L’émergence d’un modèle néo-artisanal dans la brasserie belge : nouveauté ou continuité ? Ce que nous apprend une analyse socio-historique des reconfigurations du travail et de la production.

Abstract

Depuis plusieurs années, alors que le métier de brasseur était majoritairement exercé dans de grandes industries, on voit se développer dans de nombreux pays, un nouveau type de petites entreprises brassicoles, où est défendu un travail de production artisanale. Le modèle ‘néo-artisanal’ charrié par ces nouveaux producteurs se manifeste dans des domaines variés. Emblématique de transformations socio-économiques contemporaines, ce modèle se présente comme distinct, voire opposé, à la logique industrielle dominante, par la valorisation d’un travail artisanal qualifié, mêlant savoir-faire manuel, capacités intellectuelles et réalisation de soi (Sennett, 2010) et par la production de biens et de services de qualité et authentiques (Thurnell-Read, 2019). En Belgique, le développement de petites brasseries est plus progressif que dans d’autres pays, mais il fait suite à une phase de concentration économique importante (Poelmans & Swinnen, 2018). Ces nouveaux producteurs, bien que peu organisés collectivement et présentant des profils et des parcours divers, se retrouvent dans des discours communs et des significations partagées à propos du travail de brasseur et des qualités des produits et de la production. Emergent de nouvelles formes d’opposition et de hiérarchisation entre des modèles de production et des modalités d’exercice du métier. Mais le caractère neuf de ces tensions et différenciations reste à interroger. En adoptant une approche processuelle inspirée des travaux d’Abbott (2016), notre objectif est de resituer la période contemporaine au sein d’un temps long marqué par des reconfigurations historiques de ces activités. Nous identifions quatre périodes de stabilisation, chacune caractérisée par la domination précaire et contestée d’un modèle de production et du travail, depuis la moitié du 19ème siècle avec une phase de constitution d’un acteur collectif national et de prémices d’un processus d’industrialisation, incarné par la rupture de la fermentation basse dans un contexte de production traditionnelle dans de nombreuses petites brasseries, jusqu’à la période néo-artisanale récente, émergeant dans un contexte de globalisation et de concentration économique importante autour de quelques grandes firmes industrielles multinationales. Nous nous appuyons pour cela sur une analyse socio-historique, basée sur le dépouillement d’archives et de sources documentaires et, pour la période récente, sur une enquête par entretiens auprès de témoins privilégiés (n=10)

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