Perrot, J. F.

Numérisation de Documents Anciens Mathématiques

AstérisqueJ. F. PERROTCalcul dans un monoïde fini de transformationsAstérisque, tome 38-39 (1976), p. 203-211<http://www.numdam.org/item?id=AST_1976__38-39__203_0>© Société mathématique de France, 1976, tous droits réservés.L’accès aux archives de la collection « Astérisque » (http://smf4.emath.fr/Publications/Asterisque/) implique l’accord avec les conditions générales d’uti-lisation (http://www.numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ouimpression systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copieou impression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright.Article numérisé dans le cadre du programmeNumérisation de documents anciens mathématiqueshttp://www.numdam.org/Société Mathématique de France Astérisque 38-39 (1976) p.203-211 CALCUL DANS UN MONOIDE FINI DE TRANSFORMATIONS par J.F. PERROT 1.- INTRODUCTION Considérons le problème élémentaire que voici : "Soit S un ensemble fini. On se donne une famille X de transformations de S (applications de S dans lui-même), et on désigne par T l'ensemble de toutes les transformations de S que l'on obtient par composition des transformations éléments de X (T est ainsi l'ensemble sous-jacent au monoide de transformations de S en-gendré par X). On demande de décrire T à partir de X". Notons que la taille de T peut être très grande : si S a n éléments, T peut en avoir de 1 à n11 sans que l'on connaisse de moyen général pour obte-nir une meilleure approximation par simple inspection de l'ensemble X. On ne peut donc pas envisager de se donner la collection complète des éléments de T, sauf dans des cas très particuliers, et on est conduit à explorer T localement. Pour cela, il est naturel de faire intervenir la structure de monoïde fini dont est muni 1'ensemble T relativement à l'opération de com-position des transformations et de considérer que l'ordre imposé à l'explo-ration par le calcul à partir de X ( produits de compositions de plus en plus longs) conduit, grosso modo, à parcourir en descendant le treillis des idéaux du monoïde ; en effet, les résultats de toutes les compositions où entre un élément m € T sont dans l'idéal TmT engendré par m, et par consé-quent, engendrent eux-mêmes des idéaux contenus dans TmT, 203 J.-F. PERROT Les éléments de T voisins d'un élément m sont alors ceux qui engendrent le même idéal ; ils constituent, suivant la terminologie classique, la D-classe de m. L'exploration locale de l'ensemble T conduit ainsi à poser le : Problème : à partir de X et de m € T, décrire la D-classe de m. Malheureusement, il existe, en général, dans un monoïde fini, deux ty-pes de Déclasses : celles qui contiennent au moins un élément idernpotent, qu'on appelle régulières, et celles qui n'en contiennent point. Ces dernières, ou D-classes irrégulières, jouent la plupart du temps un rôle mal connu ; de notre point de vue, la connaissance d'une telle .D-classé requiert celle de toute la partie du monoïde située au-dessus d'elle (au sens du treillis des idéaux), et fait échec à notre projet d'exploration locale. Nous nous borne-rons donc, le cas échéant, à constater que la D-classe considérée est irré-gulière. Les JD-classes régulières, en revanche, forment en quelque sorte l'ossa-ture du monoïde, et c'est à elles que s'adressent la plupart des questions: par exemple, ce sont elles qui contiennent les sous-groupes du monoïde ; le$ D-classes sont toutes triviales (réduites à un seul élément) ssi les Déclas-ses régulières le sont ; l'idéal minimal est toujours une D-classe régulière, etc.. Or, chacune d'entre elles est pourvue d'une structure intrinsèque, entièrement décrite (à un isomorphisme près) par la donnée d'un groupe G, de deux entiers positifs p et q et d'une matrice T, de format q X p, à élé-ments dans G U lo}, appelée matrice-sandwich. D'après le théorème de Rees, les éléments m de la D-classe régulière considérée D sont en bijection avec les triplets (g,i,j) pour g € G e t l < i < p , 1 < j < q. Le produit de deux éléments m', m" € D est encore dans D ssi l'élément Y., .