Michel Carbon

Comptes Rendus Mathématique

C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 342 (2006) 693–696http://france.elsevier.com/direct/CRASS1/StatistiquePolygone des fréquences pour des champs aléatoires ✩Michel CarbonDépartement de Statistique, ENSAI, rue Blaise-Pascal, 35172 Bruz, FranceReçu le 13 août 2005 ; accepté après révision le 6 février 2006Présenté par Paul DeheuvelsRésuméDans cette Note, nous présentons le polygone des fréquences comme estimateur de la densité pour des champs aléatoires indexéssur un treillis. Nous déterminons la largeur de cellule optimale qui minimise asymptotiquement l’erreur moyenne quadratiqueintégrée (IMSE). On montre également que, sous des conditions très générales, le polygone des fréquences atteint la même vitessede convergence pour l’IMSE que les estimateurs à noyaux. Il peut aussi atteindre la vitesse optimale de la convergence uniformesous des conditions générales. En conséquence, du point de vue de la convergence uniforme ou de l’IMSE, le polygone desfréquences est un très bon estimateur de la densité. Pour citer cet article : M. Carbon, C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 342 (2006). 2006 Publié par Elsevier SAS pour l’Académie des sciences.AbstractFrequency polygons for random fields. The purpose of this Note is to investigate the frequency polygon as a density estimatorfor stationary random fields indexed by multidimensional lattice points space. Optimal bin widths which asymptotically minimizeintegrated errors (IMSE) are derived. Under mild regularity assumptions, frequency polygons achieve the same rate of convergenceto zero of the IMSE as kernel estimators. They can also attain the rate of uniform convergence under general conditions. Frequencypolygons thus appear to be very good density estimators with respect to both criteria of IMSE and uniform convergence. To citethis article: M. Carbon, C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 342 (2006). 2006 Publié par Elsevier SAS pour l’Académie des sciences.1. IntroductionLe but de cette Note est d’étudier le polygone des fréquences comme estimateur de la densité pour des variablesaléatoires présentant une interaction spatiale (exemple : taux de radioactivité dans une zone proche d’une centralenucléaire, production de blé dans une région, etc.). Un approche non paramétrique de ce type devrait être conseilléeavant tout choix ultérieur éventuel d’une famille paramétrique de densités. Le polygone des fréquences est construiten joignant les milieux des segments de l’estimateur histogramme. L’effort calculatoire est donc équivalent à celui del’histogramme, mais ses performances sont nettement supérieures.Considérons un champ aléatoire {Xn} strictement stationnaire indexé par n appartenant au treillis ZN , N  1, etdéfini sur un certain espace probabilisé (,F ,P ). Un tel point n = (n1, . . . , nN) de ZN sera appelé un site. Pour deux✩ À la mémoire de Jean et Alain Gautier.Adresse e-mail : carbon@ensai.fr (M. Carbon).1631-073X/$ – see front matter  2006 Publié par Elsevier SAS pour l’Académie des sciences.doi:10.1016/j.crma.2006.02.019694 M. Carbon / C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 342 (2006) 693–696ensembles de sites S et S′, désignons par B(S) = B(Xn,n ∈ S) et B(S′) = B(Xn,n ∈ S′) les tribus engendrées parles variables aléatoires {Xn} où n décrit S et S′ respectivement. On notera dist(S,S′) la distance euclidienne entre Set S′. Nous supposerons que {Xn} est fortement mélangeant au sens où : il existe une fonction ϕ(t) ↓ 0 quand t → ∞,telle que, quels que soient S,S′ ⊂ ZN ,α(B(S),B(S′)) = sup{∣∣P(AB) − P(A)P (B)∣∣,A ∈ B(S),B ∈ B(S′)} h(Card(S),Card(S′))ϕ(dist(S,S′)), (1.1)où Card(S) désigne le cardinal de S. Dans (1.1), h est une fonction positive symétrique, croissante en chaque variable.On supposera aussi que h vérifie l’une des deux conditions suivantes :h(n,m)  