Sciences Po - Institut d'études politiques de Paris
Abstract
Depuis 1990, le Parti du Socialisme Démocratique est-allemand (PDS) présente l’extrême droite comme étant son ennemi. En tant que successeur du SED, le parti communiste au pouvoir en RDA, le PDS s’appuie pour ce faire sur l’héritage, en partie positif, de la propagande antifasciste de la RDA. Cette construction atteste de la volonté qu’ont les néo-socialistes de prouver leur conversion à la démocratie représentative en place en RFA depuis 1949. L’érection de l’extrême droite au rang d’ennemi du parti permet au PDS, stigmatisé par la tradition anticommuniste de la RFA, de passer du camp des extrémistes à celui des démocrates sur la scène politique allemande. En outre, ce transfert du stigmate contribue à masquer la concurrence électorale accrue que se livrent le PDS et l’extrême droite dans les nouveaux Länder et à dissimuler la relation ambiguë d’une partie de sa base à l’extrême droite.
Cette stratégie de construction d’une figure unique et absolue de l’ennemi est altérée par deux éléments principaux. D’une part, le décalage entre les instances fédérales du PDS et ses acteurs locaux est essentiel dans l’appréhension d’un antifascisme qui s’avère incapable de fonder une action politique concrète contre l’extrême droite. D’autre part, l’analyse des interactions ayant lieu dans les deux configurations locales étudiées (l’arrondissement Lichtenberg à Berlin-Est et Dresde, la capitale de la Saxe) met en avant le caractère modulable de la figure de l’ennemi. Confrontés concrètement à l’extrême droite par la réalité du jeu politique, les acteurs locaux adaptent en effet la norme comportementale édictée par le PDS en fonction de leur personnalité et de leurs ressources propres