„ de la matrice-sandwich est non nul, et en ce cas son triplet associé est donné par la rè-gle (g',i',j') (g",iM, j") = (g' Y-, . ,, 9Mii 1 » J M) , le produit dans la première 3 i 1 204 MONOÏDES FINIS composante étant pris au sens du groupe G . Nous donnons un procédé permettant, à partir d'un élément m et du sys-tème générateur X : i) de décider si la D-classe de m est régulière, ii) si oui, de fournir les éléments de la description de la D-classe en ne faisant appel qu'à (p+ q) X n éléments de T j(alors que la D-classe elle-même contient P X q X |G| éléments). Ce procédé, développé à partir d'une technique employée de longue date par M.P. Schutzenberger, est très facile à mettre en œuvre sur ordinateur et peut être adapté à divers problèmes particuliers : calcul de l'idéal minimal [ 6 ^ calcul complet d'un monoïde régulier (i.e. ne possédant pas de D-classe irrégulière) [ 3 ] » On trouvera en [ 5 " ] des développements plus complets. 2.- RAPPEL SUR LA STRUCTURE D'UNE D-CLASSE REGULIERE Pour plus de détails, on se reportera à Clifford et Preston [2]. Dans un monoïde quelconque M, la relation d'équivalence I) est définie comme la borne supérieure des équivalences R et .L suivantes : Pour a, b 6 M, on note : a R b ssi aM = bM (aetb engendrent le même idéal à droite) a L b ssi Ma = Mb (aetb engendrent le même idéal à gauche). Il est clair que a D b implique MaM=MbM, mais la réciproque n'est vraie que sous certaines hypothèses de finitude, vérifiées notamment quand M est fini. Dans un monoïde fini, on a donc : M a M= Mb M <=^a D b. On note H l'équivalence R H JL. Toute D-classe peut être envisagée comme 205 J.-F. PERROT réunion de R-classes, réunion de L-classes, ou réunion de H-classes. Soit D une D-classe régulière du monoïde fini M, ; i= l,2,...,p| (resp. ;j=l,2,...,q|) 1'ensemble des R-classes (resp. L-classes) con-tenues dans D. La description de D que nous avons en vue est fondée sur les observations suivantes, dont on trouvera les preuves en [2"]. 1.- Chaque R-classe R̂  coupe chaque Î -classe L̂  suivant une H-classe Hi j ' et toutes les H-classes H. . (i s 1,2,...,p, j=l,2,...,q) ont le même 1 ? 3 nombre d'éléments ; 2.- Chaque R-classe R̂  (resp. chaque L-classe L^) contient au moins un idempotent ; 3 . - Chaque H-classe H_ contient au plus un idempotent ; lorsqu'elle en contient un, la restriction de la multiplication dans M la munit d'une structure de groupe ayant pour élément neutre 1'idempotent en question ; les différents groupes ainsi constitués à l'intérieur de D sont tous isomorphes entre eux ; 4,- On obtient une description de D du type annoncé en supposant que la 11-classe H contient un idempotent et en désignant par G le groupe correspondant. La matrice-sandwich T est de format q X p, on la définit à partir de deux familles quelconques r̂  ; i = 1, 2 , . . . , p et r ; j s l,2,...,q de représentants des H-classes H. _ et . respective-- i,l l,j ment, en posant v. . =r.r. lorsque ce produit figure dans H , v. .=0 J,i 3 1 H J1 1 sinon. Au triplet (g,i,j) correspond alors bijectivement l'élément m=r.gr. € H... 1 J iJ Les indications ci-dessus, valables pour un monoïde quelconque, mon-trent clairement que la première information nécessaire pour décrire une D-classe est celle de son format (nombre de R-classes, nombre de L-classes). Nous l'obtiendrons en utilisant systématiquement le fait que notre monoïde M est représenté par transformations de l'ensemble fini S. 206 MONOÏDES FINIS 3.- ENSEMBLES-IMAGES, EQUIVALENCES D' APPLICATION ET FORMAT D'UNE D-CLASSE Pour une transformation quelconque f HP l'ensemble S, désignons par Im(f) le sous-ensemble image S f , par Ker(f) l'équivalence d'application de f et par rg(f) le rang de f, qui est égal à l'index de Ker(f) et au cardi-nal de Im(f)• Pour deux éléments quelconques a et b de notre monoïde de transforma-tions, il est facile de voir que : aRb =S> Ker(a) = Ker(b) aL b — ^ Im(a) = Im(b). Les implications réciproques ne sont pas vraies en général, mais elles le sont sous l'hypothèse que a et b appartiennent à une même D-classe régu-lière, d'où la : PROPOSITION 1,- Pour une D-classe régulière D du monoïde de transformations M, les R-classes (resp. les Î -classes) de D sont en bijection avec l'ensem-ble d ' équivalences K = |Ker(a) ; a Ç DJ (resp. avec l'ensemble d'images I = llm(b) ; b € DJ). Il suffit donc,pour déterminer le format de D, de calculer les ensem-bles _I et K. En fait, ces deux ensembles nous fournissent en sus un critère pour décider si un élément quelconque f € M appartient ou non à la D-classe D: Remarque.