Alors que le discours moral classique s’énonce par figures, l’essai périodique de Marivaux ou d’Addison s’écrit comme fiction pour se faire oublier comme texte ; quand les « figures morales » — éthopées, fables ou exempla — sont (normalement) réductibles à une maxime de comportement, la fiction pour sa part n’est pas susceptible d’une telle traduction : par là, la réflexion morale s’émancipe de la topique (elle pourra encore faire fiction de ce qui est sans exemple).que gagne le discours moral à s’ouvrir ainsi au jeu de la fiction ? Quelles possibilités nouvelles se font jour dans cette convergence de l’essai et de la fiction ? De quels effets susceptibles d’intéresser le discours moral la fiction est-elle donc capable ?
(Une première version du présent essai a fait l’objet d’une communication, sous le titre « Morale et fiction, de La Bruyère à Marivaux », au colloque Un siècle de deux cents ans ? Les XVIIe et XVIIIe siècles : continuités et discontinuités (Paris, les 14, 15 et 16 juin 2001, organisé par le Centre d’Étude de la Langue et de la Littérature Françaises des XVIIe et XVIIIe siècles (Paris IV-CNRS).