min{m,n} (1.2)ouh(n,m)  C(n + m + 1)k̃ (1.3)avec k̃  1 et C > 0.Les conditions (1.2) and (1.3) sont les mêmes que celles de Neaderhouser [12] et Takahata [16] respectivement.Elles sont vérifiées par beaucoup de modèles spatiaux. Des exemples peuvent être trouvés dans Neaderhouser [12],Rosenblatt [13] et Guyon [7]. Pour des références sur les champs aléatoires, on pourra consulter, par exemple, Neade-rhouser [12], Bolthausen [2], Guyon and Richardson [8], Guyon [7], Tran [17], Tran et Yakowitz [18], Carbon, Hallinet Tran [5], Carbon, Tran et Wu [6], Hallin, Lu et Tran [9–11] et Biau [1].Supposons que Xn prenne des valeurs réelles et possède une densité f uniformément continue.On écrira n → ∞ si min{nk} → ∞ et |nj/nk| < C pour 0 < C < ∞, 1  j, k  N . Toutes les limites seront prisesquand n → ∞.On observe le champ aléatoire {Xn} sur une région rectangulaire In définie par :In ={i: i ∈ ZN, 1  ik  nk, k = 1, . . . ,N},qu’on choisit d’étendre à la même vitesse dans toutes les directions.Définissons n̂ = n1 . . . nN . On a ainsi collecté n̂ observations.Dans le cas N = 1, pour le critère IMSE, les histogrammes atteignent la vitesse de convergence n−2/3, et lesestimateurs à noyaux la vitesse n−4/5. La vitesse optimale de convergence uniforme des estimateurs non paramétriquesde la densité dans le cas i.i.d. (voir Stone [15]) est (n−1 logn)1/3.Sous des conditions de dépendance faible, on verra ici que la vitesse de convergence des polygones des fréquencesest de l’ordre de n̂−4/5 pour le critère IMSE. On établira aussi, sous certaines conditions de régularité, que la vitessede convergence uniforme des polygones des fréquences est de l’ordre de (n̂−1 log(n̂))1/3.Nous noterons x un point de R. La lettre C sera utilisée dans la suite pour remplacer toutes les constantes dont lesvaleurs ne sont pas importantes. La lettre D désignera un compact arbitraire de R.On notera enfin : Ψn = max(b; (log n̂(n̂b)−1)1/2).2. PréliminairesConsidérons une partition · · · < x−2 < x−1 < x0 < x1 < x2 < · · · de la droite réelle en intervalles Ik =[(k − 1)b, kb[ de même largeur b = bn. Sans perte de généralité, on suppose que zéro est un des points de la par-tition. Considérons deux cellules adjacentes I0 = [−b,0[ et I1 = [0, b[. Notons respectivement ν0 and ν1 le nombred’observations situées dans ces deux cellules (ν0 + ν1 = n̂). Les valeurs de l’estimateur histogramme dans ces deuxcellules sont respectivement : f0 = ν0n̂−1b−1 et f1 = ν1n̂−1b−1. Le polygone des fréquences est alors donné par :fn̂(x) =(12− xb)f0 +(12+ xb)f1, pour −b2 x < b2. (2.1)Nous supposons que b tend vers zéro quand n → ∞.Notons, pour simplifier, fj|i la densité conditionnelle de Xj sachant Xi. Nous aurons besoin, dans la suite, deshypothèses suivantes :M. Carbon / C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 342 (2006) 693–696 695Hypothèse 1. Il existe une constante M1 telle que, pour tout i, j, on ait :sup(x,y)∈R×Rfj|i(y|x)  M1.Hypothèse 2. f est deux fois continûment différentiable ; f ′′ est absolument continue par rapport à la mesure deLebesgue sur R ; f 1/2 ∈ L1, f ′f −1/2 ∈ L1, f (k) ∈ L2 pour k = 0,1,2,3.3. Erreur moyenne quadratique intégrée et largeur de bande optimaleOn définit la rugosité de la k-ième dérivée de f par :Rk(f ) =+∞∫−∞[f (k)(x)]2 dx,L’IMSE est la somme de deux termes : le carré du biais ponctuel intégré, et la variance ponctuelle intégrée.Théorème 3.1. Supposons que les Hypothèses 1 et 2 soient satisfaites, et que ϕ(k) = O(k−ρ) pour ρ > 2N + (3/2).La valeur de la largeur de cellule minimisant asymptotiquement l’IMSE de l’estimateur polygone des fréquencesvaut :b = bn = 2(1549R2(f ))1/5n̂−1/5avecIMSE = 512(49R2(f )15)1/5n̂−4/5 + O(n̂−1).Ce théorème généralise les résultats de Scott [14], et de Carbon, Garel et Tran [4].4. Convergence uniforme de l’estimateur polygone des fréquencesHypothèse 2∗. La densité f est C-lipschitzienne sur R.Définissons :θ1 = ρ + 3Nρ − 3N , θ2 =N − ρρ − 3N , θ3 =ρ + 3Nρ − (2k̃ + 1)N , θ4 =N − ρρ − (2k̃ + 1)N .Théorème 4.1. Supposons que ϕ(k) = O(k−ρ) pour ρ > 0 et que l’Hypothèse 2∗ soit vérifiée.