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6. Analyse de discours et mise en page : Une discrimination inférentielle commandée par l’alinéa
Deux exemples d’emploi de l’alinĂ©a montrent combien il est hasarÂdeux de faire de l’analyse du discours (Ă©crit...) sans passer par la gramÂmaire de texte et sans reconÂnaĂ®tre dans cette dernière l’imÂportance des signes de ponctuation et de mise en page. J’emprunterai le premier exemple Ă l’édiÂtion de 1990 des ElĂ©Âments de linguisÂtique pour le texte littĂ©raire de D. MaingueÂneau : Dans cet extrait de Madame Bovary : Ils s’en revinrent Ă Yonville, par le mĂŞme chemin [...] Rodolphe, de temps ..
Histoire et emplois de l’alinéa ouvrant en diachronie (xiiie-xviie siècles)
Cette étude est consacrée à l’examen de la théorie de l’alinéa exposée par Roger Laufer dans ses publications des années 1980, théorie jusqu’à ce jour considérée comme fondatrice des études de ponctuation textuelle. Au vu des livres imprimés au dix-septième siècle, et non plus tôt, R. Laufer fait l’hypothèse que l’histoire de l’alinéa commence par l’émergence de l’alinéa ouvrant dans les genres administratif et argumentatif, et que celui-ci ne s’étend que tardivement à la littérature narrative en prose ; il en donne pour exemple les contes de fées et les romans par lettres. Or les manuscrits des treizième, quatorzième et quinzième siècles (Chrétien de Troyes, Jean de Joinville et Jean Froissart) de grandes œuvres narratives en prose montrent qu’elles sont dès le début découpées en paragraphes dont certains présentent les mêmes caractéristiques de format et de contenu que les paragraphes de littérature moderne et contemporaine. Le remplacement massif des lettrines médiévales par des lettres d’attente, puis des lettres d’attente par des alinéas ouvrants dans les incunables des années 1470-1480 touche également tous les genres de textes. Contrairement à l’hypothèse de R. Laufer, l’alinéation de la littérature n’est pas en retard par rapport à celle des textes non narratifs et l’absence d’alinéas dans les contes de fées et les romans par lettres doit recevoir une autre explication liée non pas au genre textuel mais au genre sexuel : les genres sans alinéas sont des genres (faussement) attribués à des femmes, depuis ma Mère l’Oye jusqu’à la religieuse portugaise. Faire semblant d’être une femme, c’est ignorer les alinéas pour faire croire que l’auteur n’a aucune compétence éditoriale, cette dernière étant réservée aux hommes. La prise en compte du double versant de l’alinéa, non seulement ouvrant mais aussi fermant, permet de faire le lien avec la division paragraphique antique et médiévale des textes, et d’identifier dans la non-alinéation des textes narratifs un procédé littéraire. Autrement dit, l’absence d’alinéa marque la présence d’un procédé, et non l’inverse.The subject of this paper is the theory of the alinea (paragraph opening and closing marks) outlined by Prof. Roger Laufer in his publications between 1980 and 1990, a theory that in France is still today considered as foundational to textual punctuation studies. Examining printed French books of the seventeenth century and no earlier, R. Laufer makes the assumption that the story of the alinea begins with the emergence of the opening alinea in administrative and argumentative genres, and that it only extends later to narrative literary prose, giving fairy tales and epistolary novels as examples. Nevertheless, the manuscripts of the thirteenth, fourteenth and fifteenth centuries (Chrestien de Troyes, Jean de Joinville and Jean Froissart) of great French narrative works in prose show that these texts are from the beginning cut into paragraphs, some of which have the same format and content characteristics as paragraphs of modern and contemporary literature. The massive replacement of medieval initial caps with “lettres d’attente”, then of “lettres d’attente” with opening alineas in the incunabula in the years 1470-1480 equally affects all kinds of texts. Thus, contrary to R. Laufer’s hypothesis, the alinea in literature is not late compared to non-narrative texts and the absence of alineas in fairy tales and novels by letters must receive another explanation related not to the textual genre but to the sexual gender: they are genres (falsely) attributed to women, from ma Mère l’Oye to the Portuguese nun. To pretend to be a woman is to delete the alineas to give the impression that the author has no editing competence, which is reserved for men. Taking into account the double aspect of the alinea, used not only for opening but also for closing paragraphs, allows a link to be made with ancient and medieval paragraph division and allows the identification of a literary device in the non-paragraph of the narrative texts. In other words, the absence of alinea marks the presence of a device, instead of the other way round
