Aujourd'hui, de ^plus en plus d'éleveurs s'accordent sur l'importance du parcours extérieur dans un élevage de volailles plein air. Sa fréquentation et l'optimisation de son usage ont des répercussions positives, à la fois à l'échelle de l'élevage mais également à l'échelle de la ferme et de son environnement

Minnekeer, Beverley

Moerman, Marie

Tadli, Dounia

Organic Eprints

Le parcours aménagé,  un outil au service  d’un élevage performantMarie Moerman, Beverley Minnekeer, Dounia Tadli (CRA-W)Aujourd’hui, de plus en plus d’éleveurs s’accordent sur l’importance du parcours extérieur dans un élevage de volailles plein air. Sa fréquentation et l’optimalisation de son usage ont des répercussions positives, à la fois à l’échelle de l’élevage, mais également à l’échelle de la ferme et de son environnement.La veille scientifique constitue un axe prioritaire à développer par la recherche en agriculture biologique, d’après l’Avis du Collège des Producteurs sur l’orientation de la recherche et de l’encadrement, publié en juin 2015. En ce sens, le CRA-W s’est lancé dans la rédaction de socles de connaissances depuis 2016. Ces documents font état de l’avancement de la recherche, à un moment précis, sur une thématique donnée. Conçu sur base d’une collecte des besoins auprès des agriculteurs et des associations encadrant le secteur agricole, le socle veut constituer une base documentaire venant répondre aux questions du secteur, et appuie ainsi le développement de l’agriculture biologique.En 2017, une synthèse sur l’alimentation en élevage de porcs biologiques1 a été rédigée. Une nouvelle publication sur la thématique de l’aménagement des parcours de volailles biologiques est maintenant disponible. L’aménagement du parcours permet d’aborder les questions relatives à l’alimentation 100  % bio, à l’identification et à la caractérisation de matières premières locales riches en acides aminés essentiels, à l’autonomie alimentaire, ainsi qu’à la santé de la volaille. Le parcours constitue l’une des caractéristiques les plus visibles des élevages avicoles biologiques. Il doit être mis en avant comme argument de différenciation et de plus-value en bio. L’optimisation de son utilisation est garant de la durabilité des élevages avicoles, sous différents aspects  : environnemental (recyclage de l’azote), bien-être animal (réduction de l’incidence du picage), autonomie alimentaire (valorisation des matières premières présentes sur le parcours) et image (volailles élevées en milieu ouvert). Lorsqu’il est considéré comme une partie intégrante du système d’élevage et que son aménagement est bien réfléchi, le parcours peut être à l’origine d’une multitude de services, à la fois sociétaux, environnementaux et économiques de l’élevage. Le parcours, un espace aux multiples fonctionsLes parcours mobilisent des surfaces agricoles de taille importante, dont l’exploitation peut être mise à profit pour le stockage du carbone, le maintien de la biodiversité faunistique et floristique ordinaire, l’intégration paysagère de l’exploitation, ainsi que la production d’un revenu supplémentaire (Lubac, Beral, et al. 2016). Outre ces aspects, le parcours peut agir à différents niveaux  : alimentation, bien-être, santé et services écosystémiques.L’optimisation de l’usage du parcours : une alternative vers l’alimentation 100 % bioL’optimisation de l’usage du parcours et de son apport dans l’alimentation peuvent constituer une option pour tendre vers une alimentation 100  % biologique. En AB, le cahier des charges stipule que les monogastriques doivent avoir accès à des fourrages grossiers. Ceux-ci constituent une ressource locale disponible intéressante dans les systèmes d’élevages biologiques (bien que les monogastriques ne soient pas herbivores), afin de diminuer le coût alimentaire et le recours à des sources de protéines dans l’aliment complet. Leur valeur nutritionnelle est mal connue, mais, au vu des résultats disponibles, les porcs et les volailles sont en mesure de valoriser partiellement les protéines fourragères (env. 50  % de digestibilité pour des porcs et 75 % pour des volailles), alors que les apports énergétiques sont très faibles. En fonction des objectifs et du système d’élevage, une conduite de l’aliment complet, avec rationnement et/ou ajustement de sa valeur nutritive, permet, lorsqu’elle est bien maîtrisée, de maintenir des performances techniques élevées en diminuant le coût alimentaire (Roinsard 2017).La fréquentation du parcours améliore le bien-être de la volaille…Les préoccupations relatives à l’éthique des systèmes de production, en particulier le bien-être animal, jouent un rôle important dans la décision d’achat des consommateurs d’aliments issus de l’agriculture biologique. L’élevage de volailles « plein air » est perçu comme favorable au bien-être animal : l’accès extérieur peut en effet permettre aux oiseaux d’exprimer leurs comportements naturels comme le bain de poussière, le grattage, la recherche de nourriture, la course, le vol… Plusieurs études indiquent même que la fréquentation du parcours contribue à diminuer significativement l’occurrence du picage2 (M. Bestman, 2017).1 M. Moerman, L’élevage des porcs en agriculture biologique, L’ALIMENTATION, CRA-W, 2017.  