Le syndrome lipodystrophique est aujourd'hui considéré comme un effet secondaire majeur des polythérapies du VIH (virus de l'immunodéficience humaine). Les polythérapies se composent de trois classes d'antiviraux : des inhibiteurs nucléosidiques (INTIs) et non nucléosidiques (INNTIs) de la transcriptase inverse du VIH et des inhibiteurs de la protéase du VIH (IPs). Le syndrome lipodystrophique se caractérise par des modifications des tissus adipeux (lipoatrophie des tissus adipeux sous cutanés et/ou lipohypertrophie au niveau de l'abdomen). De nombreuses pathologies sont associées à ce syndrome comme la résistance à l'insuline, l'hypertriglycéridémie et l'hypercholestérolémie. Les mécanismes mis en jeu dans le développement de ce syndrome étant encore inconnus, nous avons alors étudié les effets des IPs sur différents modèles adipocytaires. Dans un premier temps, nous avons analysé les effets des six IPs (APV, LPV, RTV, IDV, NFV, SQV) sur la différenciation adipocytaire de quatre modèles murins : 3T3-L1, 3T3-F442, Ob1771 et les cellules ES. Cette étude a pu montrer des effets inhibiteurs sur la différenciation adipocytaire suivant l'IP et le modèle cellulaire considérés. Par exemple, les cellules Ob1771 sont protégées de l'effet inhibiteur du ritonavir, alors que celui-ci réduit la différenciation adipocytaire des cellules 3T3-L1. Pour la première fois, cette étude a montré, in vitro, que les IPs du VIH entrent et s'accumulent dans l'adipocytes. Mais cette accumulation d'IP dans l'adipocyte n'est pas seule responsable des effets inhibiteurs du VIH car le RTV entre dans les cellules Ob1771 comme dans les cellules 3T3-L1. Nous avons aussi utilisé un modèle original de différenciation adipocytaire humaine, les cellules hMADS (" human multipotent adipose derived stem cell "). Ce modèle nous a permis d'étudier les effets des traitements chroniques des six IPs du VIH sur le développement des précurseurs et sur l'adipocyte mature. Nous avons pu montrer que les IPs s'accumulent dans l'adipocyte humain et que le RTV, SQV et LPV inhibent la différenciation adipocytaire des précurseurs. De plus, l'adipocyte sécrète des adipocytokines qui, pour la plupart, sont impliquées dans les pathologies associées au syndrome lipodystrophique comme la résistance à l'insuline. Nous avons pu montrer, par PCR quantitative en temps réel, que le RTV diminue l'expression d'adiponectine et augmente, in vitro, l'expression d'IL6, du TNFa et de la leptine. Ces adipocytes expriment le récepteur IL6 et les deux récepteurs du TNFa (TNFR1 et TNFR2). Ainsi, outre leur effet inhibiteur sur le développement des adipocytes, les IPs modifient l'expression des adipocytokines. Ces facteurs sécrétés peuvent alors avoir un effet autocrine/paracrine sur les adipocytes mais aussi endocrine et participer au développement de la résistance à l'insuline. Ainsi ces résultat sont en faveur d'un rôle direct des IPs du VIH sur les tissus adipeux et sur le développement du syndrome lipodystrophique mais aussi des pathologies observées chez les patients séropositifs sous polythérapies.NICE-BU Sciences (060882101) / SudocSudocFranceF