Nous rapportons un cas inhabituel d’incidentalome surrénalien compliqué d’un état de choc après surrénalectomie lors d’une intervention pour néoplasie du bas rectum ; qui s’est avéré être un phéochromocytome. Ainsi, cette observation montre la nécessité d’une exploration hormonale systématique de tout incidentalome surrénalien , afin d'éviter tout incident pouvant être fatal 

ACHILI, F.

BOUZID, C

BRAHIMI, A

HADID, T

YAHIA, S

YANINA, K

ZAIDAT, L

English

Scientific Journals of University Amar Telidji - Laghouat

97 Avicenna Medical Research vol 02, issue 03 (2023): 97-101 Phéochromocytome de découverte fortuite (à propos d’un cas) F.ACHILI (1) - L.ZAIDAT (1) - S.YAHIA (1) - K.YANINA (1)- A.BRAHIMI (1) -T.HADID (1) -C.BOUZID (2)(1): Service d’Anesthésie Réanimation  (2):Service de chirurgie oncologique CLCC université MM TO CLCC Draa Ben Khedda wilaya de Tizi Ouzou   Résumé Nous rapportons un cas inhabituel d’incidentalome surrénalien compliqué d’un état de choc  après  surrénalectomie lors  d’une intervention pour néoplasie du bas rectum ; qui s’est avéré  être un phéochromocytome. Ainsi, cette observation montre la nécessité d’une exploration hormonale systématique de tout incidentalome surrénalien , afin d'éviter tout incident pouvant être fatal .                                                                                   Mots clés : incidentalome surrénalien, surrénalectomie, état de choc,  rectum, phéochromocytome. Introduction l’incidentalome surrénalien, désigne toute masse surrénalienne supérieure à 1 cm, découverte fortuitement lors d’un examen d’imagerie : tomodensitométrie (TDM), IRM, échographie, demandé pour une autre raison que l’exploration de la surrénale.                                                                                En raison des progrès technologiques en radiologie, de la meilleure disponibilité et de l’utilisation  fréquente des examens de type TDM ou IRM, la prévalence des incidentalomes découverts du vivant des patients ne cesse de croître (1,2). Les incidentalomes surrénaliens, correspondent dans près de 79 % des cas à des adénomes bénins cortico-surrénaliens non sécrétants ou infra cliniques et dans des cas rares ils peuvent être secrétants comme dans le cas du phéochromocytome (3 et 10 %) (1,2). La recherche d’un phéochromocytome même asymptomatique est primordiale chez chaque sujet avec un incidentalome surrénalien en raison de son potentiel létal. A noter que seulement environ 50% des sujets avec un phéochromocytome ont une hypertension constante (3).  Le but de ce travail est d’insister sur l’intérêt d’explorer toute masse surrénalienne de découverte fortuite afin d’éviter tout incident pouvant être mortel. Observation : C’est  la patiente M.F âgée de 57 ans sans antécédent médico-chirurgical, admise au service de chirurgie oncologique pour prise en charge d’un adénocarcinome du bas rectum.  La consultation pré anesthésique  retrouve une patiente sans antécédent médico-chirurgical, en bon état général avec un indice de masse corporelle a 19,4 ; légèrement pâle et la patiente a bénéficié de 28 séances de radiothérapie avant le geste chirurgical. L’examen cardiovasculaire et pleuro pulmonaire était sans particularités. Le scanner  thoraco abdomino pelvien  datant de deux mois avant l’intervention retrouve un nodule surrénalien  gauche  de  31x24 mm à rehaussement hétérogène délimitant un centre hypodense ainsi qu’une formation nodulaire médiastinale antérieure rétro sternale de 28x19 mm  et un nodule thyroïdien isthmo - lobaire gauche de 18 mm Les examens biologiques  standards ainsi que le dosage des hormones thyroïdiennes étaient sans anomalies.     