Influence des facteurs du milieu sur la composition taxonomique et le développement des algues et autres protistes de la glace de mer dans le secteur canadien de la mer de Beaufort
RÉSUMÉ : L'évolution saisonnière des algues et autres protistes du niveau inférieur de la glace
de première année a été suivie dans le Haut-Arctique occidental canadien dès leur piégeage
en automne 2003 jusqu'à leur prolifération printanière et leur déclin à la fin de juin 2004.
Cette étude s'est principalement intéressée aux changements temporels de composition
taxonomique entre différents types de glace de mer nouvellement formée et l'eau de surface
sous-jacente, à l'incorporation sélective des cellules dans la glace et à leurs stratégies de
survie. Les variations de la biomasse chlorophyllienne, de l'abondance et de la composition
des protistes du niveau inférieur de la glace côtière ont aussi été étudiées de la fin de l'hiver
à la fin du printemps à deux sites représentatifs d'un couvert de neige mince et épais. Enfin,
la répartition horizontale à petite échelle « 25 m) de la communauté de protistes du niveau
inférieur de la glace de mer et des facteurs du milieu influençant leur biomasse, leur
abondance et leur composition taxonomique a été évaluée à diverses périodes au cours de la
saison de croissance printanière.
Cette étude montre que les protistes s'établissent dans la glace de mer dès sa
formation à l'automne. La composition taxonomique des protistes dans la glace
nouvellement formée et les eaux de surface change au cours de l'automne. La composition
des protistes dans la glace nouvelle est similaire à celle de l'eau de surface mais elle diffère
dans les glaces plus âgées. Les petites algues « 4 ~m) sont les cellules pigmentées les plus
abondantes dans la glace de mer nouvellement formée et l'eau de surface sous-jacente.
Toutefois, elles sont moins abondantes dans la glace de mer que dans l'eau de surface. En
revanche, les grosses cellules (~ 4 ~m) sont plus abondantes dans la glace de mer que dans
l'eau de surface. Ces résultats montrent clairement une incorporation sélective de grosses
cellules (~ 4 ~m) dans la glace de mer nouvellement formée. Enfin, cette étude suggère que
la formation de spores et de kystes est une stratégie de survie mineure chez les protistes des
glaces des mers arctiques.
Dans la baie Franklin, l'accumulation de protistes dans le niveau inférieur de la glace
de la banquise côtière commence dès la fin février. Avant la période de floraison, les
protistes photosynthétiques (surtout des diatomées) dominent sous couvert de neige mince
tandis que des flagellés vraisemblablement hétérotrophes dominent sous couvert de neige
épais. Pendant la floraison printanière, que la banquise soit faiblement couverte de neige ou
non, la communauté de protistes du niveau inférieur de la glace est dominée par des
diatomées coloniales (Nitzschia frigida, N. promare, Navicula sp. 6, N. pelagica et
Fragilariopsis cylindrus), la diatomée N. frigida étant la plus abondante. Après la floraison,
l'abondance des diatomées diminue plus rapidement que celle des flagellés. Ceci suggère
que les flagellés sont moins sensibles à la fonte de la glace que les diatomées. Enfin, les
résultats montrent que, pour le niveau inférieur de la glace, la biomasse algale maximum
atteinte pendant la saison de croissance printanière dépend des apports en nitrates provenant
de la couche supérieure de la colonne d'eau. Ainsi, la quantité d'éléments nutritifs présente
à la surface de l'eau à la fin de l'hiver est un facteur important qui détermine l'ampleur de
la floraison al gale au printemps.
