Mouvements collectifs et plasticité phénotypique : étude du polyphénisme de phase des locustes à plusieurs échelles spatio-temporelles

Abstract

Phase polyphenism is an extreme form of density-dependent phenotypic plasticity expressed by about 20 species of grasshoppers of the Acrididae family, named locusts. Locusts present two extreme phenotypes: the "solitarious phase" and the "gregarious phase", showing very different characteristics. The two phases are distinguished in particular by their way of life: solitarious locusts will adopt a sedentary and cryptic behaviour, while the gregarious ones will gather and move in a coordinated way over long distances, as devastating bands of nymph or swarms of imagos. In this thesis, we focus on this particular aspect of phase polyphenism: the collective movements of gregarious individuals, which we will study under different spatio-temporal scales. The first part of this thesis aims to explore the impact of spatial variability of resources on collective foraging at a short spatiotemporal scale, corresponding to the distance covered by a gregarious nymphs band in a few hours of walking (< 100 m). For this purpose, we developed an agent-based model, allowing to represent local interactions between individuals and with vegetation, at a temporal scale of 10s. On a large variety of landscapes, we studied under which conditions the group will have an advantage over solitarious nymphs in terms of foraging. Our results highlight the importance of alignment within the band to optimize foraging, and show that certain landscapes where the resource is aggregated and sparse (occupying less than 40% of space) favor gregarious individuals. A second part explores the hypothesis of an attractive effect of faeces on gregarious locusts, which could notably allow gregarious nymphs that got lost to easily find the group's trace. Such an effect could ensure a better cohesion of the group on a larger spatio-temporal scale (of the order of the day, for a distance higher than 100m). To this end, we performed behavioural olfactory assays in the laboratory on L3-stage nymphs of the desert locust, Schistocerca gregaria, in the presence of faeces from several age classes (1h or 24h). We also performed chemical analyses (GC-MS) to explore which volatile organic compounds were emitted from nymphs faeces. Our results show an attractive effect of the 1h and 24h faeces on the nymphs, suggesting that the effect could last for at least one day and thus allow latecomers individuals to find the group's trace. Finally, we discuss the possible implications of these results in the context of the emergence of locusts' phase polyphenism, and prospects for future studies on the subject at higher spatiotemporal scales. Given our modeling results, and knowing that a variable environment favors the emergence of phenotypic plasticity, resource variability could be one of the factors favoring the emergence of phase polyphenism. Evolutionary optimum models could demonstrate the benefits of polyphenism, allowing to live isolated or in groups according to the variability of the resources. Demogenetic agent-based models would allow to study the influence of spatial and temporal variability of the resource on the emergence and evolution of phase polyphenism, through the locust gregarization threshold. Taking into account the attractive effect of feces, ensuring better group cohesion, could have implications on the results of such a model. This future work would test whether the evolution of phase polyphenism results from interactions at varying spatiotemporal scales.Le polyphénisme de phase est une forme extrême de plasticité phénotypique densité-dépendante exprimée par une vingtaine d'espèces de criquets de la famille des Acrididae, nommées locustes. Les locustes présentent deux phénotypes extrêmes : la "phase solitaire" et la "phase grégaire", possédant des caractéristiques très différentes. Les deux phases se distinguent notamment par leur mode de vie : les locustes solitaires vont adopter un comportement sédentaire et cryptique, tandis que les grégaires vont se rassembler et se déplacer de manière coordonnée sur de longues distances, sous forme de bandes de larves ou d'essaims d'imagos dévastateurs. Dans cette thèse, nous nous intéressons à cet aspect particulier du polyphénisme de phase : les mouvements collectifs des individus grégaires, que nous étudierons sous différentes échelles spatio-temporelles. Une première partie de ces travaux de thèse vise à explorer l'impact de la variabilité spatiale de la ressource sur la recherche collective de nourriture à une échelle spatio-temporelle courte, correspondant à la distance parcourue par une bande larvaire grégaire en quelques heures de marche (< 100 m). Pour cela, nous avons développé un modèle à base d'agents, permettant de représenter les interactions locales entre individus et avec la végétation, à une échelle temporelle de l'ordre de 10s. Sur une grande variété de paysages, nous avons étudié sous quelles conditions le groupe sera avantagé par rapport à des larves solitaires en terme de recherche de nourriture. Nos résultats soulignent l'importance de l'alignement au sein du groupe pour optimiser la recherche de nourriture, et montrent que certains paysages où la ressource est agrégée et peu abondante (occupant moins de 40% de l'espace) avantagent les grégaires. Une seconde partie explore l'hypothèse d'un effet attractif des fèces sur les locustes grégaires, qui pourrait notamment permettre aux larves grégaires s'étant perdues de retrouver facilement la trace du groupe. Un tel effet pourrait assurer une meilleure cohésion du groupe sur une échelle spatio-temporelle plus grande (de l'ordre de la journée, pour une distance supérieure à 100m). Pour cela, nous avons réalisé des tests olfactifs comportementaux en laboratoire sur des larves au stade L3 du criquet pèlerin, Schistocerca gregaria, en présence de fèces de plusieurs classes d'âge (1h ou 24h). Nous avons également effectué des analyses chimiques (GC-MS) afin d'explorer quels composés organiques volatils étaient émis par les fèces de larves de locustes. Nos résultats montrent un effet attractif des fèces de 1h et de 24h sur les larves, suggérant que l'effet pourrait durer au moins sur une journée et ainsi permettre à des individus retardataires de retrouver la trace du groupe. Nous discutons enfin des implications possibles de ces résultats dans le contexte de l'émergence du polyphénisme de phase des locustes et des perspectives pour de futures études sur le sujet. Au vu de nos résultats de modélisation, et sachant qu'un environnement variable favorise l'apparition de plasticité phénotypique, la variabilité de la ressource pourrait être un des facteurs favorisant l'émergence du polyphénisme de phase. Des modèles d'optimum évolutif pourraient démontrer l'intérêt du polyphénisme, permettant de vivre isolé ou en groupe en fonction de la variabilité de la ressources. Des modèles à base d'agent démogénétique permettraient d'étudier l'influence de la variabilité spatiale et temporelle de la ressource sur l'émergence et l'évolution du polyphénisme de phase, au travers du seuil de grégarisation des locustes. La prise en compte de l'effet attractif des fèces, assurant une meilleure cohésion du groupe, pourrait avoir des implications sur les résultats d'un tel modèle. Ces futurs travaux permettraient de vérifier si l'évolution du polyphénisme de phase résulte d'interactions à des échelles spatio-temporelles variables

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