Au bloc opératoire, patiente installée en Avicenna Medical Research vol 02, issue 03 (2023): 97-101 99 décubitus dorsal strict, sous monitorage non invasif (ECG, TA, FC, SPO2, T°) avec tension artérielle (TA) de départ à 120/75 mm hg.                                                                    Une anesthésie générale  a été réalisée par (Diprivan° 250 mg, Fentanyl 300 mcg et vécuronium 5 mg) ; puis intubation trachéale avec sonde N° 07 et ventilation en mode contrôlé. L’entretien  anesthésique était assuré par du sévoflurane 2 %, réinjections de curares et l’analgésie par lidocaïne + magnésium + kétamine + dexaméthasone à la seringue électrique . Le geste chirurgical  prévu était une amputation abdomino périnéale. En fin d’intervention, le chirurgien  change de stratégie et sans aviser l’anesthésiste décide de réaliser une surrénalectomie gauche persuadé qu’il s’agissait  d’un nodule métastatique .                                                                               A la  fermeture , la patiente présente un tableau brutal d’état de choc avec (TA : 60/40 mm hg) non expliqué par les pertes sanguines per opératoire (environ 400 ml) .Réfractaire au remplissage par cristalloïdes( 1 litre) et aux bolus d’éphédrine ; on décide alors de mettre des drogues vasopressives                           ( noradrénaline : 0,5 microg /kg/min) et  un bolus intraveineux de 200 mg d ’ hémisuccinate d’ hydrocortisone (HSHC) avec contrôle rapproché de la pression artérielle ( toute  3 minutes ) . Patiente extubée sur table opératoire , après stabilité tensionnelle  et gardée en salle de soin post interventionnelle sous surveillance  stricte de la  tension artérielle ,  saturation en oxygène , glycémie , diurèse , état de conscience , et de la température .Une gazométrie sanguine  a été faite sur prélèvement artériel confirmant l’état de choc avec une lactatémie à 2,6 mmol/l (tableau 1 ). Ph Pco2 Po2 Hb K+ Na+ Glu Lac Base Hco3 7,337 40,5 mmhg 100 mmhg 13 g/dl 4,4 mmol/l 137 mmol/l 1,05 g/l 2,6 mmol/l -3,7mmol/l21 ,2 mmol/l  (tableau 1) Les suites opératoires étaient marquées par, une asthénie profonde, des épisodes d’hypoglycémie, et l’installation d’une insuffisance rénale fonctionnelle. Ainsi le diagnostic de l’insuffisance surrénalienne aiguë a été évoqué et  une cortisolémie a été demandée,  revenue normale 15,29 ug/dl (6,4 – 21,0). Le reste  du bilan biologique était sans anomalies. Le sevrage de La noradrénaline  fait à J 03 post opératoire avec dégression de l’hydrocortisone et le sevrage à J 05. Après une vingtaine de jours, l'étude anatomopathologique de la masse surrénalienne est revenue en faveur d’un phéochromocytome. Patiente revue, en consultation en bon état général et  normotendue.                                                                               Quatre ans après, la patiente décède des suites de son cancer par métastases pulmonaires  Discussion :  L'incidentalome surrénalien est une masse surrénalienne, généralement de 1 cm ou plus dans son grand axe, découverte fortuitement lors d'un examen réalisé pour une raison autre que l'évaluation des glandes surrénales. Sa prévalence, issue de très grandes séries d’autopsies ou d’imagerie, est d’environ 5 % dans la population générale (4) et son incidence augmente avec l’âge, de 1 % avant 30 ans à 7 à 10 % au-delà de 70 ans (5).    