Une chronologie (politique) fictionnelle : les années de plomb et le durcissement du temps présent (Riboulet, Quintane, Lefranc)

Abstract

« Il règne en ce moment quelque durcissement qui influe vraiment sur tout le monde » : ce constat, posé par le philologue Victor Klemperer à propos du régime nazi (dont il a étudié les formes de propagande par le langage dans LTI - Lingua Tertii Imperii, 1947), semble bien être partagé par un certain nombre de sociologues, politistes et autres écrivains français contemporains depuis une petite dizaine d’années . L’analogie avec le fascisme divise , mais elle a surtout pour vertu d’insister sur une radicalisation des potentialités autoritaires des institutions étatiques françaises. De concert avec Vanessa Codaccioni (Répression, 2019), le sociologue Ugo Palheta observe ainsi dans La possibilité du fascisme (2018), une « poussée liberticide » à l’œuvre en France, notamment dans la succession des mandats de Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron, mouvement qu’il considère à l’aune de résonances fascisantes, mais qu’il resitue, surtout, dans le sillage de la « contre-révolution autoritaire » de la fin des années 1970. C’est dans ce cadre qu’il nous paraît judicieux de comprendre pourquoi et comment certains écrivains – qui n’ont pourtant pas été les acteurs directs de cette période (au contraire d’Olivier Rolin et du bilan en demi-teinte qu’il en tire dans Tigre en papier, 2002) – s’intéressent aujourd’hui à ce que l’on a nommé « les années de plomb » en France, en Italie et en Allemagne. Parce qu’ils étaient trop jeunes (voire pas encore nés) pour « prendre leur part » dans les luttes armées qui ont agité l’Europe des années 1970, ces auteurs s’attachent moins à en témoigner qu’à y puiser un surplus de lucidité sur le temps présent. C’est en tout cas sur la base de cette hypothèse que nous nous attachons, dans le cadre de cette communication, à lire ensemble trois texte : tout d’abord, et avant tout, Entre les deux il n’y a rien (2015), de Mathieu Riboulet, mais aussi, pour soutenir cette lecture, Tomates (2009) de Nathalie Quintane et Si les bouches se ferment (2014) d’Alban Lefranc

    Similar works

    Full text

    thumbnail-image