Christophe Petit

Frédéric Dubois

Seddik Merakeb

Comptes Rendus Mécanique (CRM)

C. R. Mecanique 337 (2009) 34–39Modélisation des hystérésis de sorption dans les matériauxhygroscopiquesSeddik Merakeb ∗, Frédéric Dubois, Christophe PetitUniversité de Limoges, Laboratoire de mécanique modélisation des matériaux et structures du génie civil, Centre universitaire d’Egletons,19300 Egletons, FranceReçu le 7 novembre 2007 ; accepté le 24 décembre 2008Disponible sur Internet le 12 février 2009Présenté par Michel CombarnousRésuméCe travail propose un modèle analytique d’adsorption/désorption, dans un matériau hygroscopique, qui dérive d’une étude ther-modynamique de l’équilibre de phase de l’eau libre avec sa pression de vapeur saturante. Le modèle présente les aspects liésaux hystérésis et aux phénomènes cycliques de variation aléatoire de l’humidité de l’ambiant. Les isothermes de sorption tra-duisent l’équilibre de phase de l’eau liée au matériau avec la pression de vapeur de l’environnement. Ce modèle permet de calculerl’équilibre pour des variations totales ou partielles de l’humidité relative, et ce, dans des conditions de température variable. Dessimulations numériques concordent convenablement avec des résultats expérimentaux. Pour citer cet article : S. Merakeb et al.,C. R. Mecanique 337 (2009).© 2009 Académie des sciences. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.AbstractModeling sorption hysteresis in hygroscopic materials. This article deals with a sorption/desorption model in a hygroscopicmaterial which is derived of the thermodynamic study of the phase equilibrium between the free water and its saturated vapor pres-sure. This model presents the hysteresis and cyclic variation aspects of the environment relative humidity. The sorption isothermtraduces the explanation of the equilibrium between the bound water phase in the material and the vapor pressure in the environ-ment. This model allows expressing partial variation in the relative humidity domain under variable temperature. A good fitting isobtained with experimental results. To cite this article: S. Merakeb et al., C. R. Mecanique 337 (2009).© 2009 Académie des sciences. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.Mots-clés : Transferts thérmiques ; Équilibre hygroscopique ; Isotherme de sorption ; Hystérésis ; Teneur en eauKeywords: Heat transfer; Hygroscopic equilibrium; Sorption isotherm; Hysteresis; Moisture content* Auteur correspondant.Adresse e-mail : seddik.merakeb@unilim.fr (S. Merakeb).1631-0721/$ – see front matter © 2009 Académie des sciences. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.crme.2009.01.001S. Merakeb et al. / C. R. Mecanique 337 (2009) 34–39 35Abridged English versionThe heat and mass transfers observed in hygroscopic material induce shrinkage and swelling effects. Mechanicalproperties of lumber are strongly dependent on moisture content and this reliance is accentuated by variations ofclimatic environment. Today, several works deal with the mechano-sorptive effects in wood due to temperature andrelative humidity variations [1]. Also, Toratti and Svensson [7] have presented an experimental study about woodspecimen loaded by different patterns of humidity cycles. In order to obtain a separating of hygromechanic effects,an efficient modeling must be developed for the real evolution of the moisture content in the material, by taking intoaccount hysteresis phenomena.In this context, many studies have been developed upon moisture content evolution versus time [4]. These modelsemploy boundary conditions which traduce an instable equilibrium between the environment properties (temperatureand relative humidity) and the moisture content in wood surface vicinity. In this context, several analytical modelshave been proposed. Other models are based on the multilayered adsorption [5,6]. Several studies show a hysteresisduring sorption and desorption phases. All these models allow modeling the hysteresis curve for the complete scale ofrelative humidity variations (0–100%) [8]. However, they are not effective to model a partial cycle of relative humidityincluded, for example, between 30%HR and 70%HR. Indeed, timber