Dysfonction chronique du greffon en transplantation rénale (stratégies immunosuppressives et approche anti-inflammatoire expérimentale)

Abstract

La dysfonction chronique du greffon (DCG) résulte d'un processus inflammatoire chronique induit par des facteurs lésionnels immunologiques et non immunologiques. Malgré les progrès sensibles des protocoles d'immunosuppression qui ont permis d'améliorer les résultats à court terme, la DCG reste l'une des premières causes de perte tardive du greffon.Notre travail clinique a consisté à évaluer l'apport du mycophénolate mofétil (MMF) dans le cadre d'une stratégie d'élimination de la ciclosporine (CsA), en terme de prévention du rejet aigu et de la néphrotoxicité des inhibiteurs de la calcineurine, qui sont 2 facteurs de risque majeurs de DCG.Rétrospectivement, nous avons comparé l'azathioprine au mycophénolate mofétil en association à la CsA. L'association MMF et CsA a permis non seulement de réduire l'incidence mais également d'atténuer les conséquences délétère du rejet aigu, ce qui s'est traduit par une amélioration significative de la survie du greffon à 3 ans chez les patients ayant présenté un ou plusieurs épisodes de rejet aigu durant les 6 premiers mois de greffe.Dans une étude randomisée ouverte évaluant l'arrêt précoce (3 mois) de la CsA sous MMF et prednisone chez des patients à faible risque immunologique, nous avons observé une amélioration significative de la fonction rénale à 1 et 2 ans au décours du sevrage de la CsA. La pharmacocinétique du MMF et les modifications " borderline " sur la biopsie à 3 mois étaient les 2 facteurs indépendants prédictifs de rejet aigu à l'arrêt de la CsA, identifiés dans cette étude. La biopsie systématique à 1 an a mis en évidence l'apparition de dépôts de C4d pour une proportion importante de patients sevrés de la CsA, indépendamment de la survenue d'un rejet aigu précoce. Cependant, ni le bilan histologique à 1 an (Chronic Allograft Damage Index), ni la fonction rénale à 2 ans ne suggéraient l'installation d'un rejet chronique chez ces patients.Un suivi prolongé et des examens spécifiques (par exemple la recherche d'anticorps anti-HLA) seront nécessaires pour interpréter cette donnée, qui pose la question de la valeur pronostique des dépôts de C4d découverts sur des biopsies protocolaires effectués chez des patients stables.Dans la mesure où les agressions immunologiques et non immunologiques entretiennent un processus inflammatoire chronique, nous avons voulu évaluer l'impact de différentes molécules anti-inflammatoire et/ou immunomodulatrices sur la progression de la DCG. La pentoxifylline, les statines et les agonistes PPAR (Peroxisome Proliferator-Activated Receptors), dont on connaît les effets pléiotropes et la sécurité d'utilisation en pratique clinique, ont été testés dans un modèle murin d'allogreffe cutanée. Ni la pentoxifylline ni les statines n'ont influencé l'évolutivité du rejet chronique dans ce modèle. Paradoxalement, l'administration précoce de fénofibrate, agoniste PPAR , a provoqué une aggravation de la fibrose, tant au sein des greffons cutanés allogéniques que syngéniques. Ces données suggèrent que l'activation de PPAR , qui est exprimé transtoirement après une lésion cutanée, peut moduler la cicatrisation dans ce modèle.La prévention de la DCG repose en partie sur des modifications précoces de l'immunosuppression destinées à éviter à long terme la néphrotoxicité des inhibiteurs de la calcineurine. Cependant cette stratégie comporte un risque élevé de rejet aigu et ne peut être proposée à tous les patients. Ce risque peut être minimisé par une sélection rigoureuse des receveurs tenant compte à la fois des événements survenus pendant les 3 premiers mois de greffe, de la pharmacocinétique des immunosuppresseurs et des données histologiques à 3 mois. Néanmoins, la nephrotoxicité des inhibiteurs de la calcineurine n'est qu'un seul des multiples facteurs responsables du processus inflammatoire chronique conduisant à la DCG. Des médications anti-inflammatoires non spécifiques, en association au traitement immunosuppresseur, pourraient contribuer à contrôler la progression de la DCG. Une approche expérimentale peut être utile à la sélection de