"[An] undutiful wife is a home-rebel, a house-traitor" : la construction du personnage de l'épouse meurtrière dans Arden of Faversham (1592) et A Warning for Fair Women (1599)

Abstract

International audienceAlors que de nombreuses ballades, chroniques, pamphlets et transcriptions de procès du début de l’époque moderne en Angleterre relatent des histoires de meurtres commis par des femmes, seules deux pièces de théâtre mettant en scène des meurtrières et basées sur des faits réels nous sont parvenues : Arden of Faversham (1592) et A Warning for Fair Women (1599), toutes deux anonymes. Ces deux pièces constituent des exemples représentatifs de la tragédie domestique, genre en vogue à la fin du XVIème siècle. Dans ces pièces, la femme est doublement coupable, puisqu’elle est à la fois adultère et meurtrière, les deux fautes apparaissant indissolublement liées. Alice Arden et Anne Sanders tuent leur mari pour vivre pleinement leur passion pour leur amant. Le fait que la victime est le mari est représentatif de faits objectifs, puisque les femmes tuaient (et tuent toujours) essentiellement dans le cadre domestique. Mais cela apporte également une coloration particulière à la figure de la meurtrière à une époque où le foyer est vu comme le royaume en microcosme, avec le père de famille dans la position du roi, et le reste du foyer, de ses sujets. L’adultère d’une épouse, et bien plus encore, le meurtre de son mari, viennent bouleverser l’ordre social et représentent une menace pour la stabilité de la société dans son entier. Ainsi, alors qu’un mari qui tue sa femme est jugé pour meurtre, une femme assassinant son mari est coupable de trahison et subit le châtiment réservé aux traitres, à savoir le bûcher.Ces affaires mêlant sexualité et meurtre sont bien évidemment fort prisées des auteurs de pamphlets, de chroniques et de ballades et de leur public, et les écrivains justifient le voyeurisme avec lesquels ils relatent les faits par une visée didactique et moralisatrice. La condamnation de la meurtrière y est sans appel. En revanche, en mettant en scène et en donnant une voix à la figure de la meurtrière, les deux pièces qui nous sont parvenues rendent son personnage et sa perception beaucoup plus problématiques. Non seulement les dramaturges anonymes mettent la meurtrière au centre de la scène, mais ils compliquent le contexte de son crime, notamment en développant la description du contexte domestique, en liant de manière ténue les péchés d’avarice et d’adultère, et en accentuant l’ambiguïté et la part de responsabilité du mari trompé. Même si la morale reste sauve et que la coupable est dûment punie pour son crime, ces pièces posent la question de son agentivité et de sa responsabilité, mais aussi, plus largement, du statut de l’épouse au sein de l’institution du mariage en général. Par ces aspects, Arden of Faversham et A Warning for Fair Women annoncent les pièces jacobéennes aux genres et aux personnages beaucoup plus complexes, pièces dans lesquelles la femme adultère vient occuper le devant de la scène

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