constructions, temperature and relative humiditycan follow random variations inducing a moisture content variation with different ranges. Several models describe thesorption isotherm as a relative humidity function. The hysteresis phenomenon is introduced with the description oftwo hygroscopic equilibrium curves (the former for adsorption and the latter for desorption).This paper deals with a thermodynamic approach based on the balance equation between the different phases (solid,liquid and gaseous) and their transformations for the bounded water in wood. Moreover, it is necessary to assume afourth phase named bounded water. It can be characterized by a specific thermodynamic state which is defined as afunction of moisture content state [3].1. IntroductionUn grand nombre de matériaux hygroscopiques ont un état hydrique qui dépend des conditions climatiques (hu-midité et température) de l’environnement dans lequel ils évoluent. Si nous prenons en exemple le matériau bois oules fibres de carbone, leurs propriétés mécaniques peuvent fortement varier avec les conditions climatiques. Le calculdes structures mécaniques en bois nécessite donc une meilleure estimation de l’état hydrique pour une connaissancesuffisante de ses propriétés mécaniques.Jusqu’à présent, l’étude du comportement mécanique du bois, dont l’état hydrique varie, a donné lieu à une mul-titude d’investigations expérimentales et d’approches différentes dont les plus importantes sont la mécano-sorptionqui est un couplage entre état hydrique et comportement mécanique dépendant du temps [1]. Or, pour pouvoir iso-ler efficacement les effets des couplages hydriques et mécaniques, il est nécessaire de pouvoir simuler précisémentl’évolution de la teneur en eau et donc d’introduire le phénomène d’hystérésis.Physiquement, l’hygroscopie définit l’équilibre de l’eau liée dans le matériau avec sa pression de vapeur, sachantque le domaine d’étude est le domaine hygroscopique limité à une teneur en eau maximale correspondant à un équi-libre lorsque l’activité de l’air avoisine les 100 % d’humidité relative.Afin de mieux décrire l’interaction matériau-environnement, nous proposons le développement d’un modèle d’iso-therme d’adsorption/désorption basé sur une approche thermodynamique de l’équilibre de phases de l’eau.2. Approche thermodynamiquePour comprendre comment s’installe l’équilibre hygroscopique entre le matériau et son environnement, nous pou-vons nous appuyer sur la représentation schématique de la Fig. 1. La différence entre l’eau libre et l’eau liée estl’interaction physique, et non pas chimique, avec le matériau.Dans l’enceinte de gauche, l’adsorption et la désorption de l’eau liée correspondent respectivement à la vaporisationet la condensation de l’eau libre. De plus, ces deux phases sont en équilibre avec leurs pressions de vapeur, Pset Pv . Cependant, la quantité d’eau libre dans l’enceinte n’influe pas sur l’équilibre de vapeur saturante. Cet équilibreindifférent est dû à la chaleur latente de vaporisation de l’eau libre qui reste constante. Par contre, dans l’enceinte dedroite, la pression de vapeur Pv est liée à l’état hydrique du matériau. La chaleur de sorption à l’équilibre varie alors36 S. Merakeb et al. / C. R. Mecanique 337 (2009) 34–39Fig. 1. Equilibre monovalent et hygroscopique de l’eau libre et liée avec l’air extérieur.Fig. 1. Monovalent and hygroscopic equilibria between free water and water associated to the surrounding air.en fonction de cette pression de vapeur et donc de l’état hydrique du matériau. Cette pression de vapeur, à l’équilibrehygroscopique, est inférieure à la pression de vapeur saturante de l’eau libre car la chaleur de vaporisation de cettedernière est inférieure à celle de l’eau liée.2.1. Equilibre monovalent de l’eau liquide avec sa pression de vapeurLa chaleur latente de vaporisation de l’eau traduit une énergie de liaison des molécules nécessaire à l’existence dela phase liquide. Cependant, certaines de ces molécules d’eau parviennent à franchir la barrière énergétique qui lesmaintient collées les unes aux autres : il s’agit du phénomène de vaporisation. Il se produit jusqu’à ce que la massed’eau se mette en équilibre hygrométrique