Synthèse et relations structure-activité cytotoxique et antibactérienne des dirchromones

Abstract

L’exploration de l’espace chimique biologiquement pertinent requiert l’utilisation de règles ou de sources d’inspiration permettant de circonscrire les recherches au sein de l’immensité des assemblages possibles des atomes de carbone. Parmi ces stratégies, l’examen de substances d’origine naturelle conserve une place de choix, tant parce qu’elles fournissent des pistes qui auraient été difficilement accessibles par synthèse classique que parce qu’elles sont le résultat de coévolution de formes de vie les sécrétant précisément pour influencer d’autres organismes. Antérieurement, l’étude de l’arbuste Dirca palustris a permis d’y découvrir une famille de molécules soufrées, les dirchromones, présentant des activités cytotoxique et antibactérienne contre Staphylococcus aureus. Leur chaîne latérale comportant un vinylsulfoxyde les classe à l’écart des autres chromones végétales et leur fait donc couvrir une nouvelle niche de l’espace chimique. Cependant, leur faible abondance dans la plante ne permettait pas d’aller au-delà de leur simple catalogage. Dans le cadre de cette thèse, trois objectifs étaient donc poursuivis: développer une voie de synthèse de la dirchromone qui soit à la fois accessible, flexible et économe en étapes; déterminer la ou les caractéristiques structurales les plus critiques pour les activités biologiques; et explorer les relations entre des modifications structurales systématiques et les activités cytotoxique et antibactérienne. Dans un premier temps, une synthèse totale des dirchromones a été développée afin de contourner les écueils rencontrés par des approches classiques, avec comme étapes clé un réarrangement de Pummerer de transfert d’oxydation inusité et le premier exemple de réarrangement de Baker-Venkataraman en conditions d’énolisation douce rapporté dans la littérature. La démarche complète comporte sept étapes ayant permis de préparer la dirchromone à l’échelle du gramme avec un rendement global de 21 % à partir de réactifs facilement accessibles. Cette même synthèse s’est avérée adaptable, permettant d’introduire des substituants à de nombreuses positions du squelette et également de préparer d’autres chromones courantes. À ce stade, la cytotoxicité de la dirchromone synthétique a été validée sur 13 lignées cellulaires cancéreuses. En second lieu, mettant à profit cette synthèse, différentes modifications structurales ont été introduites sur le fragment moléculaire rendant la dirchromone unique, à savoir sa chaîne latérale soufrée. Il en ressort notamment que le degré d’oxydation du soufre est capital à l’expression de ses activités biologiques, le sulfoxyde étant plus cytotoxique alors que la sulfone est plus antibactérienne et le sulfide inactif dans les deux cas. Afin de mieux comprendre l’implication de la chaîne latérale sur la réactivité de la dirchromone, cette dernière a été soumise à un test pour mesurer son caractère d’accepteur de Michael par une réaction avec de la cystéamine suivie par résonnance magnétique nucléaire. Devant le comportement surprenant observé, les produits de la réaction ont été caractérisés, mettant en évidence une séquence de réactions combinant une addition de Michael, une élimination du fragment méthylsulfinyl et des conversions oxydoréductrices. La fluorescence de certains de ces produits a également permis de mettre en évidence l’occurrence de réactions similaires au sein du cytosol de cellules traitées avec la dirchromone. Troisièmement, 32 analogues de la dirchromone présentant différents substituants (méthylations, hétéroatomes, acylations et alkoxydations avec différentes longueurs et ramifications de chaînes alkyles, modifications du cycle) ont été préparés et criblés pour leurs activités cytotoxiques, antibactérienne gram-positive et antifongique. Les résultats ont montré une absence de corrélation entre les activités cytotoxique et antibactérienne, suggérant des mécanismes de toxicité distincts. Quelques dérivés ont montré de fortes différences d’activité, notamment par une réduction de la cytotoxicité par des groupements hydroxyle ou nitrile, alors que ce dernier augmentait le potentiel antibactérien. L’activité antifongique a émergé au fil de l’élongation des chaînes alkoxydes. Ces derniers dérivés, ainsi que la dirchromone bromée ou avec un cycle aromatique supplémentaire, sont légèrement plus cytotoxiques que le composé parent. Cependant, dans l’ensemble, le pharmacophore de la dirchromone a maintenu son activité dans la majorité des cas. Ce dernier pan du projet a donc démontré la robustesse de la dirchromone vis-à-vis la substitution de son noyau de base. Cette thèse marque donc une avancée de l’accessibilité et de la compréhension des activités biologiques des dirchromones en fonction de leur structure. Elle a permis de jeter un peu de lumière sur une