L’atmosphère comme « régime d’écriture » chez Georges Simenon
Frédéric François (1935-2020) a défini la lecture comme l’expérience vécue d’un monde imaginaire ou d’une vie étrangère. Parmi les notions psycholinguistiques qu’il propose pour faire converger « mode de pensée » et « cours de la vie » dans cette expérience figure notamment celle d’« atmosphère ». De son côté, l’écrivain Georges Simenon (1903-1989) présente l’atmosphère comme le point de départ nécessaire pour entraîner l’adhésion du lecteur aux évènements qui vont constituer le récit, et ce non pas sous la forme de personnages, de lieux et de temps, ou d’actions et de propos rapportés, mais sous forme d’odeurs, de bruits, de couleurs, de lumières et de climats, toutes choses généralement considérées comme négligeables par rapport aux grandes articulations de l’intrigue. La présente étude vise à attirer l’attention des chercheurs en linguistique de la littérature sur le rôle de l’atmosphère dans la convention de narration qui permet d’abaisser le seuil de vigilance du lecteur concernant le contenu du récit qui, si réaliste soit-il, n’en doit pas moins être conçu comme une sorte de « rêve éveillé ».Frédéric François (1935-2020) defined reading as the lived experience of an imaginary world or an alien life. Among the psycholinguistic notions he proposed for the convergence of “mode of thought” and “course of life” in this experience was the concept of “atmosphere”. As for the writer Georges Simenon (1903-1989), he conceives “atmosphere” as the necessary starting point to guarantee the reader’s suspension of disbelief, not through characters, places and times, or reported actions and speeches, but through smells, noises, colours, lights and climates, all of which are generally considered to be insignificant in relation to the main twists of the plot. The present study aims to alert literary linguistics researchers to the key role of atmosphere in the narrative convention that facilitate the reader’s suspension of disbelief towards the content of the narrative, which, however realistic, must nevertheless be conceived as a kind of daydream
De « classe ouvrière » à « classes moyennes », une réfection terminologique du champ social en France
Depuis les années 1980, l’École de Chicago inspire des politiques économiques qui ont discrédité la sociologie des classes sociales et des luttes de classes au profit de la collaboration entre catégories et groupes définis par le niveau de revenu. Le syntagme « classe ouvrière » a été remplacé par « classes moyennes » dans le discours des médias. Parallèlement, l’assimilation de la classe ouvrière à ce qui n’est pas « les classes moyennes blanches » ainsi que le rejet des immigrés et des enfants d’immigrés ont déplacé les luttes sociales vers les conflits ethniques (émeutes en banlieues, vocations djihadistes). Cette étude critique de lexicologie sociale montre comment les médias français, propriétés de grands groupes financiers, présentent une vision erronée des réalités sociales et contribuent à dépolitiser l’opinion publique sans égard pour l’éthique qui devrait fonder la vie démocratique du pays.Since 1980, the Chicago school economics is inspiring policies that discredit the social classes and social struggles sociology for the benefit of collaboration between income-defined categories or groups. The words “working class” have been replaced by “middle classes” in massmedia discourse. At the same time, the assimilation of the working class with what is not White middle classes and the rejection of migrant workers and their sons moved social struggles into ethnic struggles (suburbs riots, djihadist vocations). This critical study in social lexicology shows how the French press, controlled by big bankers, is lying about social realities and contribute to depoliticize the country with no regards for ethics on which the democratic life should be based
1. Présentation
Une chose qui m’a toujours frappĂ© en linguistique, c’est l’organisation pyramidale de la pensĂ©e par laquelle cette science procède et qu’elle impose Ă ceux qui la pratiquent pour saisir ses objets sur diffĂ©rents niveaux. On n’y est jamais si Ă l’aise que lorsqu’on peut hiĂ©rarÂchiser : première articulation, deuxième articulation…, ni si mal Ă l’aise que lorsque les entitĂ©s Ă dĂ©crire se prĂ©sentent dans un mĂŞme plan d’exerÂcice : l’oral, l’écrit – on n’a de cesse alors de vouloir soumettre l’un..
