Cet article propose une étude du poème Déploration sur le trépas de Jean Ockeghem, écrit par Guillaume Crétin à l’extrême fin du xve siècle, selon deux axes de lecture principaux : la représentation de l’harmonie des chœurs et de la disharmonie des cœurs d’une part, et la problématisation du topos d’humilité de l’auteur, d’autre part. Après une brève introduction contextuelle consacrée aux concepts d’harmonie et de disharmonie ainsi qu’à une perspective générale sur le poème, la première partie de l’article traite du premier axe de lecture : il y est montré que, si la beauté des chants (harmonie des chœurs) semble a priori contraster avec le trouble des sentiments (disharmonie des cœurs), les frontières sont en fait brouillées et les chœurs sont gagnés par le désordre des cœurs, traduisant le rejet de la gaieté qui caractérise le chant funèbre. La seconde partie de l’article entend questionner la position d’infériorité dans laquelle se place Guillaume Crétin en tant qu’auteur : après s’être affirmé incapable d’écrire le poème qu’on lui enjoint de composer, après en avoir appelé à ses illustres prédécesseurs et contemporains et avoir reconnu la supériorité de la musique sur la poésie, l’auteur semble en effet prendre à revers les attentes du lecteur et, par un habile jeu de mise en abyme et une exploitation de la valeur performative du poème, se couronner comme le prince des poètes.This article offers a study of the poem Déploration sur le trépas de Jean Ockeghem, written by Guillaume Crétin at the extreme end of the fifteenth century, in a double perspective : the representation of choruses’harmony and hearts’disharmony on one hand, and the problematisation of the topos of author’s humility on the other hand. After a brief introduction, in which I give a contextual background about the concepts of harmony and disharmony as well as a general overview of the poem, the first part of the article deals with the first perspective of reading : if choruses’harmony seems at first sight to contrast with hearts’disharmony, borders are in fact blurred and choruses are contaminated by the disorder of feelings, which results in the rejection of happiness that characterizes funeral singing. In the second part of the article, I want to examine the position of inferiority in which Guillaume Crétin puts himself as an author. Indeed, whilst he claims to be unable to write the poem that he has been asked to compose and calls for the help of his illustrious predecessors and famous contemporaries, he recognizes the superiority of music over poetry. However, the author seems to deceive the expectations of the reader and, through an ingenious mise en abyme and by exploiting the performative dimension of the poem, to crown himself as the prince of the poets