2 Comportement consistant à donner des coups de bec, voire à arracher les plumes des congénères, pouvant occasionner des dommages cutanés et la mort dans des cas extrêmes.  LES AVANCÉES DU BIO40Itinéraires BIO 47  • juillet/août 2019… et sa santéBien que plusieurs rapports indiquent que le parcours extérieur est un réservoir de micro-organismes (parasites, bactéries pathogènes ou virus), apportés par la faune sauvage et les volailles hébergées, son incidence sur la santé des volailles peut être réduite moyennant certaines pratiques d’élevage (vide sanitaire, désinfection des zones à risque, évacuation des eaux stagnantes). En amenant les volailles à se répartir sur le parcours, le risque de contamination parasitaire est également réduit (meilleure dispersion des fientes). Certaines études mentionnent le rôle favorable de l’aménagement du parcours sur l’incidence de l’influenza aviaire (IA) : un degré plus élevé de couverture arborée semble diminuer la présence d’oiseaux aquatiques, principaux vecteurs d’IA, en les empêchant d’atterrir dans la zone d’élevage en plein air (M. Bestman, 2017).Le parcours, pourvoyeur de services écosystémiquesOutre leur apport du point de vue paysager, les arbres et buissons implantés font du parcours un élément intégrant le maillage écologique de la région, qui participe au développement de la biodiversité.Aménagé, le parcours favorise la répartition de la volaille et diminue l’accumulation des déjections dans des zones de concentration. Celles-ci sont à l’origine de pollutions du sol et de la nappe phréatique et émettent des gaz à effet de serre. Même si la présence d’arbres sur le parcours ne permet pas d’absorber la totalité des minéraux rejetés par les volailles, leur présence favorise une répartition plus uniforme des volailles et de leurs déjections sur le parcours, diminuant ainsi leur lessivage.Facteurs de fréquentation du parcoursSi de nombreuses publications ont mis en évidence le rôle indéniable que joue le parcours en termes de durabilité des systèmes agricoles, encore faut-il qu’il soit fréquenté. Il est courant d’observer les volatiles se cantonner à la zone extérieure, à proximité directe des trappes, délaissant les surfaces plus éloignées. Pour comprendre ce comportement, il faut remonter aux ancêtres de Gallus gallus, animaux forestiers aimant vivre à l’abri du couvert arboré, source d’ombre et de protection contre les prédateurs volants. C’est ce couvert varié, composé de haies, de bosquets et d’arbres isolés, qu’il faut pouvoir reconstituer sur le parcours pour amener la volaille à s’aventurer hors du poulailler et à coloniser l’ensemble de l’espace dédié (Moerman, 2014). Plusieurs travaux se sont intéressés à la gestion des parcours dans les élevages de poulets plein air. Ils ont permis la mise en évidence de facteurs pouvant influencer le comportement des volailles et leur niveau d’exploration des différentes zones du parcours.L’âge des individusIl a été constaté que le temps passé sur le parcours et l’activité de recherche de nourriture augmentent avec l’âge du poulet. Les oiseaux acquerraient, en effet, une plus grande confiance et une meilleure connaissance de leur environnement au fil du temps (Almeida et al., 2012).La génétique et le sexe des individusIl est important de choisir une souche de volaille adaptée au système de pâturage extensif. Les oiseaux à croissance lente sont plus actifs que les poulets de chair à croissance rapide, surtout après les premières semaines de vie. Les poulets de chair à croissance lente sont plus susceptibles de sortir que les souches à croissance plus rapide. Il faut savoir cependant que des différences dans le comportement au pâturage se constatent pour une même souche, d’un couvoir à l’autre, d’un troupeau à l’autre et même au sein d’un même groupe.Les mâles consommant plus de végétation que les femelles, cette différence est exacerbée lorsque les individus des deux sexes sont soumis à une restriction dans la ration alimentaire distribuée. L’usage de la technologie RFID a permis d’étudier la fréquentation du parcours (aménagé et non aménagé), à l’échelle de l’individu. On constate que la majorité (60 %) des animaux qui fréquentent le plus le parcours sont des mâles, alors que le groupe des animaux particulièrement casaniers est en grande partie (70 %) constitué de femelles et ce, quel que soit le type de parcours.La taille des bandesDes recherches ont analysé le lien entre la taille du groupe et l’utilisation du parcours extérieur. Au plus la taille du troupeau est importante, au plus la proportion d’oiseaux s’aventurant à l’extérieur est faible. Une étude a démontré qu’avec des bandes de 500, 1.450 et 2.500 poules pondeuses, respectivement 42 %, 10 % et 5 % des individus sortent sur le parcours.La qualité de la ration distribuéeChez les poules pondeuses, il a été montré que la