Sécurité semencière pour les petits producteurs

Abstract

Les semences constituent l’intrant le plus important en agriculture et le moins coûteux comparé aux engrais, aux pesticides et au travail. Deux éléments clés pour de meilleurs rendements : de bonnes pratiques culturales et des variétés locales à pollinisation ouverte (VPO) améliorées. Disposer de bonnes semences au juste prix reste le problème majeur du paysan. Le coût des semences améliorées augmente chaque jour et ce n’est pas seulement dommage pour les petits producteurs. C’est aussi la pierre d’achoppement des programmes de sécurité alimentaire. Dans le cas du Malawi, par exemple, les paysans n’avaient jamais acheté de semences avant l’introduction des variétés hybrides, au début des années 50. Ils utilisaient les leurs ou les échangeaient avec leurs voisins. L’introduction des hybrides s’est accompagnée de subventions sur les intrants. Commencer à les acheter n’était donc pas une charge trop lourde pour un petit producteur pauvre. La situation est aujourd’hui différente. En 1987, le gouvernement a appliqué le programme d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale et a progressivement supprimé ces subventions. Cela a rendu les intrants — dont les semences hybrides — inaccessibles aux petits producteurs. Ceux qui avaient adopté les hybrides sont revenus aux variétés locales et la production de maïs a chuté. Un produit intermédiaire Au Malawi, 90 % de la terre cultivée en maïs appartiennent aux petits producteurs et 80 % de cette surface sont plantés de variétés à faible rendement. Il était donc logique de lancer un programme semencier qui propose une variété intermédiaire, accessible, avec un meilleur rendement, des conditions de conservation et de transformation proches de celles des variétés locales et dont les paysans pouvaient tirer les semences de la prochaine campagne. C’est là que les VPO sont entrés en jeu. Si elles ne peuvent pas égaler les performances des hybrides dans un contexte de fertilité élevée, elles les dépassent en cas de faible fertilité. C’est pourquoi je recommande les VPO pour les petits producteurs des pays ACP, où la terre est souvent moins fertile en raison de l’intensité des cultures sans rotation. Au-delà de l’accessibilité Bien que les chercheurs aient mis au point de nombreuses VPO, les commerçants ne veulent pas en assurer la promotion ni la vente. Pourquoi ? Ils craignent de perdre leur marché car les VPO peuvent être recyclées pendant trois ans sans perte de productivité. Si ce recyclage est un inconvénient pour ces sociétés commerciales, il représente un avantage pour les producteurs. La production alimentaire familiale ne chute pas comme ce serait le cas avec des variétés locales. C’est pourquoi j’invite les gouvernements ACP et autres décideurs à encourager l’usage des VPO chez les petits producteurs. C’est ainsi qu’ils atteindront la sécurité alimentaire. N’oublions pas que dans des pays comme le Malawi, ces producteurs constituent le plus gros de la population. Quel serait l’intérêt de promouvoir les variétés hybrides, intéressantes seulement pour les riches, et de laisser de côté les VPO, idéales pour la majorité des producteurs ? Lorsqu’on parle de développement agricole, il faut prendre en compte les systèmes de production et les communautés concernées et proposer aux petits producteurs ce qui leur convient. L’ambition de tout programme agricole doit être la sécurité alimentaire pour tous et non la promotion des sociétés semencières. Gérer les semences Un autre point important dans les systèmes de production est celui de la gestion des intrants. Dans notre recherche au Malawi, nous avons noté qu’avec un mauvais système de gestion des intrants, les variétés hybrides n’avaient pas d’avantage significatif sur les VPO en termes de rendement. Les petits producteurs, pour la plupart pauvres, n’ont pas de système performant de gestion des intrants. Il serait donc absurde de les encourager à cultiver les variétés hybrides, car s’ils le faisaient, ils auraient d’importantes pertes. Un autre aspect que je veux souligner est la formation. Elle va de pair avec l’émancipation. Les petits producteurs doivent être formés en production semencière comme en transformation et en marketing. Ceci doit leur être proposé dans leurs coopératives pour s’assurer que les paysans eux-mêmes puissent identifier les variétés qui leur conviennent du point de vue traditionnel et scientifique. Au Malawi, le maïs est traditionnellement écrasé dans un mortier pour en retirer le son avant de le réduire en farine. C’est pourquoi les paysans préfèrent les variétés dures comme leurs variétés locales. S’ils sont encouragés à produire des VPO qui préservent ces méthodes traditionnelles, la sécurité alimentaire pourra être assurée. Ces programmes doivent également permettre un flux constant de semences pures dans le système de production semencier afin que les producteurs n’aient jamais besoin d’en acheter, même après les trois années de durée de vie des VPO. Au Malawi, le gouvernement et des partenaires comme l’Union européenne ont appuyé ces programmes de formation. Le résultat est que les semences absentes sur le marché il y a cinq ans peuvent maintenant être achetées : maïs, VPO améliorées, arachides, haricots, soja, pois cajan et bien d’autres. En résumé, je dirais que le principal défi pour la sécurité alimentaire et le bien-être est de renforcer le système semencier et d’intensifier la formation paysanne sur les bonnes méthodes culturales. [caption] Elizabeth Mary Minofu Sibale, chercheuse agricole, est spécialisée dans le maïs. Elle travaille pour le programme du CIMMYT à la station de recherche agricole de Chitedze (Malawi) où elle est l’expert national en sécurité alimentaire auprès de la Délégation européenne. En 2000, elle a obtenu le prix de la Banque mondiale et de l’Africa Club du FMI pour son travail sur la reproduction des variétés à pollinisation ouverte (VPO). Les opinions exprimées dans ce Point de vue sont celles de l’auteur, et ne reflètent pas nécessairement les idées du CTA.Les semences constituent l’intrant le plus important en agriculture et le moins coûteux comparé aux engrais, aux pesticides et au travail. Deux éléments clés pour de meilleurs rendements : de bonnes pratiques culturales et des variétés..

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