(i) Si (1.2) est satisfaite et si :n̂bθ1n (log n̂)θ2 → ∞, (4.1)(ii) ou si (1.3) est satisfaite et si :n̂bθ3n (log n̂)θ4 → ∞, (4.2)alors :supx∈D∣∣fn̂(x) − f (x)∣∣ = O(Ψn) en probabilité.Exemple 4.1.(i) Prenons b = Cn̂−1/5 où b est la largeur optimale trouvée dans la partie 3. Alors (4.1) est satisfaite si ρ > 9N/2,et (4.2) est satisfaite si ρ > 2N + (5Nk̃)/2.696 M. Carbon / C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 342 (2006) 693–696(ii) Prenons b = (n̂−1 log n̂)1/3. Alors Ψn = (n̂−1 log n̂)1/3, ce qui est la vitesse optimale dans le cas i.i.d. pour N = 1.Alors (4.1) est satisfaite si ρ > 6N , et (4.2) est satisfaite si ρ > 3N + Nk̃.5. Vitesse de convergence p.s. de fn̂Soit ε un nombre positif arbitrairement petit et soit g(n) = ∏Ni=1(logni)(log logni)1+ε , une fonction définie pourtous les ni > 2 pour tout i = 1, . . . ,N .Définissons :θ∗1 =ρ + 3Nρ − 5N , θ∗2 =N − ρρ − 5N , θ∗3 =ρ + 3Nρ − (2k̃ + 3)N , θ4 =N − ρρ − (2k̃ + 3)N .Théorème 5.1. Supposons ϕ(k) = O(k−ρ) avec ρ > 0 et que l’Hypothèse 2∗ soit vérifiée.(i) Si (1.2) est satisfaite et si :n̂bθ∗1n (log n̂)θ∗2(g(n))−2N/(ρ−5N) → ∞, (5.1)(ii) ou si (1.3) est satisfaite et si :n̂bθ∗3n (log n̂)θ∗4(g(n))−2N/(ρ−(2k̃+3)N → ∞, (5.2)alors :supx∈D∣∣fn̂(x) − f (x)∣∣ = O(Ψn) a.s. (5.3)Pour une preuve des Théorèmes 4.1 et 5.1, on pourra consulter Carbon [3].Références[1] G. Biau, Spatial kernel density estimation, Math. Methods Statist. 12 (2003) 371–390.[2] E. Bolthausen, On the central limit theorem for stationary random fields, Ann. Probab. 10 (1982) 1047–1050.[3] M. Carbon, Frequency Polygons for Random Fields. Lucarne bleue, CREST, 2005-04, 2005.[4] M. Carbon, B. Garel, L.T. Tran, Frequency polygon for weakly dependent processes, Statist. Probab. Lett. 33 (1997) 1–13.[5] M. Carbon, M. Hallin, L.T. Tran, Kernel density estimation for random fields: the L1 theory, J. Nonparametr. Statist. 6 (1996) 157–170.[6] M. Carbon, L.T. Tran, B. Wu, Kernel density estimation for random fields (Density estimation for random fields), Statist. Probab. Lett. 36(1997) 115–125.[7] X. Guyon, Estimation d’un champ par pseudo-vraisemblance conditionnelle : Etude asymptotique et application au cas Markovien, in : Proc.6th Franco-Belgian Meeting of Statisticians, 1987.[8] X. Guyon, S. Richardson, Vitesse de convergence du théorème de la limite centrale pour des champs faiblement dépendants, Z. Wahrsch.Verw. Gebiete (1984) 297–314.[9] M. Hallin, Z. Lu, L.T. Tran, Density estimation for spatial linear processes, Bernouilli 7 (2001) 657–688.[10] M. Hallin, Z. Lu, L.T. Tran, Kernel density estimation for spatial linear processes: the L1-theory, J. Multivariate Anal. 88 (2004) 61–75.[11] M. Hallin, Z. Lu, L.T. Tran, Local linear spatial regression, Ann. Statist. 32 (6) (2004) 2469–2500.[12] C.C. Neaderhouser, Convergence of block spins defined on random fields, J. Statist. Phys. 22 (1980) 673–684.[13] M. Rosenblatt, Stationary Sequences and Random Fields, Birkhäuser, Boston, 1985.[14] D.W. Scott, Frequency polygons, theory and applications, J. Amer. Statist. Assoc. 80 (1985) 348–354.[15] C.J. Stone, Optimal uniform rate of convergence for non parametric estimators of a density function and its derivative, in: M.H. Revzi, J.S.Rustagi, D. Siegmund (Eds.), Recent Advances in Statistics: Papers in Honor of H. Chernoff, 1983, pp. 393–406.[16] H. Takahata, On the rates in the central limit theorem for weakly dependent random fields, Z. Wahrsch. Verw. Gebiete 62 (1983) 477–480.[17] L.T. Tran, Kernel density estimation on random fields, J. Multivariate Anal. 34 (1990) 37–53.[18] L.T. Tran, S. Yakowitz, Nearest neighbor estimators for random fields, J. Multivariate Anal. 44 (1993) 23–46.

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