research

Les deux critiques du capitalisme numérique

Abstract

Cet article cherche à mettre en lien l'évolution de l'économie numérique au cours des années 2000 avec deux critiques qui lui ont été successivement adressées : la critique de la propriétarisation de l'information et la critique du digital labour. Je m'appuie pour cela sur le cadre théorique proposé par Luc Boltanski et Ève Chiapello, qui montrent dans Le nouvel esprit du capitalisme qu'il existe un jeu dialectique permanent, en vertu duquel ce qui nie le capitalisme à un moment donné devient ultérieurement une nouvelle ressource pour son affirmation symbolique et matérielle. L'hypothèse de l'article est ainsi que la critique de la propriétarisation de l'information, portée par les acteurs du logiciel libre, des Creative Commons ou de l'open access, a été largement incorporée par l'économie numérique, comme le montre le succès actuel de business models reposant moins sur l'appropriation privative des ressources informationnelles que sur la participation gracieuse des utilisateurs à la création de valeur. Cette « incorporation » a ouvert la voix à un deuxième type de critique, celle du digital labour, qui ne porte plus sur les entraves à la circulation de l'information et du savoir, mais sur les formes de travail et les modalités de répartition de la valeur qui sont au cœur du (nouveau) capitalisme numérique. L'article analyse les ressorts (et certaines limites) de cette deuxième critique d'inspiration marxiste, qui substitue à un discours axé sur les libertés individuelles et le droit un discours centré sur le travail et les structures économiques

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