- Pour tout f € M o n a f € D ssi Ker(f) 6 K et Im(f) € 1̂. La vérification de ces énoncés utilise essentiellement l'observation 2 ci-dessus relative à la présence d'au moins un idempotent par R-classe et par L__-classe. Or,les idempotents sont faciles à repérer par examen du cou-ple Im,Ker : en effet,pour un sous-ensembleJ de S et une équivalence 9d ' index i J | sur S, il ex: ste une transformation idempotente e telle que Im( e) = J et Ker(e) = Q ssi J constitue un système complet de représentants des classes mod.© ; 2 0 7 J.-F. PERROT 11idempotent e est alors unique ; en ce cas, nous disons simplement que le couple (J,9) repère un idempotent. Il suit donc de l'observation 2 que pour tout J € I, il existe au moins un 0 G K, et pour tout 9 6 K, il existe au moins un J € 1̂  tels que le cou-ple (J,9) repère un idempotent. Pour calculer effectivement I et K à partir d'un élément m de D donné et du système générateur X, notons d'abord que l'observation 1 permet de restreindre le choix des représentants a et b dans la définition de I et de K et d'écrire : K = iKer(a) ; aLm| et _I = \lm(b) ; bRm) de sorte qu'en définissant : K ' = lKer(a) ; a € Mm , rg(a) = rg(m) } et I.» = ilm(b) ; b e mM, rg(b) = rg(m) \ on a K C K' et I Ç l_>, On peut alors énoncer le critère suivant : PROPOSITION 2.- Soit J 6 1/ (resp. 9 € K') : on a J € _I (resp. 9 6 K) ssi il existe X € K1 (resp. P € I_' ) tel que le couple (J,X) (resp. (9, P)) repère un idempotent. Comme par définition on doit avoir m 6 D donc Ker(m) € K et Im(m) Ç I, on voit que si D est régulière, l'un au moins des J € I_f (resp. l'un au moins des 9 £ K') doit avec Ker(m) (resp. avec Im(m)) repérer un idempotent, et que réciproquement l'une de ces deux conditions est suffisante pour assurer que la D-classe de m est régulière. La détermination du format de la D-classe de m est ainsi ramenée au calcul des ensembles 1/ et K'. Ce dernier se fait sans difficulté par un pro-cessus arborescent classique à partir de l'élément m et du système généra-208 MONOÏDES FINIS teur X : pour calculer I_' , on répète à partir de M des compositions à droi-te par les éléments de X, en ne conservant à chaque pas que les transforma-tions dont l'image est de rang rg(m) et n'a pas encore été rencontrée, jus-qu'à ce que toute nouvelle opération donne, soit une image déjà répertoriée, soit une transformation de rang inférieur ; on obtient ainsi l'ensemble _I' et pour chaque J G P, un élément r̂. € m M tel que Im(r̂ .) = J. De même, en opérant à gauche, on obtient l'ensemble d'équivalences K 1 et pour chaque 9 € K' un élément rg € M m vérifiant Ker(rQ) = 9. Le calcul se déroule donc ainsi : - Génération de l'ensemble I_' à partir de m et de X ; la Déclasse est régu-lière ssi I' contient une image J qui, avec Ker(m), repère un idempotent. - Si la D-classe est régulière, génération de K' à partir de m et de X. - Extraction des sous-ensembles I et K de !_' et K 1 grâce à la proposition 2. 4.- MATRICE-SANDWICH ET GROUPE D'UNE D-CLASSE REGULIERE Le calcul du format de la ID-classe de m effectué au paragraphe précé-dent nous a fourni tous les éléments nécessaires à la description complète de la D-classe. Pour construire la matrixe-sandwich, il faut d'abord choisir une H-classe contenant un idempotent pour jouer le rôle de H ^ de l'observa-tion 4, ainsi que les familles r̂, et r. correspondantes. On peut choisir H ^ dans la R-classe de m, ce qui permet de prendre pour famille r̂  la fa-mille des représentants r̂  calculés en même temps que l'ensemble I_. Il suf-fit alors de connaître une transformation f telle que mf 6 H ^ pour avoir la famille r̂. sous la forme r^f, où les TQ ont été calculés en même temps que K. Si on ne dispose pas de cette information (notamment lors d'un cal-cul par ordinateur), il suffit de calculer K' à partir du représentant m f € H pour obtenir la famille cherchée. La matrice-sandwich se déduit 209 J.