Lors de la découverte fortuite d’une masse surrénalienne, le diagnostic différentiel se pose entre des lésions bénignes, malignes, sécrétantes et non sécrétantes (6). Le phéochromocytome est une tumeur rare composée de cellules chromaffines sécrétant defaçon excessive des catécholamines de façon continue ou discontinue (7). C’est une tumeur qui reste parfaitement asymptomatique dans 10 % des cas environ, bien qu’elle soit parfois Avicenna Medical Research vol 02, issue 03 (2023): 97-101 100 sécrétante (8). Le caractère silencieux de ces formes peut être expliqué par une sécrétion d’adrénaline prédominante ou par une forte capacité métabolique plutôt intra-tumorale.  Dans une étude rétrospective menée sur 298 patients italiens atteints de phéochromocytome, 11,2 % des tumeurs ont été diagnostiquées fortuitement, et parmi celles-ci, 62,5 % étaient normo tendues (9).                                                                               Bon nombre de phéochromocytomes restent méconnus et sont de découverte per opératoire, à l'occasion de troubles cardiovasculaires graves pouvant mettre en jeu le pronostic vital (10,11). Plusieurs facteurs peuvent déclencher ces accidents: l'induction anesthésique, l'intubation trachéale, l'incision chirurgicale, la manipulation tumorale, enfin tout facteur pouvant stimuler la sécrétion des catécholamines. Les complications cardiovasculaires survenant pendant la période opératoire sont dominées par les poussées hypertensives, les troubles du rythme et la défaillance cardiaque, surtout lors des accès hypertensifs voire un état de choc après l'exérèse de la tumeur (12).                     Les  phéochromocytomes représentent des défis de gestion importants pour l'anesthésiologiste. D'un point de vue hémodynamique, peu d'autres situations cliniques présentent une situation plus complexe et potentiellement mortelle, en particulier lorsqu'elles ne sont pas diagnostiquées (13). Cette dernière situation peut précipiter une crise hypertensive, qui peut mettre la vie en danger, avec une mortalité publiée de 80 % (14).  Dans  notre cas, le changement de la stratégie opératoire  et la décision de réaliser une surrénalectomie sur incidentalome non exploré et non  préparé, s’est compliqué d’un état de choc qui a failli être fatal pour la patiente . Donc, nous devons souligner d'une part l'importance du dépistage du phéochromocytome dans les tumeurs rétropéritonéales, et ceci par la réalisation d’un bilan hormonal minimal qui inclura : le test de freinage minute à la dexaméthasone, en vérifiant l’absence d’éléments interférant avec l’absorption de la dexaméthasone (neuroleptiques, chirurgie bariatrique ou gastrique); un dosage de la kaliémie ; de la glycémie à jeun et des métanéphrines plasmatiques ou urinaires pour éliminer un phéochromocytome (15) et d'autre part la prudence dans la manipulation de ces tumeurs tant que le diagnostic de phéochromocytome n'est pas éliminé .  D’ailleurs, la Société française d’endocrinologie a émis des recommandations,publiées en 2008, sur la prise en charge de l’incidentalome surrénalien (16).  Il est alors conseillé, devant toute masse surrénalienne suspecte  de reporter la chirurgie d'exérèse jusqu’à confirmation de sa nature et dans le cas où il s’agirait d’un phéochromocytome  cela permettra une préparation opératoire par les α 1 bloquants sélectifs ou les inhibiteurs calciques  pour prévenir des effets de la sécrétion des catécholamines ; ainsi qu’une prise en charge anesthésique minutieuse dans le but de diminuer  la morbi-mortalité péri opératoire (17). Conclusion : Le phéochromocytome est une tumeur souvent bénigne, mais  qui peut poser des problèmes peropératoire lors de la mobilisation tumorale voir extraction. Son diagnostic préopératoire est indispensable afin d’instaurer un traitement hypotenseur et de prévoir une bonne surveillance peropératoire. La gestion anesthésique des patients ayant un phéochromocytome est un challenge, particulièrement quand celui-ci n'a pas été diagnostiqué. Le dosage des dérivés méthoxylés urinaires ou plasmatiques doivent  par conséquent être demandés systématiquement devant toute masse surrénalienne. Référence : (1). Nih State-Of-The-Science Statement On Management Of The Clinically Inapparent Adrenal Mass (« Incidentaloma »).  