité épistémique d'une science s'auto-gouvernant, guidée par la seule curiosité intellectuelle. L'étude de la recherche menée dans le cadre des Plans Cancer permet alors d'illustrer cette notion à travers le cas d'une recherche finalisée au niveau national

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