La biomasse de chlorophylle a (chI a) et l'abondance des protistes du mveau
inférieur de la glace ont montré une répartition horizontale hétérogène à trois reprises entre
la fin avril et la fin mai 2004. La répartition horizontale de la biomasse chlorophyllienne
était différente de celle de l'abondance des protistes de glace. Cette divergence peut être
liée à des différences dans la teneur intracellulaire en chI a chez les divers taxons
photosynthétiques et à l' absence de pigments chez les protistes hétérotrophes. Les flagellés
étaient abondants par rapport à l'abondance totale des protistes sous couvert de neige épais
alors que celle des diatomées était très élevée sous couvert de neige mince. La composition
taxonomique des protistes a changé au cours de la période d'échantillonnage, en raison de
la diminution du couvert de neige et de l'augmentation de l' irradiance incidente transmise à
la base de la glace. La répartition horizontale des taxons de diatomées et de flagellés peut
s'expliquer, entre autres, par les variations de l'épaisseur du couvert de neige à la fin avril
et par les variations de la salinité de la glace et de l'épaisseur du couvert de neige à la fin
mai. L'ensemble des résultats de cette thèse suggère que les flagellés tolèrent davantage les
changements du milieu que les diatomées. -- ABSTRACT : The seasonal development of bottom ice algae and other protists was studied in the
western Canadian High Arctic from the period of their entrapment in auturnn 2003 through
the spring bloom until the decline in late June 2004. This investigation describes the
temporal changes in the taxonomic composition of these ice protists between different
types of newly formed sea ice and the underlying surface water, the selective incorporation
of cells in sea ice and their survival strategies. The algal biomass, protist abundance and
taxonomic composition were also examined under two contrasting snow co vers during the
winter-spring season. Finally, small-scale patchiness « 25 m) of bottom ice protist
community and the environmental factors controlling their biomass, abundance and
taxonomic composition was assessed at different periods during the vernal growth season.
This study demonstrated that the protist community is established in the sea ice
during the first stages of its formation in auturnn. The taxonomic composition of protists in
the newly formed sea ice and the underlying surface water changed through the auturnn.
The composition was similar in both new ice and underlying surface water, but was
markedly different in older ice types. Small photosynthetic algae « 4 flm) were the most
abundant cells in the newly formed sea ice and underlying surface water, but they were less
abundant in sea ice than in surface water, while larger cells (~ 4 flm) were more abundant
in sea ice. These results clearly showed a selective incorporation of large cells (~4 !lm) in
newly formed sea ice. Finally, this study suggested that the spore and cyst formation is a
minor survival strategy for Arctic sea-ice protists.
In Franklin Bay, the accumulation of protists in the bottom ice horizon started as
early as the end of February. During the pre-bloom period, autotrophic protists (mainly
diatoms) dominated under low snow cover whereas flagellates, which were presumably
heterotrophic, dominated under high snow cover. During the bloom period, the bottom ice
protist community under both snow conditions was dominated by colonial diatoms
(Nitzschia frigida, N. promare, Navicula sp. 6, N. pelagica and Fragilariopsis cylindrus),
with N. frigida being the most abundant. During the post-bloom period, diatom abundance
declined more rapidly than flagellates. This suggests that flagellates are less sensitive than
diatoms to melting sea-ice conditions. Finally, the results showed that the maximum bottom
ice al gal biomass attained during the vernal growth season depends on nitrate supply from
the upper water colurnn. Thus, the amount of nutrients available in the surface water at the
end of the winter is a critical factor determining the magnitude of the ice algal spring
bloom.
VI
At three different periods of the vernal growth season, bottom ice chlorophyll a
(chI a) biomass and protist abundance showed a patchy horizontal distribution which
seemed to be mainly governed by the snow cover. The horizontal distribution of bottom ice
chI a biomass was different from that of protist abundance. This discrepancy may be related
to differences in intracellular chI a content among the autotrophic taxa and absence of
pigments in the heterotrophic protists. Flagellates showed a high contribution to total protist
abundance under high snow cover, while diatoms were highly abundant under low snow
cover. The protist taxonomie composition changed during the three sampling days due to
the seasonal decrease of the snow depth and increase of the transmitted incident irradiance
in the bottom ice horizon. The horizontal distribution of diatom and flagellated taxa was
mainly explained, among other things, by variations in snow depth at the end of April and
in bottom ice salinity and snow depth at the end of May. Overall, the results of this thesis
suggest that bottom ice flagellates are more tolerant to changing environmental conditions
than diatoms