Le nom de la lettre et son inscription
Tu sais que nous dĂ©signons les lettres par des noms, et non par elles-mĂŞmes, exceptĂ© l’e, l’u, l’o et l’ô. Quant aux autres lettres, voyelles et conÂsonÂnes, tu sais que nous y ajoutons d’autres lettres pour former leurs noms. Mais tant que nous y mettons la lettre mĂŞme avec sa valeur clairement exprimĂ©e, il est juste de lui donner ce nom-lĂ , qui la dĂ©signera pour nous. Prenons par exemple le bĂŞta : tu vois que l’adÂdiÂtion de l’ê, du t et de l’a n’a rien gâtĂ© et n’empĂŞche pas que la nature d..
Un drĂ´le de petit drame
Les Éléments de grammaire structurale de Tesnière (1959) ont rendu célèbre la métaphore du noyau verbal de la phrase décrit comme un « véritable petit drame ». Ce qu’on sait moins est que cette métaphore est apparue en même temps que la notion de « phrase » à la fin du xviiie siècle. Elle est en effet issue de l’étymologie des pronoms de première, deuxième et troisième personnes présentés aux enfants des écoles comme les personnages d’une pièce de théâtre. Plus près de nous, la métaphore a été employée pour présenter les actes de langage comme des scénarios dramatiques. Hors de France, c’est Philipp Wegener qui semble avoir le premier défini l’interaction entre locuteurs d’un dialogue comme une scène (1885). Cette conception a influencé Karl Bühler (1934) en Allemagne et Alan Henderson Gardiner en Angleterre, dont la théorie des actes de parole a donné naissance à la pragmatique. D’où l’on peut conclure que, comme de nombreuses autres en linguistique et malgré sa relative grossièreté épistémologique (ou bien est-ce grâce à elle ?), la métaphore du « petit drame » s’est révélée heuristiquement fertile.Lucien Tesnière’s theory of structural grammar (1st ed. 1959) made the “little drama” metaphor for describing the verbal nucleus of the sentence famous among French linguists. What is less well known is that this metaphor was born at the same time as the “phrase” itself at the end of the 18th century, from the etymology of the personal pronouns (first, second and third) presented to pupils like three characters of a play. More recently, this metaphor has been used to present speech acts as dramatic scenarios. Outside of France, Philipp Wegener seems to have been the first among modern linguists to define a speech interaction between two interlocutors in a dialogue as a “scene” (1871). This conception influenced Karl Bühler (“Sprechtakt”, 1934) in Germany and Alan Henderson Gardiner (“acts of speech”, 1932) in England, gaving birth to pragmatics. This is why we may conclude that, like many others in linguistics and in spite of its epistemological looseness (or because of it), the “little drama” metaphor has proved heuristically effective
L’atmosphère comme « régime d’écriture » chez Georges Simenon
Frédéric François (1935-2020) defined reading as the lived experience of an imaginary world or an alien life. Among the psycholinguistic notions he proposed for the convergence of “mode of thought” and “course of life” in this experience was the concept of “atmosphere”. As for the writer Georges Simenon (1903-1989), he conceives “atmosphere” as the necessary starting point to guarantee the reader’s suspension of disbelief, not through characters, places and times, or reported actions and speeches, but through smells, noises, colours, lights and climates, all of which are generally considered to be insignificant in relation to the main twists of the plot. The present study aims to alert literary linguistics researchers to the key role of atmosphere in the narrative convention that facilitate the reader’s suspension of disbelief towards the content of the narrative, which, however realistic, must nevertheless be conceived as a kind of daydream
ÉpilogueUn apprentissage éditorial
1. Mise en mots, mise en pages et retour L’objectif de cet article n’est pas de proposer de l’énonciation éditoriale une description linguistique interne, positive, objective et expérimentale – en montrant par exemple comment les alinéas d’un récit sont des instructions de lecture adressées par l’auteur à son lecteur potentiel et plus généralement dans quelle mesure la mise en mots dépend de la mise en pages, mais de définir cette notion de l’extérieur, dans un cadre médiologique. En France c..
Cratyle en Belgique ou La transparence des langues dans les récits de fiction
Arabyan Marc. Cratyle en Belgique ou La transparence des langues dans les récits de fiction. In: L'Information Grammaticale, N. 95, 2002. pp. 42-45