Nih Consens State Sci Statements. 2002;19(2):1-25. Avicenna Medical Research vol 02, issue 03 (2023): 97-101 101 (2). Gaillard S, Meyer P. Incidentalome Surrénalien : Maladie Des Temps Modernes. Rev Med Suisse 2009 ; 5 : 774-8.                                                                                    (3). Mantero F, Terzolo M, Arnaldi G, Et Al. A Survey On Adrenal Incidentaloma In Italy. J Clin Endocrinol Metab 2000;85:637-44.).                                           (4).H. Song, F.S. Chaudhry, W.W. Mayo-Smith : The Incidental Adrenal On Ct: Prevalence Of Adrenal Disease In 1049 Consecutive Adrenal Masses In Patients With No Known Malignancy Ajr Am J Roentgenol, 190 (2008), Pp. 1163-1168. (5).M.A. Zeiger, G.B. Thompson, Q.Y. Duh, Et Al. The American Association Of Clinical Endocrinologists And American Association Of Endocrine Surgeons Medical Guidelines For The Management Of Adrenal Incidentalomas Endocr Pract, 15 (2009). (6).G.W. Boland, M.A. Blake, P.F. Hahn, W.W. Mayo-Smith Incidental Adrenal Lesions:Principles, Techniques, And Algorithms ForImaging CharacterizationRadiology, 249 (2008).(7). Proye C. Aspects Modernes De La Prise En Charge Des Phéochromocytomes Et Des Paragangliomes Abdomino Pelviens. Ann Chir 1998. (8 ).Amar L, Gimenez-Roqueplo AP, Hernigou A, Plouin F. Phéochromocytomes Traité d’Endocrinologie Médecine-Sciences Flammarion, 55. 2007 (P. 380–6).     (9). Mannelli M, Ianni L, Cilotti A, Conti A. Pheochromocytoma In Italy: A Multicentric Retrospective Study. Eur J Endocrinol. 1999;141:619–624 (10). Marco J, Salvador M, Conte J, Ton That H, Couderc JJ. Myocardite Adrénergique: Incidence A Propos D'une Série De 23 Phéochromocytomes. Arch Mal Cœur. 1974; 67: 147- 159.  (11). Auvage MR, Tulasne PA, Arnaud JP. Accident Hypertensif Per Opératoire Dû À Un Phéochromocytome Méconnu. Anesth Analg Réan. 1979; 36: 155-158.  (12).Tavernier B, Hautier MB, Spérandio M, Proye C, Scherpereel P. Anesthésie-Réanimation Pour Chirurgie Du Phéochromocytome. Ann Chir. 1997; 51: 352-360. G.(13). Myklejord DJ. Undiagnosed Pheochromocytoma: The Anesthesiologist Nightmare. Clin Med Res. 2004;2:59–62. (14). O’Riordan JA. Pheochromocytomas And Anesthesia. Int Anesthesiol Clin. 1997;35:99–127. (15). Fassnacht M, Arlt W, Bancos I, Dralle H, Newell-Price J, Sahdev A, Et Al. Management of Adrenal Incidentalomas: European Society Of Endocrinology Clinical Practice Guideline In Collaboration With The European Network For The Study Of Adrenal Tumors. Eur J Endocrinol. Août 2016; 175(2): G1-34. (16). Tabarin A, Bardet S, Bertherat J, Dupas B, Chabre O, Hamoir E Et Al.French Society Of Endocrinology Consensus Exploration And Management Of Adrenal Incidentalomas. French Society of Endocrinology Consensus. Ann Endocrinol (Paris) 2008;69:487-500. (17).Billard V, Cheikh M, Delaporte-Cerceau S, Raffin-Sanson ML. Anesthésie Pour Traitement Des Tumeurs Endocrines. Ann Fr Anesth Reanim. 2009; 28(6): 549-63. 

Phéochromocytome de découverte fortuite (à propos d’un cas)

http://journals.lagh-univ.dz/index.php/amr/article/download/3523/2809

Phéochromocytome de découverte fortuite (à propos d’un cas)

Abstract

Similar works

Full text

Available Versions

Scientific Journals of University Amar Telidji - Laghouat