avec l’environnement. Ce dernier se caractérise par une pression de vapeursaturante Ps dépendant de la température T et de la chaleur latente de vaporisation L. Cette relation est donnée par laformule de Clapeyron [2] :L = RT2MPsdPsdT= RT2Md(lnPs)dT(1)M est la masse molaire de l’eau (18 g/mole) et R la constante des gaz parfaits (8,31 J/mol K). Cependant, le niveauénergétique, de l’eau liée inférieur à celui de l’eau libre, traduit un équilibre de pression de vapeur inférieur. Paranalogie avec l’équation (1), la relation entre la pression de vapeur Pv de l’eau liée et sa chaleur de vaporisation L′peut être déduite par :L′ = RT2MPvdPvdT= RT2Md(lnPv)dT(2)Dans la relation (2), la chaleur molaire de vaporisation L′ est égale à celle de l’eau libre à laquelle on ajoute la chaleurde sorption. En effectuant la soustraction des équations (1) et (2), nous obtenons la relation suivante :Hs = L′ − L = RT2M· d lnhdT, avec h = PvPshumidité relative (3)Cette relation met en évidence la dépendance entre l’enthalpie molaire Hs (qui n’est autre que la chaleur de sorption)et l’humidité relative h. Cette grandeur peut être assimilée à un potentiel chimique d’une espèce en équilibre dontl’expression dépend d’une fonction d’état. D’un point de vue physique, le matériau peut être assimilé à un puitsd’énergie potentiel dont le minimum correspond à une teneur en eau nulle.Lorsque les potentiels chimiques des deux espèces s’égalisent, l’équilibre s’installe. La vitesse d’évaporation del’eau liquide se confond avec la vitesse de condensation de la vapeur d’eau. Ainsi, le potentiel chimique de la vapeurd’eau est égal à l’enthalpie molaire de cette vapeur considérée comme un gaz parfait :Hs = RT ln(h) + Hs, où Hs est l’enthalpie de référence (4)S. Merakeb et al. / C. R. Mecanique 337 (2009) 34–39 37Fig. 2. Enthalpie d’adsorption et de désorption en fonction de la teneur en eau.Fig. 2. Adsorption and desorption enthalpy as functions of water content.2.2. Chaleur de sorptionAfin d’exprimer la teneur en eau w en fonction de l’humidité relative h, il est nécessaire d’établir une corréla-tion entre l’enthalpie molaire Hs et w. La relation qui permet de lier les deux variables d’état peut se résumer àl’expression suivante :Hs = A ln(wws)(5)ws est la teneur en eau maximale (pour une température fixée). A est une constante liée à la chaleur molaire totale demouillage. Le choix de la forme (5) répond à deux observations physiques. Lorsque l’humidité relative tend vers 0,l’énergie nécessaire à extraire les molécules d’eau liée (chaleur de sorption) tend vers l’infini car il subsiste unequantité d’eau limite impossible à extraire. Par contre, lorsque la teneur en eau liée atteint sa valeur maximale ws , lesurplus de molécules devient eau libre. Dans ce cas, la chaleur de sorption doit être nulle.Les évolutions de l’enthalpie molaire de l’adsorption et de désorption en fonction de l’état hydrique sont représen-tées en Fig. 2.Nous pouvons constater une bonne corrélation entre les valeurs expérimentales [4] et le modèle logarithmique (5).Le paramètre A dépend du sens de variation de l’état hydrique. Cependant, lors de l’identification de ce paramètre, lavaleur de ws doit être commune aux deux graphes.A partir des équations (4) et (5), nous pouvons établir une relation simplifiée reliant l’humidité relative h à la teneuren eau w d’équilibre :ln(wws)= ϕ · ln(h) exp(ah) (6)ϕ est un paramètre thermodynamique et a une constante de calibration.L’équation (6) est une expression reliant les logarithmes des variables h et w par une loi linéaire, pondérée par uneexponentielle.La Fig. 3 met en évidence l’évolution de l’état hydrique pour une humidité relative h variant de 0 % à 100 % dansles cas de l’adsorption et la désorption. Ces tracés sont comparés aux résultats expérimentaux obtenus sur du douglasà 30 ◦C. En analysant les deux évolutions, nous constatons que le paramètre ϕ dépend du sens de variation de h(adsorption ou désorption). Ce qui n’est pas le cas pour le paramètre a.3. Variations cycliques de l’humidité relativeL’équation (6) ne décrit que les courbes de sorption sur la plage complète d’humidité relative. Dans des conditionsréelles, les variations aléatoires d’humidité relative ne balayent pas la plage 0–100 %. On parlera alors des variationspartielles. Dans ce cas, il est nécessaire d’ajouter un terme de raccord entre les isothermes d’adsorption et désorptiontel que :ln(w)= ϕ ln(h) exp(ah) + ϕ ln(h) exp(αh) (7)ws38 S. Merakeb et al. / C. R. Mecanique 337 (2009) 34–39Fig. 3. Courbes de sorption.Fig. 3. Sorption curves.Fig. 4. Simulation des courbes d’hystérésis pour des cycles hygrothermiques réguliers.Fig. 4. Simulation of hysterisis curves for regular hygrothemic cycles.