Évolution du profil psychopathologique, de l’impulsivité et des schémas précoces d’inadaptation de la clientèle autochtone d’un centre de réadaptation en alcoolisme et en toxicomanie des Premières Nations du Québec

Abstract

Problématique. Les études historiques et paléobiologiques démontrent que les Autochtones du Canada étaient en bonne santé avant la colonisation. Pendant près de deux siècles, les autorités coloniales britanniques suivies du gouvernement canadien ont mis en oeuvre un vaste programme législatif qui prévoyait l’assimilation graduelle des Autochtones, l’administration de leurs affaires et, ultimement, leur disparition en tant qu’entités culturelles et politiques distinctes, les pensionnats indiens fédéraux n’étant qu’une des nombreuses mesures utilisées à cette fin. L’échec de ces stratégies ethnocidaires a marqué l’histoire du Canada. Pour les Premières Nations, ce système d’oppression a laissé un douloureux héritage de détresse et de traumas intergénérationnels qui affecte globalement leur santé. À cet effet, les indicateurs statistiques montrent notamment que les Autochtones du Canada sont en moins bonne santé, sont moins instruits, sont plus pauvres, se suicident davantage et ont une espérance de vie moindre que les autres Canadiens. Selon de nombreuses communautés autochtones, les problèmes les plus importants consistent en l’alcoolisme et la toxicomanie. Les troubles liés aux pratiques des jeux de hasard et d’argent (TPJHA) sont également de plus en plus rapportés comme une problématique majeure au sein des Premières Nations et fréquemment observée comme une dépendance de remplacement chez d’anciens alcooliques abstinents. Depuis quelques années, les intervenants et dirigeants du centre de réadaptation en alcoolisme et toxicomanie Wapan (CRW) observent et s’inquiètent des modifications concernant l’objet des dépendances, ainsi que de la présence grandissante de troubles de santé mentale concomitants qui semblent interférer avec l’évolution du traitement. Afin de répondre à ces préoccupations, cette recherche vise en collaboration avec le CRW, à obtenir un portrait de l’évolution symptomatologique de sa clientèle. Objectifs. De façon plus précise, cette étude a pour objectifs de décrire et de comparer l’évolution de l’état psychopathologique, de l’expression de l’impulsivité et des schémas précoces d’inadaptation (SPIs) à la base de la personnalité, au début et à la fin du traitement résidentiel, de même que de trois à cinq mois après sa fin, en fonction 1) de la présence ou non d’une toxicomanie active durant les 12 mois qui ont précédé l’admission au traitement; ainsi que selon la présence ou non 2) d’un TPJHA; et 3) d’une rechute après le traitement, chez les participants aux prises avec une toxicomanie active à l’admission. Méthode. L’échantillon est composé de 23 patients autochtones (14 femmes et 9 hommes), issus de 11 Premières Nations du Québec, âgés de 19 à 55 ans, qui ont été recrutés sur une base volontaire lors de leur admission au CRW. Le taux de participation est de 85,71 %. Tous les participants ont complété le traitement et pris part aux deux premières saisies de données. Six d’entre eux n’ont pas assisté à la troisième saisie. Il s’agit donc d’une étude impliquant un schème de recherche quasi-expérimental pré- et post-traitement, sans groupe contrôle, avec une période de suivi de trois à cinq mois après la fin du traitement résidentiel. Bien que cette étude n’avait pas pour but premier d’évaluer le programme du CRW, il demeure qu’elle fournit des données pertinentes quant à l’impact de ce traitement sur les habitudes de consommation d’alcool et de drogues, les pratiques de jeux de hasard et d’argent (JHA), de même que sur 24 variables psychopathologiques, d’impulsivité et schémas précoces d’inadaptation (SPIs) de sa clientèle. Résultats. Les résultats révèlent la présence d’une symptomatologie importante au début du traitement quant aux 24 variables psychopathologiques évaluées, ainsi qu’une tendance générale à leur réduction pendant la période du traitement. Des effets principaux du temps sont généralement observés et ont été regroupés selon cinq profils d’évolution, les plus fréquents évoquant que la diminution de la symptomatologie a été maintenue plusieurs mois après la fin du traitement. Seuls quelques effets d’interaction ont été constatés dans chacun des trois modèles d’analyses appliqués concernant les variables 1) Hostilité; 2) schéma Méfiance / Abus; 3) Dépression et 4) Impulsivité. Discussion. Avant même d’interpréter ces résultats, quelques particularités de l’échantillon sont abordées, illustrant notamment sa vulnérabilité au plan psychosocial. Les analyses ont démontré une amélioration significative de la détresse psychologique et de la majorité des variables symptomatiques, ce qui s’avère cohérent avec ce qui est généralement observé dans les centres de traitement de la société québécoise. Quant aux effets d’interaction constatés, quelques pistes d’interprétation sont proposées afin de tenter de comprendre ce qui différencie l’évolution des différents groupes

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