Impartialité, objectivité et neutralité? : étude de pratiques enseignantes en Éthique et culture religieuse au Québec

Abstract

Cette thèse fut réalisée en codirection avec la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal. Elle fut produite grâce à l’importante contribution financière de nombreux organismes subventionnaires, soit le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), le Fonds de recherche du Québec – Société et Culture (FRQSC); aussi financés par le CRSH, le Projet religion et diversité (dir. Lori G. Beaman, Université d’Ottawa), le projet IRTG-Diversité (Groupe international de formation en recherche sur la diversité) (dir. Laurence McFalls, Université de Montréal; dir. Ursula Lehmkuhl, Université de Trèves), la Chaire en gestion de la diversité culturelle et religieuse (CGDCR) dont Solange Lefebvre est titulaire ainsi que la Faculté de sciences des religions et théologie de l’Université de Montréal.Le programme québécois non confessionnel d’Éthique et culture religieuse (ECR) exige de ses enseignants une posture professionnelle d’impartialité et d’objectivité. Cette dernière suscite une controverse sociale et des poursuites judiciaires. Les détracteurs du programme, comme ses défenseurs, invoquent l’impartialité de l’enseignement pour justifier leur position, mais en y conférant un sens différent. Malgré l’importance de cette question, aucune recherche empirique ne propose d’analyser l’impartialité des enseignants. Sur le plan théorique, on rencontre une diversité d’usages des concepts. Cette thèse propose une clarification de la question, tant sur le plan théorique que pratique. Une analyse approfondie de la posture professionnelle d’impartialité exigée en ECR est effectuée en première partie. S’ensuit une clarification des concepts d’impartialité, d’objectivité et de neutralité. Si le terme neutralité semble dominer la littérature en éducation et en politique, l’objectivité est principalement utilisée pour définir la posture du chercheur scientifique et le savoir qu’il produit. De son côté, l’impartialité est le parent pauvre de la littérature, particulièrement en éducation. Elle se trouve mieux définie dans le domaine de la justice et du droit, qualifiant surtout l’impartialité du juge. Dans la deuxième partie de cette thèse, la méthodologie, les résultats d’analyse d’entrevues et ceux des observations sont présentés en examinant comment les enseignants d’ECR problématisent et négocient avec l’exigence d’impartialité professionnelle. La thèse innove aussi en analysant tant le propos que la mise en pratique de cette exigence d’impartialité en ECR chez 12 enseignants « typiques » ou « exemplaires » au secondaire provenant de milieux socioculturels différents (écoles privées confessionnelles ou publiques non confessionnelles de milieu multiculturel ou non multiculturel), répondant aux questions suivantes : Comment les enseignants conçoivent-ils l’impartialité exigée en ECR? Comment l’impartialité exigée en ECR est-elle mise en pratique dans l’enseignement d’ECR au secondaire? Réalisées à partir d’une approche déductive thématique, les analyses transversales des observations non participantes en classe et des entrevues semi-directives d’enseignants permettent de cerner les liens existant entre l’analyse théorique des prescriptions du programme ECR réalisée en première instance et les données qualitatives recueillies en deuxième instance. Dans la discussion sont présentés les six principaux résultats se dégageant des analyses des 12 enseignants participants. Proposant une réflexion critique sur l’impartialité exigée en ECR, les résultats empiriques sont approfondis par les analyses théoriques, contribuant aussi à éclairer la question dans les domaines préoccupés par des défis professionnels similaires. Le premier résultat indique qu’il n’y a aucune influence des variables personnelles ou professionnelles des enseignants participants sur leur compréhension et leur mise en pratique de l’impartialité professionnelle exigée en ECR. Le deuxième rappelle qu’il existe une polysémie et une confusion conceptuelle entre les termes neutralité, impartialité et objectivité, tant chez nos enseignants que dans la littérature. La thèse propose à ce sujet des voies de clarification utiles. S’appuyant sur une typologie de l’impartialité élaborée en première partie, le troisième résultat explique que l’impartialité absolue ou « axiologique » est généralement rejetée. Le quatrième résultat rappelle que la notion de distance critique s’avère être le fondement de l’impartialité exigée en ECR. Le cinquième montre les différences entre l’impartialité religieuse et éthique, les questions d’endoctrinement religieux et d’expression ou non des croyances religieuses personnelles dominant la question de l’impartialité. Quant au sixième résultat, il résume les nombreux problèmes associés à l’exigence d’intervenir à partir des finalités du programme, ces finalités renvoyant à des concepts polysémiques et flous pour les enseignants.The non-denominational Quebec program Ethics and Religious Culture (ERC) requires that its teachers adopt a professional stance that is both impartial and objective. The program has provoked social controversy and lawsuits, with its critics appealing to teacher impartiality to justify their position, but interpreting it differently than do its advocates. Despite the importance of this issue, no empirical research has been put forward to analyze teacher impartiality. As for theory, we find these concepts used in a wide variety of ways. This dissertation proposes to clarify the issue, from both a theoretical and practical perspective. In the first section, we present an in-depth analysis of the professional stance of impartiality required in ERC. Following that is an explanation of the concepts of impartiality, objectivity and neutrality. While the term ‘neutrality’ seems to dominate educational and political literature, objectivity is mainly used to describe the stance of scientific researchers and the knowledge they produce. As for impartiality, it is the ‘poor cousin’ in literature, especially in education. It is more clearly defined in the domains of justice and law, characterizing in particular a judge’s impartiality. In the second section of this dissertation, we present the methodology used and the results of analyzing interviews and observations, by examining how ERC teachers problematize and negotiate the requirement of professional impartiality. Our innovative approach analyzes not only the implementation of this ERC impartiality requirement, but the discourse of 12 ‘typical’ or ‘exemplary’ secondary school teachers from different sociocultural settings (private denominational or public non-denominational schools, with multicultural or non-multicultural environments). The teachers replied to the following questions: How do teachers conceptualize the impartiality required in ERC? How is the ERC impartiality requirement put into practice in ERC teaching in secondary schools? The use of a thematic deductive approach (transversal analyses of non-participant observations in class and semi-directed teacher interviews) allows for the identification of existing connections between a theoretical analysis of the ERC program in the first case and the qualitative data gathered in the second case. Six primary conclusions emerging from these analyses are discussed. Proposing a critical reflection on the impartiality required in ERC, empirical results are clarified by theoretical analyses, which also aids in understanding the issue in fields where similar professional challenges are faced. The first outcome indicates that personal or professional variables in teachers have no influence on their understanding and implementation of the professional impartiality required in ERC. The second emphasizes the existence of polysemy and conceptual confusion concerning the terms neutrality, impartiality and objectivity, in teachers’ minds as well as in literature. In this regard, this dissertation suggests some useful paths of clarification. Next, based on a typology of impartiality developed in the first section, the third result explains that absolute or ‘axiological’ impartiality is generally rejected. The fourth conclusion reminds us that the idea of critical distance proves to be the foundation of the impartiality required in ERC. The fifth outcome demonstrates the differences between religious and ethical impartiality, with issues of religious indoctrination and the expression or non-expression of personal religious beliefs dominating the issue of impartiality. Finally, the sixth result summarizes the numerous difficulties associated with the requirement of intervening in accordance with program goals, as these goals refer to concepts that teachers find to be polysemous and vague

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