[First paragraph] La publication intégrale des lettres échangées par André Gide et Henri
de Régnier restitue le deuxième volet à ce tableau dont David Niederauer
avait pu présenter le panneau Régnier en 1972. Nous avons donc de
nouvelles raisons de regretter la fin de cette amitié littéraire qui vit les
deux écrivains s’éloigner l’un de l’autre à la suite d’un article malencontreux
que Gide écrivit pour La Revue Blanche du premier mai 1900, à
propos de La Double Maîtresse. Le froid que provoqua le jugement de
Gide — qui s’était laissé entraîner, nous dit-il, par la désapprobation impétueuse
dont avait témoigné Viélé-Griffin à l’égard du livre de Régnier
— l’amena à regretter « cordialement » cette « erreur assez grave ».
Les éditeurs de la nouvelle édition de la Correspondance présentent une
lettre inédite de Francis Jammes, qui, apprenons-nous, s’évertua à adoucir
le ressentiment d’un Régnier ombrageux (pp. 15-17). Nonobstant cette
intervention de poids, ce dernier ne devait jamais pardonner à Gide son
jugement qui, faisant pressentir un déclin par rapport à l’oeuvre précédente, ne péchait peut-être que par prescience ... Ainsi, à partir de cette
date les lettres se font de plus en plus rares, pour cesser complètement
malgré une dernière lettre d’avril 1911 où Gide, touché par l’amabilité
dont Régnier venait de faire preuve à l’égard de Copeau et de la Nouvelle
Revue Française, essaie en vain de ranimer l’affection qu’ils s’étaient
portée naguère (pp. 271-2)