Mos wiyas sasigwan acitc sasipatakan : la contemporanéité alimentaire des Anicinabek de Lac Simon et leurs stratégies d’adaptation face au colonialisme alimentaire

Abstract

Cette thèse analyse la contemporanéité alimentaire de la communauté anicinabe de Lac Simon de manière à comprendre comment ces Anicinabek ont fait face, d’un point de vue alimentaire, aux bouleversements engendrés par la colonisation. Je soutiens que les changements alimentaires qu’ils ont vécus n’ont pas abouti à une acculturation alimentaire complète et que l’on peut constater autre chose qu’une dégradation alimentaire. Se situant dans l’anthropologie dynamique, cette thèse se penche sur le changement social qui est appréhendé par l’entremise de l’alimentation, faisant ainsi de l’anthropologie par l’alimentation. La recherche est encadrée par une approche relationnelle dont sont empreintes la méthodologie et l’axiologie. L’analyse s’appuie sur une ethnographie alimentaire exploratoire et rend compte de savoirs acquis par l’intermédiaire de l’intersubjectivité établie entre les Anicinabek et la chercheuse qui a adopté une approche participante et un engagement expérientiel. Un souci d’historiciser les transformations alimentaires découle de la mobilisation de l’approche dynamique et l’approche adaptative. La première partie de la thèse analyse les composantes du colonialisme alimentaire vécu par les Anicinabek et situe le contexte catalyseur de bouleversements, la colonisation au Canada. En mobilisant le concept de situation coloniale, la dépossession de l’autonomie alimentaire des Anicinabek, et plus largement des Autochtones, est démontrée. Les effets des actions économique, missionnaire et administrative sur la culture alimentaire anicinabe sont examinés. La continuité des dynamiques de contrôle et de pouvoir est mise de l’avant alors qu’il est exposé qu’une assistance contemporaine en matière alimentaire, incarnée par la santé publique, aliène toujours en partie la capacité des Anicinabek de retrouver une autonomie alimentaire et qu’en ce sens, une forme de colonialisme alimentaire s’observe toujours. Cette assistance s’incarne dans le transfert d’une normativité alimentaire pensée dans une optique biomédicale idéale. La deuxième partie présente quatre stratégies d’adaptation mise en place par les Anicinabek pour assurer l’inscription de leur culture alimentaire dans un nouveau contexte de vie: la modulation alimentaire en fonction des territorialités alimentaires; la redéfinition des unités de commensalité et des modalités d’échange; l’adoption d’une conceptualisation dynamique de l’alimentation traditionnelle; la redéfinition des instances de transmission notamment par le biais de l’anicinabéisation de l’école. Chacune de ces stratégies révèle l’adaptation de relations: aux lieux et aux territoires, aux commensaux, à la tradition et à la mémoire, aux savoirs et aux connaissances. À travers cet examen, il est démontré que la relationnalité alimentaire des Anicinabek, c’est-à-dire leur réseau de relations alimentaires, s’est reconfigurée. La thèse met délibérément l’accent sur une facette positive d’une culture alimentaire autochtone se détachant ainsi du vaste corpus d’études qui se penche sur les problèmes qui leur sont souvent associés et qui caractérisent négativement l’état de santé des peuples autochtones au Canada. La thèse témoigne plutôt de l’agentivité des Anicinabek, de leur capacité d’adaptation ainsi que de leur inscription dans un processus de reprise de pouvoir alimentaire.This thesis analyzes the food contemporaneity of the Anicinabe community of Lac Simon in order to understand from a dietary perspective how these Anicinabek have coped with the changes caused by colonization. I argue that the dietary changes they experienced did not result in complete dietary acculturation and that something other than foodways decline can be observed. Situated in dynamic anthropology, this thesis looks at social change as understood through food; ie., by doing anthropology through food. The research is framed in a relational approach that informs the methodology and axiology. The analysis is based on an exploratory food ethnography and reports knowledge acquired through the intersubjectivity established between the Anicinabek and the researcher who adopted a participatory approach and an experiential engagement. A concern for historicizing dietary transformations stems from my mobilization of the dynamic and adaptive approaches. In the first part of the thesis, I analyze the components of food colonialism experienced by the Anicinabek and situate them in the context of Canadian colonization. By mobilizing the concept of colonial situation, I seek to demonstrate the dispossession of the Anicinabek food autonomy, and more broadly, that of indigenous people in Canada. I put forward the effect of economic, missionary and administrative actions on Anicinabe foodways, showing continuity of colonial dynamics of control and power. Contemporary food assistance, embodied in public health, still alienates in part the capacity of the Anicinabek to reclaim food autonomy and that, in this sense, a form of food colonialism is ongoing. This assistance is embodied in the transfer of a food normativity thought from a biomedical perspective. In the second part of the thesis, I present four adaptive strategies the Anicinabek have developed to ensure that their foodways is inscribed in their new life context: the food modulation according to food territorialities; the redefinition of units of commensality and exchange modalities; the adoption of a dynamic conceptualization of the traditional food; the redefinition of the instances of transmission, in particular by the means of anicinabeization in schooling. Each of these strategies reveals the adaptation of relationships: to places and territories, commensality, tradition and memory, knowledge and skills. I show that the Anicinabeks’ food relationality, that is, their network of food relationships, has been reconfigured. The thesis deliberately focuses on a positive facet of an indigenous foodways in contrast to the large body of research that focuses on the problems often associated with them and that negatively characterize the health status of indigenous peoples in Canada. Instead, I seek to highlight the Anicinabek agency, their adaptive capacity, and their inclusion in the process of reclaiming their food power

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