Étude sur l'économie et ses représentations sociales à travers deux cadres théoriques : exploration des lieux de détermination d'un débat

Abstract

Dans le domaine des représentations sociales (Moscovici, 1961), surtout dans les recherches dites quantitatives, il existe deux courants de recherche qui se sont érigés en écoles: l'école d'Aix-enProvence (EA) et l'école de Genève (EG). Toutes les deux prétendent étudier les représentations sociales (RS), la structure et l'évolution de la pensée sociale ou le sens commun, mais chacune suivant son modèle théorique. Pour EA (Abric, 1994), une RS est formée d'éléments reliés entre eux suivant une structure double: un noyau central, relativement consensuel dans un groupe, et un système périphérique traduisant les variations individuelles et contextuelles. Pour EG (Doise, 1990), les RS sont des principes organisateurs de prises de position, par rapport à un enjeu, traduisant des insertions spécifiques de rapports sociaux. Depuis les années 1990, un débat relativement animé entre ces deux écoles s'est installé dans la communauté scientifique sans qu'un chercheur dans le domaine puisse déterminer d'une manière impartiale lequel des deux modèles est le plus adéquat pour son étude. Cette thèse, d'ordre ± méthodo-Iogique ¿ avec une application pratique, vise à éclaircir les termes de ce débat à partir d'une recherche sur un même objet, les RS de l'économie chez une population estudiantine, objet déjà traité par les tenants des deux écoles, suivant une perspective comparative. La recherche a été effectuée selon les canons des méthodes des deux écoles afin de pouvoir dégager les différences des deux approches surtout à l'égard de ce qui a été appelé le ± découpage de l'objet ¿ effectué par chacun des modèles. Sur le plan de l'application de l'étude aux RS de l'économie, d'une part les résultats de l'EA prennent la forme d'une structure (noyau central et système périphérique) non-autonome et nondimensionnelle mais organisée par des groupements de thèmes pouvant se recouvrir partiellement et où un même thème acquiert une signification différente selon autant les thèmes auxquels il s'associe que le contexte groupaI particulier dans lequel il apparaît. En effet, le thème ± argent ¿, central, prioritaire et non-négociable acquiert des significations distinctes autant lors de comparaisons inter-sexes (Homme vis Femme) qu'en fonction de ses associations à d'autres thèmes centraux adjoints (Salaire, Épargne, Banque, Emploi, Bourse) lors des comparaisons intra-sexes. Le noyau central est aussi constitué de sept autres thèmes qui, en interaction, forment les groupements suivants: Rémunération-Thésaurisation, Acteurs du circuit économique, Cycle , économique. D'autre part, pour EG, l'ensemble des analyses internes/externes (AFC, CAH, Classification mixte, description des classes, INDSCAL, variables supplémentaires) montrent que les différentes significations individuelles attribuées aux éléments du savoir commun sur l'économie se sont organisées autour de deux axes principaux: 1) l'axe Économie domestique vis Macroéconomie; 2) l'axe de l'investissement: ses conditions vis ses risques. Deux variables d'ancrage, la condition économique et l'âge, et dans une moindre mesure, l'appartenance à l'UQAM ou à l'UdeM, rendent compte des prises de position à propos des RS de l'économie. Sur le plan ± méthodo-Iogique ¿, il en ressort plusieurs points distincts mais dépendants: 1) une différence dans la conception des outils de collecte de données (i.e., épreuves de questionnement) dans la majorité des étapes d'une recherche: EA cherche des données majoritaires dénotant un consensus alors que EG provoque les différences entre les individus; 2) Une différence de modèle mathématique à la base des techniques d'analyse de données: mathématique combinatoire et topologisation de la relation entre les éléments d'une RS pour EA vis mathématique continue et géométrisation de l'espace du sens commun pour EG; 3) une différence dans la manière d'intervenir sur les données pour les rendre ± pertinentes¿: chez EA l'intervention est minimale et elle est constamment à justifier d'autant plus que le lien entre une étape et une autre n'est pas compilable dans une même représentation synthétique comme c'est le cas chez EG où l'intervention est plus ouverte et passe souvent par des algorithmes nettement moins intuitifs et explicites. Bref, chacune des deux écoles conçoit différemment son objet et implante un dispositif d'observation et d'analyse correspondant à cette différence de telle sorte qu'une même donnée peut être très informative pour l'un alors qu'elle passerait totalement inaperçue pour l'autre. Il est donc peu pertinent de se limiter à chercher une correspondance entre le noyau central d'une RS et ses principes organisateurs vu que la division semble aussi se situer à un autre niveau que celui du simple discours théorique. Les limites inhérentes à la présente étude et à l'emboîtement de ses deux objectifs, empirique et méthodo-Iogique, sont discutées en usant de réflexivité et en ouvrant des pistes vers des questionnements plus approfondis dans le domaine des recherches empiriques dont l'objet de recherche est la méthode

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