Cette thèse s’intéresse à l’alimentaire en tant que discours social du « comment se nourrir » se déployant avec une intensité toute particulière dans l’actuel régime de gouvernement de libéralisme avancé. Elle propose plus spécifiquement de penser cette intensité comme participant d’un investissement de l’alimentaire en tant que lieu privilégié dans la production d’articulations du rapport à soi (relation éthique à soi-même) et d’une citoyenneté comprise en termes d’abord normatifs. Cette productivité est mise en évidence par le biais d’une « exemplification » des ensembles de régularités des discours alimentaires contemporains qui s’avèrent les plus saillants quant à leurs effets de citoyenneté.
Le premier de ces ensembles est abordé à travers une analyse de la campagne de réforme des habitudes alimentaires des écoliers britanniques Jamie’s School Dinners, considérée en tant qu’exemple des discours tendant aujourd’hui à faire d’une certaine culture alimentaire un enjeu de citoyenneté culturelle. Je m’intéresse dans un second temps aux dynamiques qui s’opèrent dans Mettez le Québec dans votre assiette!, une campagne sociétale en faveur de l’alimentation locale qui m’apparait exemplaire de la production contemporaine du « manger local » en tant qu’expression de confiance et de patriotisme envers une nation définie par ses terroirs. Finalement, je me tourne vers l’ouvrage In Defense of Food. An Eater’s Manifesto de Michael Pollan en tant qu’exemple de coprésence des deux ensembles de régularités discutés précédemment et d’un troisième (le « nutritionnisme ») que j’analyse en tant que réarticulation du discours de devoir de santé de la science nutritionnelle.
Cette thèse se conclut sur une discussion de quelques-uns des effets de cette coprésence et des citoyennetés alimentaires qu’elle informe. Je m’attarde plus spécifiquement à la politique des plaisirs qui traverse ces citoyennetés, une politique se déployant sur le mode de l’anxiété (face à un futur incertain) et selon une logique générationnelle par laquelle les espaces de la nation et de la famille se trouvent simultanément investis.This dissertation examines food and eating as a social discourse on “what to eat” that unfolds with a remarkable intensity within the current advanced liberal regime of government. More specifically, I propose to conceive of this intensity as participating of an investment of food and eating as a privileged site in the production of articulations of the ethics of the care of the self (ethical self-formation) and of a normative understanding of citizenship. This productivity is put forth by means of an “exemplification” of clusters of regularities in food and eating discourses that appear to be the most prominent in terms of their effects of citizenship.
The first of these clusters is explored through an analysis of Jamie’s School Dinners, a campaign for a reform of the British school dinner system that I consider exemplary of discourses that are currently positing (a specific) food culture as an issue of cultural citizenship. I then look at some operations at play in Mettez le Québec dans votre assiette!, a social marketing campaign in favour of local food that, I contend, is exemplary of the contemporary production of “local eating” as an expression of trust and of patriotism toward a nation defined by its terroirs. I finally turn to Michael Pollan’s book In Defense of Food. An Eater’s Manifesto as an example of co-presence of the two clusters of regularities already discussed and a third one (“nutritionism”) that I regard as a rearticulation of the “duty to be well” put forth by nutritional science. This dissertation concludes on an examination of some of the effects of this co-presence and of the food citizenships that it informs. More specifically, I argue that these citizenships are pervaded by a politics of pleasure which works through anxiety (toward an uncertain future) and according to a generational logic which unfolds simultaneously in the space of the nation and in that of the family