ϕ et α sont définis selon les phases d’adsorption (indice s) et de désorption (indice d).Soit (h0,w0) correspondant à un point d’équilibre lors d’une inversion de sens de variation de h, nous avons :ϕs = ln(w0/ws) − ϕs ln(h0) exp(ah0)ln(h0) exp(αsh0)(8)h0αs = ln ln(w0/ws)ϕs lnh0(9)h0αd = ln ln (w0d − w0s)/wsϕd lnh0(10)w0s et w0d sont des teneurs en eau déduites de l’équation (6) lorsque h = h0.4. Prise en compte de la températureLes isothermes de sorption sont généralement tracées à température constante. Dans la réalité, il est nécessairede prendre en compte les variations de température. L’approche retenue consiste à introduire la température commevariable pour les paramètres ϕs , ϕd , ws et a. L’algorithme mis en œuvre à température constante peut alors êtregénéralisé. Une mise à jour des paramètres est effectuée pas à pas afin de recalculer les nouveaux points d’équilibredans l’espace (h,w) en considérant les équations (8), (9) et (10).Dans la plage de température et d’humidité rencontrée, dans nos climats tempérés, les paramètres de sorptionsuivent des évolutions affines en fonction de la température. Les valeurs ont été interpolées à partir d’abaques d’iso-thermes de sorption pour du bois. Nous obtenons les fonctions suivantes :ϕs = 0,0013T + 0,989, ϕd = 0,0056T + 0,563w = −0,0013T + 0,3518, a = −0,0054T + 1,7591 T est en degré Celsius (11)sS. Merakeb et al. / C. R. Mecanique 337 (2009) 34–39 39Les résultats de la simulation des hystérésis de sorption pour des cycles réguliers de température et d’humidité relativesont donnés en Fig. 4. Les cycles représentent une ambiance qui varie entre un climat hivernal (5 ◦C et 90 %HR) et unclimat estival (40 ◦C et 50 %HR).5. ConclusionsUn modèle d’isotherme de sorption a été développé et présente l’originalité de prendre en compte des variationsquelconques du climat ambiant en terme de température et d’humidité relative. Nous avons proposé un modèle dont lesparamètres sont identifiés par application de certains principes thermodynamiques. Nous avons interprété la fonctionw(h) comme étant une propriété thermodynamique du matériau qui confine l’eau dans un niveau d’énergie fonctionde l’état hydrique du matériau. Ce niveau d’énergie se stabilise avec l’environnement extérieur caractérisé par sonhumidité relative. L’humidité relative h nous renseigne en fait sur l’état énergétique de la couche superficielle del’eau liée qui est en relation avec l’état hydrique du matériau. C’est pour cette raison que la variable w est reliéeindirectement à h. Nous pouvons, par analogie à l’eau libre, qualifier l’humidité relative h de l’air qui se trouve enéquilibre hygroscopique avec l’eau liée du matériau comme étant une pression de vapeur saturante de l’eau liée.Références[1] H. Randriambololona, Modélisation du comportement différé du bois en environnement variable, Limoges, Faculté des Sciences et Techniques,Ecole Doctorale Science, Technologie et Santé, 2003.[2] G. Bruhat, Cours de physique générale, thermodynamique, 6ème édition, Masson et Cie, Paris VI, 1968.[3] S.P.S. Rawat, D.P. Khali, Enthalpie–entropie compensation during sorption of water in wood, Journal of Applied Polymer Science 60 (1996)787–790.[4] P. Bonneau, Modélisation du séchage d’un matériau hétérogène : Application à un bois de résineux, Bordeaux, Thèse Université de Bordeaux I,1991.[5] S. Brunauer, P.H. Emmet, E. Teller, Adsorption of gases in multimolecular layers, Journal of the American Chemical Society 60 (1938) 30–319.[6] C. 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Modélisation des hystérésis de sorption dans les matériaux hygroscopiques

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