La méthode du croisement est devenue commune dans un certain nombre de sciences sociales. Elle a été récemment théorisée par M. Werner et B. Zimmermann dans l'ouvrage intitulé De la comparaison à l'histoire croisée qu'ils ont coordonné en 2004. Le croisement permet de dépasser la comparaison telle qu'elle est classiquement mise en œuvre. Celle-ci pose en effet un certain nombre de problèmes eu égard notamment à la position de l'observateur, au niveau de comparaison et au choix de l'objet de la comparaison. Avec la méthode du croisement, les entités ou les objets ne sont pas seulement considérés les uns par rapport aux autres, mais également les uns à travers les autres, en termes de relations et d'intersections. Le questionnement du chercheur se nourrit de la mise en regard des entités étudiées et son objet de recherche se construit dans le croisement des terrains et des perspectives qui leur sont associées, le point de vue du chercheur se situant finalement au croisement de tous les autres.Comment mener son terrain et construire son objet de recherche en géographe, selon la méthode du croisement ? Quel est l'apport et quelles sont les limites de cette démarche appliquée au champ de la géographie ? C'est à ces questions que ma communication tentera de répondre, en s'appuyant sur des recherches menées dans le cadre d'une thèse intitulée Les espaces publics dans les politiques métropolitaines. Réflexions au croisement de trois expériences : de Paris aux quartiers centraux de Berlin et Istanbul. Il conviendra tout d'abord de s'interroger sur l'apport théorique que constitue le croisement par rapport à la comparaison en géographie. Ensuite, il sera intéressant de voir comment cette méthode peut être appliquée dans cette discipline, et je me propose pour cela de revenir de manière réflexive sur la place qu'elle a occupée dans la construction de ma thèse. J'expliciterai dans un premier temps la manière dont j'ai envisagé le croisement des terrains dans mon travail d'investigation, ainsi que les difficultés concrètes que ce choix m'a posées. Je tenterai dans un second temps de présenter la manière dont j'ai construit, à partir de là, mon objet de recherche et mes questionnements : revendiquant mon ancrage dans le terrain parisien, je me suis en fait ingénié à croiser mon point de vue initial avec mon expérience des deux autres terrains, construisant mes questionnements dans un va-et-vient constant entre les villes et les problématiques qu'elles m'imposaient. Enfin, je tenterai dans un troisième temps de mettre en évidence les apports du croisement en évoquant brièvement les résultats qu'il m'a permis d'obtenir, tout en soulignant les inévitables limites de cette démarche.En définitive, il s'agit ici de contribuer aux débats en posant un regard renouvelé sur la comparaison en géographie, ce qui passe plus généralement par une double réflexion sur la place du chercheur par rapport à ses terrains d'une part, sur la place des terrains dans la construction de son objet de recherche d'autre part