La marchandisation des connaissances a été très étudiée sous le prisme de la relation science-industrie et du commerce que les scientifiques entretiennent avec des organisations extra-académiques mais la contribution de l’infrastructure de publication au développement d’une économie de la connaissance reste peu travaillée sous cet angle dans la littérature académique. Si de nombreux travaux et textes d’opinion ont documenté le double mouvement du passage de la presse écrite vers les médias électroniques dans les années 1990, qui s’est accompagné de la mise en place d’un marché des revues de plus en plus concentré, dominé par une poignée de grands publishers à but lucratif, la question du commerce des revues dans des sciences où les « entreprises d’édition » émanent de sociétés savantes disciplinaires, qui ne sont pas des sociétés commerciales, reste un point aveugle de l’analyse. C’est également le cas des politiques publiques visant à transformer le système de publication scientifique comme l’Open Science, pour lesquelles l’imposition du mandat est considérée plus importante que la pratique disciplinaire. Pourquoi, quand et comment des communautés de chercheurs ont-elles délégué l’infrastructure de publication au marché ? En retour, qu’est-ce que la marchandisation de la publication fait à la science, à ses pratiques, aux formats des articles et des revues qui circulent dans ces communautés ?Empruntant à l’histoire de l’édition, aux STS et à la sociologie économique, la thèse propose quatre récits socio-historiques qui considèrent l’infrastructure de publication dans sa dimension économique et prennent le complexe (revue-société savante-conférence disciplinaire) comme objet de recherche. Elle traite du cas de la chimie, une discipline organisée selon un vaste « rhizome », dont l’infrastructure de publication repose sur des normes et conventions professionnelles où l’article est, avec le brevet, le principal type de publication. Elle repose sur une combinaison de méthodes sociologiques et historiques dans une approche multisites et adopte une perspective relationnelle qui examine les logiques et les pratiques d’acteurs dans la construction sociale du marché. La thèse insiste sur les dynamiques diverses et sur le caractère collectif, distribué et multifacettes des processus. S’appuyant sur le concept d’agencement marchand développé par Michel Callon, elle souligne le caractère paradoxal d’une situation où, afin de régler un problème de transactions internes (circulation de la connaissance, traçabilité de la reconnaissance scientifique...) les communautés de chercheurs ont délégué l'infrastructure de publication à des agencements marchands qui eux-mêmes agissent et sont ainsi le produit des stratégies scientifiques qu'ils contribuent à transformerThe marketization of knowledge has been extensively studied through the prism of the science-industry relationship and the trade that scientists have with extra-academic organizations, but the contribution of the publishing infrastructure to the development of a knowledge economy remains less explored from this angle in the academic literature. While many works and opinion pieces have documented the dual movement from print to electronic media in the 1990s, which was accompanied by the establishment of an increasingly concentrated journal market dominated by a handful of large, for-profit publishers, the question of the journal business in sciences where "publishing enterprises" emanate from disciplinary scholarly societies, which are not commercial companies, remains a blind spot in the analysis. This is also the case for public policies that aim at transforming the scientific publishing system, such as Open Science, where the imposition of mandate is considered more important than disciplinary practices. Why, when and how have communities of researchers delegated the publishing infrastructure to the market? In turn, what does the marchandization of publication do to science, its practices, and the formats of articles and journals that circulate in these communities?Borrowing from the history of scientific publishing, STS and economic sociology, the thesis proposes five socio-historical narratives that consider the publication infrastructure in its economic dimension and take the complex (journal-scholarly society-disciplinary conference) as the object of research. It deals with the case of chemistry, a discipline organized in a vast "rhizome", whose publication infrastructure is based on professional norms and conventions where the article is, along with the patent, the main type of publication. It relies on a combination of sociological and historical methods in a multi-site approach and adopts a relational perspective that examines the logics and practices of actors in the social construction of the market. The thesis emphasizes the diverse dynamics and the collective, distributed and multifaceted nature of the processes. Drawing on the concept of market-agencement developed by Michel Callon, it highlights the paradoxical nature of a situation where, in order to solve a problem of internal transactions (circulation of knowledge, traceability of scientific recognition...), communities of researchers have delegated the publication infrastructure to market-agencements which themselves act and are thus the product of the scientific strategies they help to transfor