-F. PERROT donc immédiatement du calcul précédent. La détermination du groupe G pose un autre problème : ce groupe appa-raît, dans la perspective de notre calcul, comme un groupe de permutations sur 1' ensemble-image de ; il peut être, comme le monoïde M lui-même, de trop grande taille pour être manipulé dans son ensemble, aussi n'en propo-serons-nous qu'un système générateur, déduit de X par le biais de la repré-sentation de Schutzenberger du monoïde M sur la D-classe D. On sait que cette représentation associe à chaque élément f € M une matrice \i>(f) de for-mat q X q monomiale en lignes, à éléments dans G U jo}, qui décrit l'action de f à droite sur la D-classe D. Commme l'ensemble X engendre M, les élé-ments non nuls des matrices M*(x), pour x € X, engendrent G. Il suffit donc de calculer les matrices №<(x), ce qui se fait,à partir des familles de re-présentants déjà utilisés pour construire la matrice-sandwich,par simple traduction des définitions données en [2]. Il est clair que ce procédé n'est pas toujours satisfaisant : il reste à décrire le groupe G à partir de son système générateur ; mais ce problème est d'une autre nature, et, conformément à une tradition bien ancrée en thé-orie des monoîdes, nous nous contentons ici de décrire la D-classe "modu-lo ses sous-groupes". 5.- CONCLUSION Ceci achève la description de la D-classe d'un élément m à condition qu'elle soit régulière. On voit que la quantité de mémoire utilisée pour le calcul est proportionnelle à la taille n de l'ensemble S et à la somme des tailles des ensembles JP et K' ; en admettant que ces derniers sont du même ordre que I et K , on obtient pour une D-classe de format (p,q) un encombre-ment de l'ordre de (p+ q) X n. Notre technique permet donc de traiter, à la main ou par ordinateur, des monoîdes de grande taille qui resteraient inaccessibles aux méthodes re-2 1 0 MONOÎDES FINIS posant sur 1'énumération complète des éléments [l] [ 4 ] . On peut chercher à appliquer le même principe à la description de tou-tes les D-classes régulières du monoïde M en évitant 11énumération de tous ses éléments. Cette extension se fait sans difficulté lorsque M ne contient que des D-classes régulières (mono'ide régulier) , et on trouvera en [ 3 ] des programmes réalisant ce calcul sur ordinateur. Ces programmes sont également utilisables pour des monoîdes irréguliers, mais alors on ne peut plus assu-rer que toutes les D-classes régulières du monoïde seront effectivement cal-culées, en raison de pertes d'information dues aux D-classes irrégulières. Le problème de la description de toutes les D-classes régulières en présence de D-classes irrégulières et sans énumération exhaustive des éléments du mo-noïde n'est donc pas résolu. BIBLIOGRAPHIE [1] CANNON J.J. : Computing the ideal structure of finite semigroups, Num. Mathematik l8 (1971) 254-266. [ 2 ] CLIFFORD A.H. and PRESTON G.B : The Algebraic Theory of Semigroups, Vol. I, Amer. Math. Soc. 1961. [ 3 ] COUSINEAU F.G ; PERROT J.F, and RIFFLET J-M : APL Programs for Direct Computation of a Finite Semigroup, JLn APL Congress'73, North-Holland 1973, P. 67-74. [4] HENNEMAN W. : The Automata Theorist's Helper, in Mc Naughton and Papert, Counter-Free Automata, MIT Press 1971, p. 147-154. [ 5 ] PERROT J-F : Contribution à l'étude des monoïde syntaxiques et de certains groupes associés aux automates finis, Thèse Se.Math. Paris 1972. [6] PERROT J-F : Utilisation d1APL pour calculer des monoîdes finis, Journées SMF sur l'utilisation des calculateurs en Math, pures, Limoges 1975, à paraître. Jean-François PERROT Institut de Programmation Université de Paris VI 4 place Jussieu 75005 PARIS 211 

Calcul dans un monoïde fini de transformations

http://www.numdam.org/item/AST_1976__38-39__203_0.pdf

Calcul dans un monoïde fini de transformations

Abstract

Similar works

Full text

Available Versions

Numérisation de Documents Anciens Mathématiques