Poirier, Diane

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Nuées et équivalences :passerelles entre les arts photo #11in-folioDiane Poirier, 2017Tous droits réservés, images et textes.Aucune reproduction sans la permission explicite de l’auteur.Imprimé à Montréal (Québec, Canada), 2017.Photo en page couverture : Nuées en réflexion, 2015© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 3Équivalences : passerelles entre les artsAlfred Stieglitz (1864-1946) initia, à partir de 1922, une série de photographies de nuages qu’il intitula d’abord Music : a sequence of ten clouds photographs, puis Songs of the sky. Il poursuivit cette série durant plus de dix ans (des centaines de photos), et en mo-difia le titre définitif pour Equivalents. Ces photos en noir et blanc et subtiles nuances de gris, jeux vaporeux d’ombres et lumières, découpent leur pan de ciel nuageux sans aucune référence à la terre ou à un horizon. Elles peuvent être accrochées et regardées dans n’importe quel sens. Stieglitz visait à amener la photographie sur le plan de l’ex-pressivité pure, à la manière de la musique, tout comme tentait de le faire la peinture abstraite à la même époque.Un article de Minor  White (1908-1976) analyse avec beaucoup de profondeur le sens et l’impact du concept d’équivalence pour la reconnaissance de la photographie comme un médium d’expression artistique et créative de l’intangible, par opposition à un médium de reproduction objective du réel. La photographie transmet une expé-rience visuelle qui peut avoir fonction de symbole ou de métaphore pour quelque chose d’autre que le sujet photographié. Si le regardeur réalise que cette image peut correspondre à un état intérieur, il expéri-mente un certain degré d’équivalence avec l’expérience du photographe qui s’y trouve comme encapsulée. La photographie est source de stimulation qui agit sur l’esprit du regardeur, tout comme elle a imprégné l’esprit du photographe. En termes psycho-logiques, on dirait qu’il y a projection et empathie. Dans le monde de l’art, on dirait qu’il s’agit du pouvoir expressif des formes. En littérature, on y associerait une valeur poétique. Les photographies dont on ne reconnaît pas ou peu le sujet (par le flou, © Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 4le pictorialisme ou la décontextualisation par exemple) s’y prêtent davantage. White aborde le continent spirituel et propose le terme « vision » pour une photographie qui porte « not only sight, but insight ». La photo-graphie est un miroir que l’on peut traverser pour une syntonisation avec le monde inté-rieur. La photographie est alors catalyseur, non pas tant d’une expression de soi ou d’une recherche de soi, mais d’une révéla-tion de soi.Il n’est pas exagéré d’escompter « une révé-lation de soi ». Je suis la première à le recon-naître lorsque je regarde mes photos, car je suis alors dans un état d’esprit différent du moment de la prise de vue. J’en suis sou-vent étonnée et cela m’apprend un peu de ce que je suis quand je suis sans filtre et captivée par une image dans laquelle une partie de moi s’est projetée. L’image, oui, a une certaine relation d’équivalence avec un état intérieur.Je pensais avoir compris le concept d’équi-valence, jusqu’à ce que je rencontre cette citation du compositeur Giacinto  Scelsi (1905-1988) : Il est curieux de voir […] la disparition par-allèle et progressive du sujet en peinture et du thème en musique; ou le concept d’équivalence (espace inclus espace exclu) en peinture et l’importance égale de la note et de la pause (le vide et le plein), pour arriver, ensuite, au concept de l’espace intégral ou de la surface blanche ou noire en peinture, et du silence en musique ; ou encore des collages où tout est rassemblé : journaux, affiches, réclames, bouts de per-sonnages nus et paysages, alors que dans la musique sont unis, ou superposés, les bruits de la rue, la radio, bouts de mélodie, paroles bruits de machines.Que peut-il bien vouloir dire par «  espace inclus espace exclus  » ? Est-ce, par analo-gie avec «  le vide et le plein  », de donner une importance équivalente entre forme et fond ? On pourrait comprendre que les différents plans sont équivalents (pas de sujet principal). Le tableau – et il en serait de même pour une photographie – ne com-munique que par ses propres moyens, sans faire appel à des éléments extérieurs, qu’ils soient d’ordre narratif ou figuratif.Les photos que je regroupe dans le présent fascicule ne répondent certainement pas toutes au concept d’équivalence, mais le thème Nuées sous lequel je les regroupe m’a incitée à revisiter les Equivalents nuageux de Stieglitz qui ont posé un jalon important dans l’histoire de la photographie.Suite du texte page 20...© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 5Nuée soulignée, 2015© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 6Nuée bleue au carré, 2012© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 7Nuée rouge tombée, 2014© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 8Nuée filante, 2013© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 9Nuée giratoire, 2011© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 10Nuée portée, 2011Peter Doig, Mal d’estomacPiet Mondrian, Nuage rouge© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 11Nuée portée roseJ’ai été fort impressionnée par le tableau de Peter Doig, vu au Musée des beaux -arts de Montréal. Et peut-être Doig a-t-il lui-même été inspiré par d’autres comme le Nuage rouge de Mondrian. C’est probablement ce qui m’a incitée à modifier ma photo originale vers celle-ci. Au fi-nal, je n’arrive plus à choisir entre les deux versions de ma photo : Nuée portée ou Nuée portée rose.© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 12Mur aveugle, 2011© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 13Mur aveugle et admoniteurEn réponse aux regardeurs qui se sont exclamés : mais pourquoi donc avoir ajouté ce chien ? qu’est-ce qu’il fait là ? qu’est-ce que cela peut bien ajouter à cette photogra-phie ? En peinture [Renaissance: Alberti, Titien], l’admoniteur est le personnage qui regarde, apostrophe le spectateur et l’invite à participer au tableau. (Wiktionaire)© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 14Nuée sublimée, 2017En physique, le terme « sublimation » désigne un phénomène de changement d’état de la matière qui passe de l’état solide à l’état gazeux, sans passer par la phase intermédiaire liquide.© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 15Nuée escarpée, 2017Serait-ce trop escarpé de prétendre que la photographie opère une « sublimation » en réalisant une image à partir de lumière et d’idées ?© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 16Poème fondant, 2017© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 17Poème levant, 2015© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 18Nuée annotée, 2015© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 19Nuée annotée bis, 2015© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 20Notes et références bibliographiques :Mary Warner Marien, 100 idées qui ont transformé la photographie.  Seuil, 2012. Idée #58 : « Le silence musical des nuées : Les Équivalents ».Minor White, « Equivalence : the perennial trend », PSA Journal, 1963, vol.9, no 7, p. 17-21. http://www.jnevins.com/whitereading.htmGiacinto Scelsi, « Art et connaissance » (transcription de conversations entre Scelsi et des amis, vers 1953-54) paru dans Les anges sont ailleurs, Actes Sud, 2006, p. 209.David Travis, «A mind among the clouds, Alfred Stieglitz‘s Equivalents photographs», in At the edge of the light : thoughts on photography and photographers. Ed David R. Godine, 2003, p. 135.The abstraction in these photographs that was so seductive for Stieglitz was not just a matter of aesthetics or the influence of style. At first, it was part of a rhapsodic discovery and then a necessary component of his need for self-reflection. The abstract character of the Equivalents gives them a wide latitude to contain other things, things that are difficult to translate from the medium of pictures to the medium of words.Vik Muniz, Equivalents (MOMA), transcription d’une vidéo en ligne.https://www.khanacademy.org/partner-content/moma/seing-through-photographs/photography/v/vik-muniz-equivalents-the-museum-of-modern-artYou’re not just looking at something, you’re actually thinking about the way you’re looking at something. […] When you think of photographs as processes, not as products, you start really understanding what they really mean.© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 21Nuée d’harmoniques, 2015© Diane Poirier, 2017 In-folio photo # 11 page 22Monolithe de lumière, 2016In-folio photo est une collection de fascicules d’accompagnement à mes séries de photographies. Leur parution est irrégu-lière. Pour en permettre une diffusion à coût raisonnable, l’impression n’y est pas de qualité archive. Dans tous les cas, les photographies originales sont de bien meilleure qualité, ap-parence et permanence. Le fascicule permet toutefois de situer chacune de mes estampes numériques dans un contexte plus large, en y juxtaposant des textes et d’autres images ap-parentées. Au fil du temps, les In-folio photo permettront de retracer l’évolution de l’artiste ou ses circonvolutions.Les estampes numériques originales de la série Nuées sont disponibles sur demande.Diane Poirier est née à Montréal où elle vit et travaille. Sa pratique artistique privilégie la photographie, l’écriture, la relation texte - image. « C’est par la photographie artistique et l’écriture que je choisis de distiller, de façon originale et décloisonnée, ce qui m’anime profondément : l’être-au-monde, la conscience humaine, le face-à-face entre l’observateur et l’objet de son observation, les questions bien posées. »crédit photo : Pierre Tousignantinfo @ DianePoirier.ca514 843-4843

In-folio photo #11 : nuées et équivalences : passerelles entre les arts

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