Caractérisation des réactions de défense de la vigne et identification d'éliciteurs : l'endopolygalacturonase 1 de Botrytis cinerea, une fonction d'avirulence pour un facteur de virulence.
The fight against grapevine pathogens is mainly carried out by pesticides, the continued use of which is harmful to the environment and the health of users and consumers. The main organizations in charge of viticulture set as a priority the research and use of alternatives to chemical control. However, the genetic improvement of the vine is prohibited in AOC vineyards to preserve the varietal typicity, partly responsible for the quality of the wines. In addition, research undertaken some fifteen years ago reveals that plants have their own immune defenses, which they activate on contact with the microorganisms they recognize via molecules called elicitors. In this context, the objective of this work was both to research and identify active elicitors on grapevine, to characterize the signaling events and the defense reactions activated by these elicitors and finally to verify that the application of elicitors on grapevine could lead to increased resistance to pathogens.We have purified, from the culture filtrates of a strain of Botrytis cinerea with low virulence on grapevine, a protein elicitor which induces a set of defense reactions in cell suspensions of Vitis vinifera cv Gamay: calcium influx, efflux of nitrate, activation of two MAPKs, production of H2O2, activation of defense genes, production of phytoalexins. These results are the first to describe a set of defense reactions in grapevine. They reveal similarities but also differences with the defense mechanisms involved and identified in model plants such as tobacco. Mass spectrometry made it possible to identify this elicitor of Botrytis cinerea; it is the endopolygalacturonase 1 (BcPG1), hitherto considered as a virulence factor. This result is an original contribution to understanding the molecular dialogue between plants and microbes during evolution. Two other elicitors have proven to be effective on grapevine: laminarin, a linear polymer of beta-1,3-glucan extracted from the seaweed Laminaria digitata, and oligogalacturonates (OGs), alpha-1,4 polymers of galacturonic acid in particular produced by hydrolysis of the plant wall by endopolygalacturonases. The qualitative, quantitative and kinetics comparison of events activated by BcPG1 and OG suggested that the eliciting activity of BcPG1 did not come solely from the release of OGs via its enzymatic activity. Desensitization experiments confirmed that BcPG1 and OGs were perceived by grapevine cells as two distinct stimuli. Chemical or physical treatments of the protein made it possible to discriminate between the eliciting and enzymatic activities of BcPG1, thus showing that the eliciting activity of this protein does not come from its enzymatic activity, but probably from structural motifs specific to BcPG1 and recognized by the plant.Different protection tests have been developed to evaluate the protection of grapevine induced by elicitors against two pathogenic agents: Botrytis cinerea (the agent of grey mold) and Plasmopara viticola (the agent of downy mildew). The results show that the development of these pathogens is reduced by more than 50% when grapevine is pre-treated with elicitors. These results are very promising in the perspective of an application in reasoned viticulture.La lutte contre les pathogènes de la vigne s’effectue principalement par des produits phytosanitaires dont l’utilisation continue est néfaste pour l’environnement et la santé des utilisateurs et des consommateurs. Les principaux organismes en charge de la viticulture fixent comme priorité la recherche et l’utilisation de moyens de lutte alternatifs à la lutte chimique. Or, l’amélioration génétique de la vigne est interdite dans les vignobles d’AOC pour préserver la typicité variétale, en partie responsable de la qualité des crus. Par ailleurs, des recherches engagées il y a une quinzaine d’années révèlent que les plantes ont des moyens de défense propres, qu’elles activent au contact des micro-organismes qu’elles reconnaissent via des molécules appelées éliciteurs. Dans ce contexte, l’objectif de ce travail était à la fois de rechercher et d’identifier des éliciteurs actifs sur la vigne, de caractériser les événements de signalisation et les réactions de défense activés par ces éliciteurs et enfin de vérifier que l’application d’éliciteurs sur la vigne pouvait conduire à une résistance accrue aux pathogènes.Nous avons purifié, à partir des filtrats de culture d’une souche de Botrytis cinerea peu virulente sur la vigne, un éliciteur protéique qui induit un ensemble de réactions de défense dans des suspensions cellulaires de Vitis vinifera cv Gamay : influx de calcium, efflux de nitrate, activation de deux MAPK, production d’H2O2, activation de gènes de défense, production de phytoalexines. Ces résultats sont les premiers à décrire un ensemble de réactions de défense chez la vigne. Ils révèlent des similitudes mais aussi des différences avec les mécanismes de défense mis en jeu et identifiés dans des plantes modèles comme le tabac. La spectrométrie de masse a permis d’identifier cet éliciteur de Botrytis cinerea ; il s’agit de l’endopolygalacturonase 1 (BcPG1), jusque là considérée comme un facteur de virulence. Ce résultat est une contribution originale à la compréhension du dialogue moléculaire entre les plantes et les microbes au cours de l’évolution. Deux autres éliciteurs se sont révélés efficaces sur la vigne : la laminarine, polymère linéaire de beta-1,3-glucane extrait de l’algue Laminaria digitata, et les oligogalacturonates (OG), polymères alpha-1,4 d’acide galacturonique notamment produits par l’hydrolyse de la paroi végétale par les endopolygalacturonases. La comparaison au plan qualitatif, quantitatif et cinétique des événements activés par BcPG1 et les OG laissaient supposer que l’activité élicitrice de BcPG1 ne provenait pas uniquement de la libération d’OG via son activité enzymatique. Des expériences de désensibilisation ont confirmé que BcPG1 et les OG étaient perçus par les cellules de vigne comme deux stimuli distincts. Des traitements chimiques ou physiques de la protéine ont permis de discriminer les activités élicitrice et enzymatique de BcPG1, montrant ainsi que l’activité élicitrice de cette protéine ne provient pas de son activité enzymatique, mais vraisemblablement de motifs structuraux propres à BcPG1 et reconnus par la plante.Différents tests de protection ont été développés pour évaluer la protection de la vigne induite par des éliciteurs vis à vis de deux agents pathogènes : Botrytis cinerea (l’agent de la pourriture grise) et Plasmopara viticola (l’agent du mildiou). Les résultats montrent que le développement de ces pathogènes est réduit de plus de 50% lorsque la vigne est pré-traitée par des éliciteurs. Ces résultats sont très prometteurs dans la perspective d’une application en viticulture raisonnée