La résistance bactérienne aux antibiotiques est un problème majeur tant pour la santé humaine que pour la santé animale. Ses origines sont anciennes et son évolution est inévitable. De nombreux facteurs ont été mis en évidence, qui contribuent à l’évolution de ce phénomène, impliquant autant le réservoir humain que les réservoirs environnemental et animal. De plus, les éléments génétiques mobiles facilitent la propagation des gènes de résistance dans les populations bactériennes.Pendant ma thèse, j’ai conduit l’analyse moléculaire de la résistance aux macrolides et à la tétracycline dans plusieurs espèces de Streptococcus, et particulièrement la caractérisation de l’environnement génétique des gènes appartenant aux familles mef(E), erm(B) et tet(M) dans une souche clinique de Streptococcus salivarius. Le gène mef(E) était localisé sur un élément génétique non-conjugatif MEGA (Macrolide Efflux Genomic Assembly) et les gènes erm(B) et tet(M) co-localisés sur le transposon composite Tn3872, de la famille Tn916, un élément intégratif et conjugatif. Ce dernier et/ou les recombinases propres de l’hôte ont permis la transmission de l’élément MEGA par conjugaison à une souche receveuse de Streptococcus pneumoniae. De façon très surprenante, nous avons retrouvé et analysé l’élément MEGA dans des espèces à Gram négatif très éloignées tel que Haemophilus influenzae. Récemment nous avons caractérisé un autre élément génétique qui porte des gènes donnant de hauts niveaux de résistance à la gentamicine chez des souches de Streptococcus dysgalactiae sbp. equisimilis isolées de cheval. Cet élément génétique était capable de transférer chez une souche receveuse de Streptococcus agalactiae, une espèce pathogène pour l’Homme. Toutes ces expériences suggèrent que la formation des éléments génétiques composites contribue au développement de la multi-résistance dans les pathogènes à Gram positif et que la diffusion de ces résistances peut se faire à une très large échelle.A la suite de mon travail de thèse et en considérant l’importance de l’environnement dans le développement et la diffusion de la résistance aux antibiotiques, j’ai rejoint comme PostDoc le Département d’Hydrobiologie à l’Université de Dresde en Allemagne. Mon activité a été conduite au sein du projet IWAS (International Water Alliance Saxony) avec pour objectifs d’améliorer i) l’accès à l’eau potable pour la population et ii) les sources d’eau douce et la gestion des eaux usées en Ukraine, pays sélectionné dû à la faible qualité de ses eaux douces et parce que candidate à devenir membre de l’UE, et devant donc se conformer aux critères Européens de qualité de l’eau. Nous avons analysé la qualité de l’eau de la rivière Bug. Un de ses affluents majeurs est la Poltva, qui prend naissance dans L’viv, recevant ses eaux usées.Nous avons évalué des paramètres biochimiques, physiques et microbiologiques en association avec l’analyse phénotypique et moléculaire de la résistance aux antibiotiques chez des bactéries à Gram négatif. Une haute charge de pollution organique était présente dans la rivière Bug quiprovenait de la Poltva. Nous avons trouvé un profil liant une basse qualité de l’eau et la présence de souches multi-résistantes et avons retracé la source de pollution ainsi que la dissémination de clones d’Escherichia coli multi-résistants aux antibiotiques. Le transfert horizontal de gènesde résistance a également été obtenu in vitro à partir d’une souche isolée de la rivière. Cette étude suggère que les sites particulièrement pollués sont une source non seulement de polluants connus mais aussi de bactéries multi-résistantes, capable de disséminer par clonalité maiségalement en transférant horizontalement leurs gènes de résistance.A la suite de ce PostDoc, je me suis engagée à l’Université de Berne en Suisse, dans le département de maladies infectieuses, dans le cadre de RadarGo, projet consistant à élaborer un test de diagnostic moléculaire pour la détection de Neisseria gonorrhoeae et la prédiction de larésistance aux antibiotiques associée. En parallèle de ce projet, j’ai eu l’opportunité de mener plusieurs projets visant à étudier la dissémination et l’épidémiologie de bactéries pathogènes humaines et leurs mécanismes de résistance aux antibiotiques. En collaboration avec l’Institut de Bactériologie Vétérinaire de la Faculté VetSuisse, nous avons trouvé des échantillons de viande vendus en Suisse contaminés par Acinetobacter baumannii. Cette bactérie pathogène opportuniste pour l’Homme, connue pour sa capacité à développer des multi-résistances aux antibiotiques, cause des infections sévères avec un choix thérapeutique limité. Le typage moléculaire de ces souches a montré que les isolats retrouvés dans la viande appartenaient au même complexe clonal que des isolats provenant de patients et présentant des résistancesmultiples aux antibiotiques. Ces résultats suggèrent ainsi que les aliments, la viande crue en l’occurrence, peuvent servir de réservoir de pathogènes humains.J’ai ensuite continué cet axe de recherche au laboratoire de l’ANSES-Lyon. Actuellement, une étudiante en thèse que je codirige est en charge d’un projet visant à analyser les relations phylogénétiques des souches d’A. baumannii retrouvées dans la nourriture avec celles responsables d’infections chez l’Homme. Ainsi, les mécanismes typiques d’adaptation au milieu hospitalier comme la capacité à acquérir des gènes de résistance, à résister aux biocides et à former du biofilm seront étudiés. A l’ANSES-Lyon je participe à l’activité de surveillance moléculaire des bactéries résistantes aux antibiotiques, en particulier d’Acinetobacter spp., chez les animaux malades et participe à la caractérisation moléculaire de gènes de résistance dans divers organismes. J’ai également initié des investigations au travers de l’encadrement de deux étudiants en thèse pour comprendre l’impact des antibiotiques sur la composition du microbiote ,intestinale des animaux et leur capacité à sélectionner des bactéries résistantes. Ces connaissances sont importantes pour continuer à connaitre les fonctions du microbiote et les protéger. Mieux connaitre les mécanismes de sélection par les thérapies antibiotiques dans lemicrobiote contribuera à définir des choix thérapeutiques efficaces et limitant la propagation de gènes de résistance au sein de celui-ci et dans l’environnement