composition de l’aliment distribué aux volailles ainsi que les espèces présentes sur les parcours influencent les quantités de végétaux ingérés par les animaux. Un aliment moins riche nutritionnellement, et moins adapté aux besoins de l’animal, favorisera davantage leur sortie sur le parcours (Brachet 2015). Outre la qualité alimentaire de la pâture, il faut prendre en compte les préférences de la volaille par rapport à certaines variétés herbacées. Cet aspect est encore peu exploré.La gestion du pâturage et les conditions climatiques : deux paramètres influencés par l’aménagement du parcoursLe couvert herbacé peut inciter la volaille à s’aventurer sur le parcours, s’il est constitué de mélanges de variétés appétents, adaptés à l’alimentation de la volaille et si le couvert est maintenu en bon état (couvert homogène, le moins humide possible). La volaille ayant horreur du vent et de l’insolation directe, l’installation de haies brise vent et d’arbres protégeant du soleil sont autant d’incitants à occuper le parcours. De façon générale, l’aménagement du parcours doit prendre en compte les origines de la volaille et lui assurer un abri contre le soleil, le vent et les rapaces. L’arbre constitue le meilleur enrichissement du parcours. Une étude indique que la présence d’arbres est associée à une utilisation accrue du parcours les jours ensoleillés, dès la troisième année d’implantation des arbres.ERRATUM : ITINÉRAIRES BIO N°46Une erreur d’unité s’est glissée dans l’article sur l’autonomie alimentaire en élevage bovin, paru dans la revue Itinéraires BIO n°46, à la page 50. Le coût de revient moyen de la matière sèche autoproduite s’élevait à 59 +/- 15 € par tonne (et non pas « kg ») de matière sèche.LES AVANCÉES DU BIO  41Itinéraires BIO 47  • juillet/août 2019Comment aménager un parcours,  quels éléments mobiliser ?Sur base de l’observation du comportement des volailles sur le parcours, on remarque que celles-ci se déplacent rapidement d’un point d’ombre à un autre, si la distance entre ces deux points n’est pas trop importante. Dans le cas contraire, les animaux ne se déplacent pas. Dès lors, l’expression de leur comportement naturel n’est plus assurée, compromettant potentiellement leur bien-être et l’optimalisation des performances techniques. Pour inciter les volailles à utiliser au mieux le parcours dont elles disposent, il faut prévoir l’implantation d’arbres et de haies. Ceux-ci constituent des repères, des guides qui vont les amener à coloniser l’entièreté du parcours. Différents types d’éléments naturels peuvent être mobilisés pour aménager l’aire extérieure (strate arborée, arbustive et herbacée) sont combinés en fonction des conditions pédoclimatiques de la région, des contraintes de l’éleveur (plus ou moins de temps disponible à l’entretien des arbres), des opportunités de transformation/valorisation des produits issus des plantations. Bien que les arbres et les espèces pérennes ligneuses constituent les éléments d’enrichissement idéaux sur parcours, l’établissement de plantations permanentes d’arbres ne constitue pas nécessairement une option pour toutes les exploitations agricoles. Des enrichissements construits peuvent simuler l’incorporation d’arbres ou d’autres plantes vivaces ligneuses et offrir certains de leurs avantages, tout en étant flexibles et déplaçables. Ils peuvent être agencés en fonction des conditions locales, de l’état sanitaire ou de la rotation du parcours. Face aux multiples fonctions du parcours aménagé, les attentes de l’éleveur à son égard sont souvent nombreuses et variées : amélioration du bien-être animal, optimisation de la rentabilité, intégration de l’élevage dans le paysage…  En fonction des objectifs fixés par le producteur, chaque projet sera unique.En conclusionLe parcours, s’il est bien aménagé, peut rendre des services multiples et variés au sein même de l’élevage, dans la ferme en général et au-delà. Aménagé de façon optimale, il permettra d’améliorer les performances des volailles et leur bien-être et apportera un revenu complémentaire par la diversification qu’il introduit dans l’exploitation. Notre nouveau livret aborde différents éléments permettant de faciliter la réflexion et l’aménagement des parcours : caractéristiques et choix des essences adaptées aux parcours, étapes de plantation et d’entretien d’un arbre fruitier… Demandez votre version papier du livret à celluleagribio@cra.wallonie.be ou téléchargez-le gratuitement sur www.cra.wallonie.be LES AVANCÉES DU BIO42Itinéraires BIO 47  • juillet/août 2019SCIENCES et METIERS              de LA NATUREArnaud HeuschenENSEIGNEMENT AGRONOMIQUE DE LA REIDInstitut d’enseignement agronomique La Reid    rue du Canada 157   4910 LA REID christine.rose@provincedeliege.be    Tél : 04 279 40 10Haute Ecole de la Province de Liège    rue du Haftay, 21   4910 LA REID marianne.dawirs@provincedeliege.be    Tél : 04 279 40 80 www.hepl.bewww.mafuturecole.be

Le parcours aménagé, un outil au service d’un élevage performant

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