Évaluer le franchissement des obstacles par les poissons et les macro-crustacés dans les départements insulaires ultramarins. Principes et méthode.

Abstract

La fragmentation des milieux naturels est l’une des principales causes d’érosion de la biodiversité. Face à l’intérêt du maintien d’habitats favorables suffisamment diversifiés et connectés entre eux, afin que les espèces animales et végétales puissent assurer leurs besoins vitaux et éventuellement s'adapter aux changements environnementaux, la communauté internationale a notamment traduit sa volonté d’agir en divers textes réglementaires. C’est ainsi que la directive cadre européenne sur l'eau (DCE, 2000) a appuyé l’intérêt de connaissance, de préservation ou de restauration des continuités écologiques au sein des hydrosystèmes et des corridors rivulaires. Certains ouvrages transversaux en cours d'eau (plus de 100 000 sont actuellement recensés en France) sont susceptibles de dégrader la continuité écologique dans les écosystèmes aquatiques. Dans ce contexte, il est apparu essentiel de développer des démarches de diagnostic standardisées, permettant d’appréhender, sur un territoire donné, les risques d'altération de la continuité écologique générés par les obstacles à l'écoulement, notamment en termes de mobilité de la faune aquatique. C’est dans ce contexte, dès la fin des années 2000, que l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), depuis intégré à l’Agence française pour la biodiversité (AFB), s’est emparé de cette problématique et a coordonné, pour la métropole, le développement d’une méthodologie ICE "Informations sur la continuité écologique", visant à permettre l’évaluation du niveau d’impact des obstacles à l’écoulement sur le déplacement des principales espèces de poissons métropolitains (Baudoin et al., 2014). Dans les départements insulaires d'outre-mer, un recensement en cours fait d’ores et déjà état de plus de 1 000 obstacles présents sur les cours d’eau. Ces ouvrages sont, pour certains, susceptibles d'entraver voire de bloquer les déplacements indispensables aux espèces de poissons et de macro-crustacés, quasi toutes amphihalines, pour boucler leur cycle de vie. L’évaluation de leurs impacts potentiels sur la continuité écologique était jusqu’à présent essentiellement confiée à l’expertise de quelques personnes. Or, les enjeux comme le nombre de barrières à évaluer, le partage simplifié des connaissances et de concepts communs, entre acteurs par ailleurs d’horizons divers (maîtres d’ouvrage, bureaux d’études, gestionnaires, administrations, etc.), impliquent de proposer une méthodologie transparente à la fois robuste scientifiquement, objective, compréhensible et applicable en un minimum de temps. Fort de l’expérience du déploiement d’ICE en métropole, l’AFB, en collaboration avec l’ensemble des directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement et des offices de l’eau, et dans le cadre d’une réalisation menée avec Écogea et Ocea consult’, a coordonné et permis l’adaptation de cette méthode aux départements et régions d’outre-mer, couvrant ainsi les îles de la Guadeloupe, de la Martinique, de Mayotte et de La Réunion. Organisé en trois chapitres, ce Comprendre pour agir propose une synthèse des principales connaissances scientifiques et techniques internationales sur le sujet et présente la méthodologie proposée : - un premier chapitre présente les enjeux de la continuité écologique pour l'ichtyofaune et la carcinofaune d’outre-mer. Il expose les typologies d’obstacles rencontrés, les enjeux écologiques et fonctionnels relatifs à la libre circulation des espèces de poissons et de macro-crustacés concernées, et décrit pour chacune d’elles les principaux déterminants environnementaux, éthologiques et physiques conditionnant leurs possibilités et capacités de franchissement ; - un second chapitre expose les concepts fondateurs de la méthode ICE adaptée aux départements insulaires d’outre-mer, son domaine d’applicabilité, les groupes d'espèces considérés, leurs caractéristiques et les cinq classes de franchissabilité indicatrices du niveau d'impact des obstacles sur leurs déplacements à la montaison ; - un troisième chapitre aborde en détail la méthode proposée en explicitant les étapes de diagnostic de la franchissabilité des obstacles à la montaison, grâce à des logigrammes et des textes d’accompagnement. Ce chapitre précise ainsi, pour les configurations d’obstacles généralement rencontrées, les critères de définition des classes de franchissabilité. Confrontant les variables hydrauliques et physiques de l’obstacle évalué aux capacités de franchissement des espèces, il permet une analyse point par point, justifiée, de la franchissabilité de l’ouvrage par celles-ci. Poussant l’analyse aux capacités spécifiques de certains taxons, il propose également un schéma d’évaluation et de diagnostic du franchissement propre à la reptation par les anguilles, au ventousage et à l’escalade par les Sicydiinae ou les post-larves et juvéniles de petites espèces benthiques ainsi qu’à la marche par les macro-crustacés Richement détaillé et illustré, ce Comprendre pour agir permet à chacun de comprendre précisément la méthodologie développée, ses fondements et ses enjeux, et d’appliquer ces savoirs sur son territoire

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