International audienceTout champ institutionnel – que ce soit le système éducatif, le sport, la culture, l'insertion professionnelle, la police ou encore la santé publique –, contribue à construire, en fonction des préoccupations qui lui sont propres, la jeunesse comme une catégorie au contenu et aux contours spécifiques. Par le jeu de la demande sociale et du financement de la recherche, ces constructions sociales extérieures aux préoccupations de la sociologie produisent un effet réflexif sur la façon dont la sociologie de la jeunesse constitue son objet, élabore ses problématiques. Or, si la question de la santé des jeunes a peu intéressé les sociologues de la santé ou de la jeunesse, cette situation contraste avec les préoccupations fortes exprimées sur ce thème par de nombreux psychologues ou médecins engagés dans des démarches de santé publique. Depuis les années 1990, la jeunesse semble en effet être devenue une cible majeure des politiques de santé publique. Pourtant, si l'on s'en tient à une approche restrictive de la santé, cette catégorie d'âge est celle qui présente les plus faibles taux de mortalité et de morbidité. En fait, c'est à travers une acception large de la santé, telle celle proposée par l'Organisation Mondiale de la Santé (« un état complet de bien-être physique, mental et social »), qu'est abordée cette question. Du coup, la jeunesse fait un peu figure d'exception : dans un système de santé très centré sur le curatif, la question de la santé des jeunes apparaît essentiellement comme une affaire de prévention. C'est peut-être ce qui explique l'intérêt des promoteurs de cette démarche pour une catégorie chargée de représentations affectives et d'enjeux politiques et sociaux. Cependant, le problème de la santé physique et mentale des jeunes ne constitue pas un enjeu dans le seul champ de la santé publique, mais concerne également les sciences sociales. Les objets d'étude « jeunesse » et « adolescence », en effet, ont d'abord été mis en forme par la psychologie et la médecine, avant d'être repris par la sociologie. Même si cette dernière s'est démarquée des approches biologisantes ou psychologisantes de la jeunesse, la représentation de cet âge de la vie comme période de fragilité et de vulnérabilité reste prégnante. C'est notamment à travers la notion d'adolescence que cette naturalisation exerce son attraction. Pour nombre de médecins, les frontières de la jeunesse seraient à rechercher avant tout dans le corporel : « Le début de l'adolescence est aisé à fixer, dans la mesure où il trouve, avec les premières manifestations de la puberté, un ancrage dans le corps » ; son terme correspondrait, quant à lui, à « une insensible dissolution de la problématique adolescente tandis que s'affirme progressivement, à l'instar des traits physiques, traits de 1 A l'exception du Haut Comité pour la Santé Publique qui a plus insisté sur les inégalités sociales et géographiques que sur les différences entre classes d'âge. 86 caractère et assises affectives et professionnelles ». Pour ces raisons, une analyse critique de la façon dont la médecine et la psychologie ont fait de la jeunesse une catégorie à risque sanitaire se révèle de la plus haute importance pour une étude sociologique des âges. Cette opération passe tout d'abord par une discussion des risques habituellement associés à cette période de la vie afin de montrer pourquoi les seules données épidémiologiques ne suffisent pas à expliquer l'intérêt de la santé publique pour cette catégorie