Les relations entre l’auto-stigmatisation, l’estime de soi, l’auto-efficacité et le rétablissement chez les personnes ayant des troubles mentaux : une étude corrélationnelle
L’auto-stigmatisation, ou le processus d’intériorisation des préjugés, est l’une des formes peu abordées de la stigmatisation en santé mentale. Pourtant, ce processus entraîne une renégociation de l’identité et par le fait même, tend à affecter négativement l’estime personnelle ainsi que le sentiment d’auto-efficacité, tout en augmentant l’isolement social des personnes concernées. La stigmatisation et l’auto-stigmatisation affectent inévitablement les trajectoires de rétablissement des personnes ayant des troubles mentaux. Contrairement à ce que l’on pense toutefois, et c’est ce que confirme le modèle « Why Try Effect », toutes les personnes n’intérioriseront pas les préjugés. C’est dans l’optique de mieux comprendre les variables qui permettent de prédire l’auto-stigmatisation que cette étude quantitative a été entreprise. Au total, 149 personnes se sont portées volontaires pour participer à cette enquête, menée partiellement sur le terrain et en ligne. Chacune de ces personnes a complété un ensemble de questionnaires, dont l’échelle Internalized Stigma of Mental Illness. Des analyses de régression, de même qu’un modèle d’équation structurale ont été réalisés à l’aide des logiciels SPSS et R. Les résultats de cette étude indiquent d’abord que parmi les 149 répondants, 17,5 % ont intériorisé modérément ou sévèrement des préjugés en lien avec la santé mentale. De plus, les personnes ayant un trouble anxieux sont significativement moins nombreuses à avoir intériorisé des préjugés que les personnes ayant d’autres types de diagnostics. Un revenu précaire, une faible estime de soi, la présence d’une hospitalisation psychiatrique ainsi qu’un faible niveau de rétablissement sont démontrés comme étant des variables corrélées à la présence de préjugés intériorisés. Les résultats de cette étude suggèrent que l’estime de soi ainsi que le sentiment d’auto-efficacité agissent comme étant des médiateurs partiels dans la relation entre l’auto-stigmatisation et du rétablissement. L’adéquation entre le modèle adapté du « Why Try Effect » et les données recueillies n’a cependant pas été concluante. Ces résultats permettent de cibler les facteurs pouvant être corrélés à l’intériorisation des préjugés des personnes atteintes de trouble mental. D’abord, il semble de plus en plus évident que les préjugés ne soient pas intériorisés de la même manière selon les différents diagnostics établis. Les personnes ayant un trouble anxieux semblent moins affectées par l’auto-stigmatisation, cependant, cela reste à être confirmé par de futures études afin d’en comprendre les motifs. Dans les recherches futures, en plus d’inclure les troubles anxieux dans la population à l’étude, il serait préférable de rassembler les personnes en situation de précarité économique, en raison de la présence d’un faible revenu en tant que variable corrélée à la problématique. Par ailleurs, l’expérience personnelle de l’hospitalisation psychiatrique est démontrée comme étant associée à l’auto-stigmatisation. Les facteurs liés à l’hospitalisation et jouant un rôle au niveau de l’intériorisation des préjugés seront toutefois à spécifier. Bien que le modèle du « Why Try Effect » comporte un base théorique intéressante, un modèle adapté au rétablissement en santé mentale devra être élaboré. Entre autres, différentes variables médiatrices devront être choisies afin que la multicolinéarité ne soit pas un obstacle à la modélisation de l’auto-stigmatisation en contexte de rétablissement en santé mentale