portion de l’espace chimique biologiquement pertinent qui auparavant demeurait inexplorée et hors d’atteinte, offrant ainsi des perspectives de recherche plus précises autour de ce squelette unique. The exploration of biologically relevant chemical space requires that some rules or sources of inspiration are used so as to achieve some degree of focus while scouting the vastness of theoretically possible carbon atoms assemblies. Among such strategies, the examination of naturally occurring substances retains a place of choice, both because this approach offers insight into structures that would have been hardly accessible through classical synthesis and because natural products are the result of constant coevolution of life forms secreting them precisely to influence other organisms. Previously, a study of the shrub Dirca palustris had led to the discovery of a family of sulfur-bearing compounds, dirchromones. These exerted cytotoxic activity and antibacterial potential against Staphylococcus aureus, and they covered a new niche of the chemical space owing to their peculiar side chain featuring a vinylsulfoxide moiety. However, their low availability from the plant material did not allow for more than mere cataloguing. In the course of this thesis, three objectives were therefore pursued: developing a synthesis of dirchromone combining accessibility, flexibility and a reasonable number of steps; determining the most relevant structural characteristics towards the biological activities; and exploring the relationship between systematic structural modifications and the cytotoxic and antibacterial activities. To begin with, a total synthesis of dirchromones was designed so as to circumvent the shortcomings of classical approaches, featuring as key steps an unusual Pummerer rearrangement allowing for an oxidation transfer, and the first reported example of a soft-enolization Baker-Venkataraman rearrangement. The whole protocol comprises seven steps which allowed to prepare dirchromone at the gram scale with an overall yield of 21 % from readily accessible reagents. The same synthesis was shown to be flexible, giving access to multiple substitutions of the core structure and also to other common chromones. At this stage, the cytotoxicity of synthetic dirchromone was confirmed on 13 malignant cell lines. Secondly, thanks to this synthetic route, various structural modifications were incorporated to the moiety that makes dirchromone unique, i.e., its sulfur-bearing side chain. This revealed in particular that the oxidation level of the sulfur was pivotal to the expression of the biological activities, with the sulfoxide being more cytotoxic whereas the sulfone was more antibacterial and the sulfide inactive in both cases. In order to grasp a broader understanding of the implication of the lateral chain on dirchromone’s reactivity, the latter was subjected to a study of its Michael acceptor behavior by reacting it with cysteamine and following the reaction by nuclear magnetic resonance. Since a surprising outcome was observed, some reaction products were characterized, highlighting a reaction sequence comprising a Michael addition, the elimination of the methylsufinyl fragment and redox conversions. The fluorescence of some of these products also highlighted that similar reactions occurred within the cytosol of cells to which dirchromone was administered. Furthermore, 32 analogs of dirchromone featuring various substituents (methylation, heteroatoms, acylation or alkoxidation with various chain lengths and branching, modification of the cyclic core) were prepared and screened for their cytotoxic, anti-Gram-positive bacteria and antifungal activities. The results showed a lack of correlation between antibacterial and cytotoxic activities, suggesting distinct toxicity mechanisms. A few derivatives induced strong difference in activity, especially by reducing cytotoxicity upon the introduction of hydroxyl or nitrile group, whereas the latter increased the antibacterial activity. An antifungal activity also arose as the alkoxide substituents’ chain length increased. The latter as well as dirchromones featuring a bromide or an additional aromatic ring were slightly more cytotoxic than the parent compound. That being said, as a whole, the pharmacophore of dirchromone maintained its activity in the majority of cases. This last part of the project therefore outlined the robustness of dirchromone towards substitution of its core structure. This thesis therefore furthered the accessibility and the understanding of the biological activities of dirchromone with regard to its structure. It hence shed a bit of light on a portion of the biologically relevant chemical space that previously remained unexplored and beyond reach, offering more precise research perspectives around this unique molecular entity

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