molécules potentiellement actives, avant la mise en place d'essais cliniques qui nécessiteront le suivi prolongé d'importantes cohortes de patients.Chronic allograft dysfunction (CAD) is a chronic inflammatory state inside the graft, causally related to immunological and non immunological injuries. Despite significant improvements in immunosuppressive regimens that led to better results in the short term, CAD remains a major cause of late graft lost in renal transplantation.The clinical part of this work was to evaluate the efficiency and safety of mycophenolate mofetil (MMF) in a strategy of cyclosporine (CsA) withdrawal, for the prevention of acute rejection and nephrotoxicity of calcineurin inhibitors, two of the strongest risk factors for CAD. In a retrospective study we compared azathioprine to mycophenolate mofetil associated with CsA: MMF+CsA reduced the incidence of acute rejection and weakened the deleterious consequences of acute rejection, resulting in significantly increased 3-year graft survival rates in patients who had experienced one or more acute rejection episodes during the first 6 months post graft. In a randomized, open-labelled study to evaluate early (3 months) withdrawal of CsA under MMF and prednisone in low immunological risk recipients, we demonstrated a significant improvement of the renal function at 1 and 2 years after CsA discontinuation. However, a higher proportion of the recipients withdrawn from CsA experienced acute rejection, as compared with patients withdrawn from MMF and maintained under CsA and prednisone. Pharmacokinetics of MMF and borderline histological changes in the 3-month graft biopsy were identified as 2 independent predictors of acute rejection after CsA withdrawal. The 1-year systematic graft biopsy revealed that a significant number of patients withdrawn from CsA developed peritubular C4d deposits, independently of the occurrence of early acute rejection episodes. However, neither 1-year Chronic Allograft Damage Index nor 2-year graft function were suggestive of a progression towards chronic rejection in these patients. Further follow-up as well as specific investigations (e.g. HLA antibodies) are needed to clarify this result, which questions the prognostic value of C4d deposits on protocol biopsies in stable patients.Because both immunological and non immunological injuries contribute to a chronic inflammatory process, we evaluated the impact of different anti-inflammatory and/or immunomudulatory drugs on the progression of CAD. Pentoxifylline, statins, and PPAR (Peroxisome Proliferator-Activated Receptors) agonists were tested because of their known pleiotropic effects and their safety in clinical practice. In a murine model of skin allograft, neither pentoxifylline nor statins modified the course of chronic rejection in this model. The PPAR ligand fenofibrate paradoxically exacerbated fibrosis in allogeneic and syngeneic skin grafts when administrated immediately after the graft. These data suggest that activation of PPAR , which is transiently expressed after a cutaneous lesion, may interfere with wound healing in this model.Prevention of CAD can partly rely on early modifications of the immunosuppressive regimen to avoid long term nephrotoxicity of calcineurin inhibitors, but this strategy carries a significant risk of acute rejection, and CsA elimination cannot be recommended for all patients. This risk can be minimized in carefully selected recipients according to the early events post graft, pharmacokinetics of the immunosuppressive drugs, and histological results at 3 months. However, the nephrotoxicity of calcineurin inhibitors is only one among multiple factors involved in the chronic inflammatory process leading to CAD. Non-specific anti-inflammatory treatment in association with immunosuppressive drugs could slow down progression of graft failure. An experimental approach can help to select active molecules before initiating clinical trials that will require high numbers of patients and a prolonged follow-up.LILLE2-BU Santé-Recherche (593502101) / SudocPARIS-BIUP (751062107) / SudocSudocFranceF

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    Last time updated on 14/06/2016