research

Musulmans convertis et chrétiens autochtones en Albanie du Sud

Abstract

La notion d'autochtonie est utilisée dans le discours sur la nation albanaise pour affirmer l'existence et justifier la présence des Albanais sur les territoires qu'ils habitent actuellement, voire au-delà. Au niveau local par ailleurs, la population d'une région ou d'un village est très souvent divisée en « autochtones » et en « nouveaux venus », et cette division implique des rapports de pouvoir comme une certaine orientation des échanges matrimoniaux. Depuis la chute de la dictature et la décentralisation de l'État albanais, des mouvements régionalistes ou localistes ont fait leur apparition. Leur discours repose sur la reconnaissance et l'affirmation, dans une région donnée, d'une population dite « autochtone » ou « ethnique » censée refléter une époque antérieure aux transformations démographiques de la dictature, une époque où l'on vivait « entre soi ». À partir de deux terrains en Albanie du Sud, l'auteur s'intéresse à l'articulation entre la notion d'autochtonie et l'opposition entre chrétiens et musulmans, ligne de partage fondamentale dans la société rurale albanaise. En effet, même pour des populations qui gardent le souvenir d'une conversion à l'islam (et donc d'un passé chrétien), l'appartenance à la communauté musulmane équivaut à une perte de l'autochtonie et de ses bénéfices, tandis que les chrétiens gardent le monopole de l'autochtonie. L'analyse de l'expression et des usages de la notion d'autochtonie renseigne ainsi sur le fonctionnement de l'opposition entre communautés religieuses ; elle permet de mettre en évidence le caractère matriciel de cette dernière, dans la mesure où elle fournit une grille de lecture à la plupart des principes de division de la société

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